La cause en bref
R. c. Calnen
- La décision
- Date : le 1er février 2019
- Référence neutre : 2019 CSC 6
- Décompte de la décision :
- Majorité : le juge Michael Moldaver a accueilli l’appel (avec l’accord des juges Gascon et Rowe)
- Dissidence partielle : la juge Sheilah Martin a affirmé que le juge du procès avait commis une erreur dans ses directives au jury; elle aurait accueilli l’appel en partie et ordonné la tenue d’un nouveau procès sur l’accusation de meurtre au deuxième degré
- Dissidence : la juge Andromache Karakatsanis a conclu que la destruction du corps par l’accusé n’aurait pas dû être admissible en preuve relativement à l’intention de commettre un meurtre au deuxième degré; elle aurait rejeté l’appel et ordonné la tenue d’un nouveau procès seulement sur l’accusation d’homicide involontaire coupable
- En appel de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse
- Renseignement sur le dossier (37707)
- Diffusion Web de l'audience
- Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :
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Les tentatives extrêmes et répétées visant à détruire de la preuve peuvent, dans certaines circonstances, servir à inférer l’intention de commettre un meurtre, a jugé la Cour suprême.
Madame Jordan est disparue en 2013. La police soupçonnait que son conjoint, M. Calnen, l’avait assassinée. Ce dernier a été arrêté. Pendant son interrogatoire, M. Calnen a affirmé que Mme Jordan était décédée de façon accidentelle. Selon ses dires, elle s’apprêtait à le quitter et ils s’étaient disputés. Monsieur Calnen a affirmé que Mme Jordan était devenue physiquement agressive, qu’elle avait essayé de lui asséner un coup de poing, mais qu’il avait évité le coup et qu’elle était tombée dans l’escalier et était morte.
Monsieur Calnen a dit avoir paniqué. Il a déclaré avoir consommé du crack en retournant à la maison et en avoir consommé de nouveau après le décès de Mme Jordan. Il ne voulait pas appeler la police. Il a affirmé qu’il avait caché le corps de Mme Jordan dans le bois, mais qu’il était revenu pour le déplacer à quelques reprises et qu’il l’avait brûlé à deux différents endroits. Monsieur Calnen a affirmé avoir laissé les cendres de Mme Jordan près du chalet de sa famille, car tel était le souhait qu’elle avait formulé quant à la disposition de ses cendres advenant son décès. Il a indiqué avoir déposé dans le lac les parties du corps qui n’avaient pas été consumées par le feu.
Les policiers ont trouvé des effets personnels brûlés dans le bois et des fragments d’os non identifiables dans le lac. Ils ont également trouvé des messages textes, dont certains donnaient à penser que M. Calnen avait pu adopter un comportement abusif envers Mme Jordan. D’autres messages faisaient état des projets de cette dernière de quitter M. Calnen et de voler de ses biens.
Monsieur Calnen a été accusé de meurtre au deuxième degré (avoir causé volontairement la mort de Mme Jordan). Il a aussi été accusé d’indécence envers des restes humains (avoir endommagé un cadavre humain ou y avoir manqué de respect). Dès le début du procès, il a plaidé coupable à l’accusation d’indécence, mais il a affirmé ne pas avoir tué Mme Jordan. Un jury l’a déclaré coupable de meurtre au deuxième degré. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont statué que le juge du procès avait commis une erreur dans ses directives au jury. Ils ont annulé la déclaration de culpabilité pour meurtre. Selon eux, s’il devait y avoir un nouveau procès, il devrait porter sur l’accusation d’homicide involontaire coupable et non celle de meurtre.
Le meurtre au deuxième degré est plus grave que l’homicide involontaire coupable. Il en est ainsi puisque quiconque commet un meurtre a l’intention de tuer (ou, du moins, de causer des blessures graves), contrairement à la personne qui commet un homicide involontaire coupable. Il y avait accord pour dire que le jury pouvait utiliser les tentatives de M. Calnen visant à détruire le corps de Mme Jordan pour inférer qu’il l’avait tuée et qu’il était coupable d’homicide involontaire coupable. La question qui s’imposait était de savoir si le jury pouvait utiliser ces tentatives pour inférer qu’il avait l’intention de commettre un meurtre. Les inférences doivent reposer sur la logique, le bon sens et l’expérience. Certaines inférences peuvent être plus solides que d’autres. Par exemple, une inférence sera solide s’il n’existe aucune autre explication raisonnable. Les juges peuvent indiquer aux jurys les inférences qu’ils sont autorisés à tirer. Dans l’affaire en cause, comme il n’existait aucune preuve physique directe (comme du sang ou un enregistrement vidéo) du fait que M. Calnen avait tué Mme Jordan, il était important que le jury tire les inférences appropriées.
Les juges de la Cour suprême ont tous convenu qu’en principe les gestes que pose un individu après un meurtre soupçonné peuvent (dans certaines circonstances) servir à inférer son intention de commettre un meurtre au deuxième degré. La plupart des juges étaient d’accord pour dire que, dans cette affaire, la preuve concernant les gestes posés par M. Calnen après le décès de Mme Jordan pouvait servir dans le but d’inférer son intention de commettre un meurtre au deuxième degré. Si M. Calnen ne l’avait pas détruit, le corps de Mme Jordan aurait pu montrer comment elle était morte et offrir des indices quant à l’intention de M. Calnen. Par exemple, si Mme Jordan avait été poignardée, il aurait été évident que sa mort n’était pas accidentelle. Le jury aurait alors pu conclure que M. Calnen l’avait intentionnellement tuée. Le bon sens aurait permis de conclure qu’il avait déplacé et brûlé le corps pour dissimuler ce qu’il avait fait.
Ce dossier portait également sur les directives que le juge du procès a données au jury. Lorsque les jurés ont été saisis de toute la preuve, le juge leur donne des directives quant à la façon de décider si un individu est coupable ou non. Ces directives visent à faire en sorte que les jurés prennent des décisions fondées sur le droit et la preuve (et non sur des sentiments ou des soupçons). La question dont était saisie la Cour était celle de savoir si le juge du procès avait commis une erreur en n’explicitant pas au jury les inférences qu’il était autorisé à tirer relativement aux gestes posés par M. Calnen après la mort de Mme Jordan. Les juges majoritaires étaient d’avis que les juges doivent donner des directives non pas parfaites, mais appropriées, et que le juge du procès n’avait donc pas commis d’erreur. Ils ont rétabli la déclaration de culpabilité pour meurtre au deuxième degré prononcée contre M. Calnen.
Ce dossier s’est retrouvé devant la Cour suprême dans le cadre d’un appel « de plein droit ». Il s’agit d’un droit d’interjeter appel qui est automatique et qui ne requiert pas l’autorisation de la Cour. Le droit d’interjeter appel dans cette affaire était automatique, car un juge de la Cour d’appel était dissident (ne partageait pas l’opinion des juges majoritaires) au sujet d’une question de droit criminel.
Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.
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