Vidéos du programme des auxiliaires juridiques 

 

Entretien avec le juge en chef du Canada, le très hon. Richard Wagner

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Alors, bien les clercs, ce que je recherche, évidemment, il y a plusieurs candidatures à chaque année qui sont soumises à la Cour suprême, mais les neuf juges ont la chance de pouvoir évaluer puis choisir les différents clercs à travers le pays selon ce qu’ils recherchent eux-mêmes comme objectifs. Alors, en ce qui me concerne, moi je cherche dans les candidatures quelqu’un qui a bien réussi dans ses études, qui est prêt à donner un bon coup de main à la Cour, à travailler fort, et à s’engager sur une base quotidienne à, évidemment, à appuyer le juge, et appuyer la Cour incidemment. Je m’attends également à quelqu’un qui puisse fonctionner de façon collégiale, avec les autres clercs du bureau, de mon bureau, mais également avec les autres clercs de la Cour, parce que c’est un environnement très spécial, puis il est essentiel que les gens travaillent de façon très harmonieuse entre eux.

C’est une communauté très spéciale, être clerc à la Cour suprême du Canada évidemment, ça veut dire faire partie d’un univers qui va les suivre le restant de ses jours. Alors, un clerc à la Cour, évidemment il y a des conventums, alors ils se retrouvent après plusieurs années, et on les retrouve un peu partout dans le monde. Or, c’est une communauté tissée serrée, et les gens gardent des liens pour toujours, peu importe ce qu’ils font dans l’avenir, peu importe le pays dans lequel ils vont travailler.

Je m’attends à ce que la personne en question soit curieuse, donc, un esprit curieux, prêt à développer des théories, prêt à étudier des nouveaux concepts. Donc, en anglais on dirait, « to be out of the box, to think out of the box ». Alors, je pense que c’est important d’avoir quelqu’un qui est également capable de se retourner rapidement pour répondre, par exemple, à des questions un peu plus pointues. Alors, c’est un engagement sérieux, c’est un engagement qui, selon moi, apportera beaucoup d’expérience et de connaissances au clerc, mais qui devrait apporter également à la Cour et aux juges également beaucoup de satisfaction pour pouvoir mieux rédiger et mieux déposer les décisions. En d’autres mots, j’ai toujours vu le programme d’auxiliaires à la Cour comme étant un « give and take » et qu’il doit y en avoir pour et le clerc et pour le juge.

Évidemment, chaque juge a sa manière propre de donner du travail aux clercs, alors, ça peut varier d’un bureau à l’autre, mais généralement, en ce qui me concerne en tout cas au niveau du bureau du juge en chef, le clerc va être appelé à travailler sur les dossiers que l’on entend durant l’année. Chaque clerc devra être responsable d’un dossier, devra faire un résumé du dossier, préparer également une opinion, une recommandation, quant au sort à réserver à ce dossier-là après l’audition. Il va également communiquer régulièrement avec le juge, avec moi, pour discuter du dossier, des différents points de droit, et il va évidemment assister à l’audition de la cause. Il va appuyer le juge aussi, lorsque le juge, comme ça peut être moi également et qui rédige une opinion. Donc, le clerc va être appelé à appuyer le juge dans la rédaction des motifs et appuyer le juge également pour commenter, réagir, à la circulation des motifs des autres collègues de la Cour, lorsque ce sont ces autres collègues qui sont en charge de la rédaction des motifs. Alors, c’est assez varié, à l’occasion il peut y avoir aussi des cas où je vais demander à un clerc de m’appuyer pour préparer une présentation ou un discours que je dois donner à quelque part au Canada.

