La cause en bref

R. c. K.G.K.

La Cour suprême a décidé que le droit d’être jugé dans un délai raisonnable protège la personne accusée lorsque le juge du procès met trop de temps pour rendre sa décision.  

La Charte canadienne des droits et libertés fait partie de la Constitution du Canada. D’après l’alinéa 11b), toute personne accusée d’un crime a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable. Cela protège à la fois l’accusé et la société. Les longs procès criminels causent de la souffrance et de la frustration chez tous les participants. Les accusés sont souvent emprisonnés en attendant leur procès. Les victimes et leurs familles n’ont d’autre choix que d’attendre une décision définitive. Le public doit aussi patienter plus longtemps pour que justice soit rendue. Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est important. Si le procès d’un accusé est trop long, il peut être arrêté. C’est ce qui s’appelle un « arrêt des procédures ». Cela signifie que l’accusé ne sera ni déclaré coupable ni acquitté.

En juillet 2016, la Cour suprême du Canada a rendu une décision importante : R. c. Jordan. Cette décision a fixé les règles pour décider quand un procès criminel est trop long. Elle a précisé que la plupart des procès devraient être terminés en 18 ou 30 mois après que les accusations ont été portées, selon le type de procès. La décision Jordan dit aux juges de « présumer » (considérer comme vrai) que tout délai qui est plus long est « déraisonnable », à moins que quelque chose d’inhabituel le justifie. (Dans ce contexte, quand on dit que le délai a été « déraisonnable », on veut dire qu’il a été « trop long ».) Si le temps pris par le juge a été déraisonnable, les procédures doivent être « arrêtées ». La décision Jordan a aussi prévu des règles spéciales pour les causes comme celle de K.G.K. qui avaient déjà commencé avant que les règles changent. Ce sont les causes « transitoires ».

En 2013, K.G.K. a été accusé de crimes de nature sexuelle contre une enfant. Son procès s’est terminé en janvier 2016. Le juge du procès a mis neuf mois pour rendre sa décision. En octobre 2016, il a déclaré K.G.K. coupable. La veille, K.G.K. a demandé l’arrêt des procédures. Il a dit que sa cause avait pris plus longtemps que le maximum de 30 mois et que le juge du procès avait mis trop de temps pour rendre sa décision. La Couronne (la poursuite) a plaidé que le délai avait été raisonnable parce que la cause de K.G.K. était « transitoire ». Elle a ajouté que le temps mis par le juge du procès pour rendre sa décision ne comptait pas dans les délais limites fixés par Jordan.  

Le juge qui s’est occupé de la demande en arrêt des procédures de K.G.K. a dit que le temps pris par le juge du procès ne comptait pas dans le calcul des délais fixés par Jordan. Les juges majoritaires de la Cour d’appel étaient d’accord.

Tous les juges de la Cour suprême sont d’accord pour dire que le temps qu’a mis le juge du procès pour rendre sa décision ne compte pas dans le calcul des délais fixés par Jordan. Les juges majoritaires ont dit que quand Jordan a été décidé, il y avait un vrai problème de délais avant que les gens soient traduits à procès. Le système de justice criminel avait pris l’habitude d’accepter ces délais. Par contre, rien ne prouvait que le temps que mettaient les juges pour rendre leurs décisions posait problème. La décision Jordan n’a donc pas traité de la question.

Les juges majoritaires ont créé une nouvelle approche pour décider si un juge du procès a mis trop de temps pour rendre sa décision. Ils ont dit qu’il fallait présumer que le juge du procès prend seulement le temps nécessaire pour rendre une décision juste. Le juge du procès sait qu’il faut traiter les accusations criminelles le plus vite possible. Comme il est au courant de toute la preuve et a entendu les plaidoiries, le juge du procès est le mieux placé pour savoir combien de temps il lui faut pour rendre sa décision. Il arrive quand même que des juges prennent trop de temps. Si l’accusé peut démontrer que le juge du procès a mis « nettement plus longtemps » (beaucoup plus longtemps) qu’il était raisonnable qu’il mette pour rendre sa décision, les procédures vont être arrêtées.

Ici, les juges majoritaires ont dit que le juge du procès a mis beaucoup de temps, mais pas « nettement plus longtemps » qu’il aurait dû. Ils ont aussi noté que tout le procès et une grande partie du temps qu’a mis le juge pour rendre sa décision ont précédé Jordan. Pour les juges majoritaires, si la cause s’était déroulée après la décision Jordan, sa décision aurait probablement été différente. À part le temps mis par le juge pour rendre sa décision, d’après les juges majoritaires, les autres délais dans la cause de K.G.K. ont été raisonnables parce que c’était une cause « transitoire ».

Il s’agit d’une des deux causes que la Cour suprême a entendues durant sa visite à Winnipeg au Manitoba en septembre 2019. C’était la première fois de son histoire que la Cour siégeait ailleurs qu’à Ottawa.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.