La cause en bref

R. c. J.F.

La Cour suprême juge raisonnable le délai lié au nouveau procès d’un père québécois accusé de multiples infractions de nature sexuelle.

En 2011, J.F. a été accusé de sept chefs d’accusation concernant des infractions de nature sexuelle commises à l’endroit de sa fille entre 1986 et 2001 au Québec. Après une enquête préliminaire, le procès de J.F. a commencé devant la Cour du Québec à la fin de 2013.

Pendant que se déroulaient les procédures, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans l’affaire R. c. Jordan en 2016. Dans cet arrêt, la Cour suprême a fixé les délais maximums qui doivent s’écouler entre le moment où une personne est mise en accusation et celui où son procès prend fin. Ce délai est de 30 mois dans les cas où le procès se tient devant une cour provinciale, telle la Cour du Québec, à la suite d’une enquête préliminaire.

En définitive, J.F. a été acquitté en 2017, soit six ans après avoir été mis en accusation. Le ministère public a porté cette décision en appel devant la Cour d’appel du Québec, laquelle a ordonné la tenue d’un nouveau procès. Avant le début de ce deuxième procès, J.F. a demandé au tribunal d’ordonner l’arrêt des procédures, plaidant que les délais survenus durant son premier procès et avant le début du deuxième étaient déraisonnables. Selon J.F., le droit que lui garantit la Charte canadienne des droits et libertés (Charte) « d’être jugé dans un délai raisonnable  » avait été violé en raison de ces délais.

La juge du deuxième procès a accepté l’argument de J.F. suivant lequel il y avait eu violation du droit qui lui est garanti par l’alinéa 11b) de la Charte. Le ministère public a interjeté appel de cette décision devant la Cour d’appel du Québec. Les juges de la Cour d’appel ont statué que le délai lié à chacun des procès doit être considéré séparément. Les juges ont précisé qu’il est nécessaire de prendre en compte le délai lié au deuxième procès uniquement dans les cas où le délai lié au premier était raisonnable. Toutefois, comme le délai lié au premier procès de J.F. était déraisonnable, la Cour d’appel a rejeté l’appel du ministère public et n’a pas considéré le délai lié au deuxième procès. Le ministère public a par la suite porté cette décision en appel devant la Cour suprême du Canada.

La Cour suprême a donné raison au ministère public.

Seul le délai lié au deuxième procès est comptabilisé.

Rédigeant les motifs de jugement des juges majoritaires de la Cour suprême, le juge en chef Richard Wagner a indiqué que, suivant l’arrêt Jordan, tant le ministère public que la défense ont l’obligation d’agir avec célérité. Cela veut dire notamment que l’accusé doit soulever promptement toute préoccupation relative au délai. En conséquence, dans les cas concernant un seul procès, l’accusé qui croit que son droit d’être jugé dans un délai raisonnable a été violé doit soulever cette question avant la tenue de son procès. Un accusé peut parfois soulever cette question en appel, mais uniquement dans des circonstances exceptionnelles. Un accusé ne devrait pas soulever la question du délai lié à son premier procès après qu’une cour d’appel a ordonné la tenue d’un deuxième procès.

Le juge en chef a précisé qu’une fois qu’une cour d’appel a ordonné la tenue du deuxième procès, seul le délai lié à celui-ci peut être comptabilisé, et que ce sont les mêmes délais maximums établis dans l’arrêt Jordan qui s’appliquent. Un délai lié au premier procès ne sera pris en considération que dans des circonstances exceptionnelles.

Dans la présente affaire, J.F. n’a pas soulevé de préoccupation concernant le délai avant son premier procès ou durant celui-ci, et il ne l’a pas fait non plus devant la Cour d’appel. Il n’a soulevé cette question que dans le cadre de son deuxième procès. Pour cette raison, seul le délai lié au deuxième procès pouvait être considéré. Le délai lié à ce procès était de 10 mois et 5 jours, soit une période bien inférieure au délai maximum de 30 mois. Ce délai était en conséquence raisonnable, et il n’y avait aucune raison d’ordonner l’arrêt des procédures. 

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.