Je pense c’est important que le public en général sache que nous, à la Cour suprême, on prend le travail évidemment très sérieusement, et qu’on veut rendre les meilleures décisions possibles, dans le meilleur intérêt des justiciables, en appliquant la loi de la manière avec laquelle dont on l’interprète parce que l’on nous demande de l’interpréter. Alors, pour nous appuyer dans notre domaine, on a évidemment accès à ces clercs-là, et je pense que c’est important que les justiciables sachent qu’on a les meilleurs. Alors, parmi tous les étudiants à travers du pays, ceux qui postulent un emploi à la Cour suprême en théorie, même en pratique, sont parmi nos meilleurs juristes au Canada. Donc, c’est important que le public soit rassuré sur la qualité du travail qui est fait à la Cour suprême. J’ai toujours dit qu’à la Cour suprême, on ne coupe pas les coins ronds. Tout va être bien analysé, bien travaillé. Une manière de le faire, c’est d’être accompagné dans notre travail par des clercs, des juristes de premier niveau.

En harmonie avec la philosophie de la Cour, c’est sûr qu’on apprécie, on aime atteindre la diversité, tant sur la composition des juges, même si ce n’est pas nous qui nommons les juges. Mais, on espère que les autorités, que les élus, tentent le plus possible de favoriser la diversité dans la nomination des juges. Mais également, nous-mêmes, dans le choix de nos clercs à travers le pays, on l’a exprimé à plusieurs reprises, on souhaite avoir la plus grande diversité dans le choix de nos clercs, parce qu’avec la diversité, ça amène différentes approches, différents vécus, différentes façons de voir les choses, et je pense que ça peut simplement enrichir le travail ici à la Cour.

Entretien avec l'hon. Sheilah Martin

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Eh bien, je pense que la Cour recherche des personnes qui ont un bon rendement scolaire, qui ont de bonnes aptitudes de recherche, qui possèdent un esprit d’analyse poussé et qui communiquent très bien, par écrit et oralement. Des personnes très intéressées à apprendre et à approfondir des idées, qui veulent faire partie d’une équipe en quête de la meilleure réponse et de la meilleure solution et qui sont prêtes à travailler avec assurance au sein d’une équipe dans laquelle les gens auront de vrais débats sur des questions d’importance.

Je pense que nous avons une grande diversité de personnes qui viennent effectivement à la Cour et que c’est un atout. La force d’une équipe ne repose pas sur une seule chose. Par conséquent, ce que nous recherchons, ce sont des personnes capables de faire abstraction des différences et de véritablement chercher à comprendre les principes fondamentaux du droit et d’aider à faire en sorte que tous et toutes fassent du bon travail.

Eh bien, il y a beaucoup de recherche qui se fait à la Cour. Bien que nous recevions d’excellents mémoires des avocats, il y a toujours quelque chose qui nous préoccupe ou qui nous intéresse quant à l’évolution du droit. Les auxiliaires font donc des recherches, ils rédigent des notes de service à notre intention sur les points de droit que nous devons approfondir et ils nous aident dans toutes les facettes du travail de juge. Ils peuvent donc nous aider lorsque nous rédigeons des jugements, mais aussi lorsque nous prononçons des discours; ils nous aident assurément à nous préparer pour les audiences.

Tout à fait. Ils doivent aussi avoir une grande capacité d’adaptation, parce que les juges effectuent toutes sortes de tâches, il est donc aussi souhaitable qu’il y ait un large éventail de compétences dans un cabinet. Tout le monde n’a pas besoin de chaque compétence, mais, comme je l’ai dit, nous essayons de constituer une équipe de travail vraiment solide.

Nous faisons assurément partie d’une équipe. Entre eux, ils font partie d’une équipe au sein d’un cabinet, ils font partie d’une équipe parce que nous avons plusieurs cabinets d’auxiliaires. Et l’une des choses les plus extraordinaires lorsqu’on est juge à la Cour suprême du Canada, ou auxiliaire à la Cour, c’est que tout le monde est aussi intéressé aux jugements. Il y a donc beaucoup de gens qui se penchent sur la même question, ce qui ajoute beaucoup de profondeur et constitue une expérience enrichissante pour les auxiliaires, car ils ont un grand nombre de personnes à qui parler à propos des questions pour lesquelles on demande leur aide.

Ah, non : le travail d’un auxiliaire de la Cour suprême ne se limite pas à classer des papiers. Ils font partie de ce que nous considérons comme les gardiens de la confiance du public et de la Cour suprême. Ils sont liés par des obligations de confidentialité, ils travaillent fort, ils essaient de faire en sorte que notre institution soit responsable et souple.

Ils aident les juges à délibérer et à rendre de bons jugements.

Absolument, et c’est une partie de ce que nous apprécions. La plupart des auxiliaires sont d’une autre génération, ils viennent de vivre une expérience intense à la faculté de droit et ils ont donc beaucoup à apporter à l’analyse pour guider les juges dans leur réflexion. Alors oui, c’est un processus interactif, c’est un dialogue et il y a beaucoup d’apprentissages dans les deux sens, tant chez les auxiliaires que chez les juges.

Entretien avec deux anciens auxiliaires juridiques, y compris l’hon. Andromache Karakatsanis

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Maryam : Je m’appelle Maryam Shahid, voici mon collègue Étienne Morin-Lévesque et nous sommes tous les deux auxiliaires juridiques à la Cour suprême du Canada. Nous sommes ici pour parler de notre expérience d’auxiliaire. À titre d’information, j’ai obtenu mon diplôme de la Faculté de droit de l’Université de Toronto en 2018.

Étienne : Et de mon côté, je suis allé à la Faculté de droit de l’Université de Montréal et l’an passé j’ai complété une maîtrise principalement en droit public au Royaume-Uni.  Donc le travail de clerc, d’auxiliaire juridique, se divise principalement entre le travail, je dirais, avant l’audience et après l’audience. Avant l’audience, donc, on doit préparer, assister dans la préparation de notre juge de toutes sortes de façons. Donc on va lire les décisions inférieures, les arguments des parties, les autorités. Ensuite, on fait un résumé. Puis, on doit aussi faire notre propre analyse des questions en litige. Et cela, en fait, j’aime beaucoup l’autonomie que les juges nous donnent lors de la rédaction de cette note de service-là parce qu’ils veulent habituellement vraiment, véritablement, avoir notre opinion sur un dossier, même si ultimement parfois ils sont en désaccord, puisque le désaccord, ça peut être très utile dans leur propre réflexion et dans leur analyse.

Puis, donc, avant l’audience aussi, une grande partie du travail, j’ai trouvé, c’était juste de discuter avec les autres auxiliaires qui travaillent sur le même dossier. Puis en fait, souvent c’est drôle à quel point on peut arriver avec une idée très claire à notre avis de comment résoudre un dossier, puis finalement lorsqu’on discute avec d’autres auxiliaires qui viennent avec des perspectives complètement différentes, ça vient complètement nous ébranler puis changer notre perspective.

Maryam : J’imagine que je peux parler un peu du travail qui suit l’audience. La perspective et l'orientation changent quelque peu au moment d’effectuer le travail post-audience, on peut vous confier une tâche de recherche distincte en fonction de ce qui s’est passé à l’audience. Vous pouvez aider votre juge dans le processus de rédaction qui peut être très itératif et dynamique. De plus, vous devez absolument rester au courant des causes sur lesquelles vous avez travaillé en suivant les circulations sur lesquelles d’autres juges ont travaillé et vous devez commenter tous les développements de la cause jusqu’au jour de sa publication. Encore une fois, pendant tout ce temps, vous parlez à votre juge de ce qu’il ou elle pense et de ce dont il ou elle pourrait avoir besoin pour rendre jugement.

Parfois, dans une cause qui vous laisse particulièrement perplexe, vous finissez par devoir travailler deux fois plus fort. Et vous êtes vraiment fière de ces causes, en particulier celles qui concernaient des domaines du droit que vous ne compreniez pas tout à fait, qui ne vous étaient pas du tout familiers. Et, vous avez vraiment résolu l’affaire pour vous-même. Et c’est toujours une réalisation dont vous êtes fière.

Vous savez, après quelques mois de travail, vous commencez à vous y faire et à vous habituer réellement au fait qu’un juge de la Cour suprême vous appelle quotidiennement.

À l’occasion, il se passe quelque chose qui vous émerveille. Et pour moi, c’est quand je me rends au travail, que je passe devant le Parlement, que je vois tous les édifices du gouvernement et que je m’approche de cette majestueuse Cour et que je me dis « J’ai un bureau là-dedans, il y a une pièce dans cet édifice avec mon nom dessus ».

Je peux me rappeler la raison pour laquelle j’ai postulé pour cet emploi. Et cette idée qu’il est utile de jeter un coup d’œil dans les coulisses de l’appareil judiciaire et de voir comment les juges délibèrent sur les affaires les plus importantes du pays, et que c’est vraiment une expérience que l’on peut vivre tout au long de l’année.

Étienne : Je dirais qu’un des éléments les plus marquants de la cléricature, c’était tous les liens et les dynamiques qui se créent au courant de l’année. Donc évidemment, on a une relation avec notre juge qui évolue durant l’année complète, mais il y a aussi beaucoup de travail d’équipe qui se fait entre les auxiliaires au sein d’un même cabinet. Ensuite, sur chaque dossier, on est aussi amené à travailler avec les auxiliaires des autres cabinets, certains autres juges, les avocats de la direction générale du droit, les jurilinguistes. Et donc, je ne sais pas pour toi, mais en tout cas, je pense que de mon côté quand je vais repenser à cette année, ce qui va m’avoir marqué le plus, c’est vraiment les relations et toutes ces interactions-là qui façonnent certains de nos mandats.

Maryam : Ayant fait le travail, je vois maintenant à quel point cette expérience est bénéfique pour tous les types de carrières en droit, et non seulement pour le contentieux, qui était mon principal intérêt lorsque j’ai postulé. Ainsi, nous avons des collègues qui vont faire du travail universitaire, ils vont faire des études supérieures, certains vont enseigner, d’autres vont travailler à l’élaboration de politiques et nous avons tous parlé de la valeur qu’a cette expérience pour tous ces parcours de carrière.

Parler des relations que vous tissez et des amitiés que vous avez nouées, lorsque tous partent de leur côté pour faire différentes choses et mener différentes carrières, les expériences du droit qu’ils ont acquis à partir de ces différents points de vue enrichit votre propre expérience et vous permet de voir ce qui existe. Et c’est très beau.

Étienne : Tu viens de l’Ontario, je viens du Québec. Je ne sais pas si on aurait eu la chance de se croiser sinon. Mais là puisqu’on était ici, en ce moment, et qu’on a pu travailler ensemble, je pense que c’est une situation quand même unique que la Cour puisse rassembler des gens comme ça, comme nous cette année.

L’hon. Andromache Karakatsanis :  Eh bien Maryam, nous sommes à la fin de votre année comme auxiliaire, y a-t-il eu. . . y a-t-il eu un moment particulier pour vous?

Maryam :  Oui, donc au cours des quatre derniers mois, j'ai pu me plonger dans un domaine du droit que j'ai particulièrement apprécié à la faculté de droit, et le fait de voir comment la common law se développe, dans ce domaine particulier du droit, a été très précieux.

Hon. Andromache Karakatsanis : En fait, je me souviens que lorsque je vous ai demandé s’il y avait un arrêt de la Cour avec lequel vous n’étiez pas d’accord, vous, c’était ce domaine du droit...

Maryam : C’était effectivement ce domaine.

L’hon. Andromache Karakatsanis : ...et vous avez choisi de critiquer l’un des jugements que j’avais moi-même rendus.

Maryam : Tout à fait : c’était une expérience très amusante de revenir deux ans plus tard et de vous parler de ce domaine.

L’hon. Andromache Karakatsanis : Alors, êtes-vous maintenant en désaccord avec mon. . .

(rires)

Hon. Andromache Karakatsanis : Vous n’êtes pas obligée de répondre à cette question

(rires)

Maryam : Je ne peux pas répondre à ça.