La cause en bref
La cause en bref est un court résumé en langage simple d’une décision rendue par écrit par la Cour. Ces résumés sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.

Opsis Services aéroportuaires inc. c. Québec (Procureur général)
Informations supplémentaires
- Voir le texte intégral de la décision
- Date : 30 mai 2025
- Citation neutre : 2025 CSC 17
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Décompte de la décision :
- Unanimité : la Cour a accueilli les pourvois (le juge en chef Wagner et les juges Karakatsanis, Côté, Rowe, Martin, Kasirer, Jamal, O’Bonsawin et Moreau ont entendu les appels)
- En appel de la Cour d’appel du Québec
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- Décisions des tribunaux inférieurs :
Sommaire de la Cause
La Cour suprême conclut que la Loi sur la sécurité privée du Québec est inapplicable à certaines entreprises fédérales en raison de la doctrine de l’exclusivité des compétences.
Ces pourvois portaient sur l’application d’une loi provinciale à des entreprises œuvrant dans des domaines relevant de la compétence exclusive du Parlement fédéral, la sûreté aéroportuaire et la sûreté maritime. La doctrine de l’exclusivité des compétences permet de mettre le contenu essentiel d’une compétence exclusive — soit fédérale, soit provinciale — à l’abri d’une entrave de la part de l’autre ordre de gouvernement. Elle tire son origine de la notion d’exclusivité qui apparaît dans le texte des articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867. Bien qu’elle soit encadrée par des considérations de principe et des précédents, la doctrine de l’exclusivité des compétences joue un rôle essentiel en matière de fédéralisme, en ce qu’elle permet de maintenir un équilibre entre la nécessité d’une certaine souplesse intergouvernementale et le besoin de solutions prévisibles. L’application de la doctrine dépend du respect de deux conditions, soit (1) un empiètement sur le contenu essentiel — aussi appelé « cœur » — d’un chef de compétence exclusif de l’autre ordre de gouvernement, et (2) une entrave au contenu essentiel du chef de compétence exclusif.
Opsis Services aéroportuaires inc. (« Opsis ») est une entreprise qui offre des services de sûreté aéroportuaire. Elle exploite le centre d’appels d’urgence de l’aéroport international Pierre-Elliot-Trudeau à Montréal. Services maritimes Québec inc. (« SMQ ») est une entreprise qui œuvre dans le secteur du transport maritime international. Elle assure des opérations de chargement sur des navires transatlantiques à partir du terminal situé à La Malbaie. Michel Fillion est un employé de SMQ qui surveille et contrôle l’accès à l’installation portuaire.
Opsis, SMQ et M. Fillion ont reçu des constats d’infraction leur reprochant d’avoir contrevenu aux dispositions de la Loi sur la sécurité privée (« LSP »), une loi adoptée par la législature québécoise, qui exigeaient qu’ils possèdent un permis pour exploiter une activité de sécurité privée. Opsis, SMQ et M. Fillion admettent qu’ils ne se sont pas conformés aux exigences de la LSP en omettant d’obtenir un permis pour exercer leurs activités. Ils ont cependant contesté leurs constats d’infraction au motif que la LSP leur est constitutionnellement inapplicable en raison de la doctrine de l’exclusivité des compétences, puisque selon eux la LSP empiète sur un élément essentiel de leurs activités qui relèvent de la compétence fédérale.
La Cour suprême a accueilli les pourvois d’Opsis, de SMQ et de M. Fillion.
Les activités de sécurité exercées par Opsis et SMQ relèvent du cœur des compétences fédérales exclusives en matière d’aéronautique, de navigation et de bâtiments ou navires.
Dans un jugement unanime, la Cour a d’abord examiné la première condition de la doctrine de l’exclusivité des compétences. Elle a conclu que les activités de sécurité exercées par Opsis, liées à la sûreté du transport aérien, se rattachent au cœur de la compétence que possède le fédéral en matière d’aéronautique, conformément à l’article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. Les activités d’Opsis relèvent incontestablement du contenu essentiel de cette compétence en ce qu’elles sont liées à la sécurité du transport aérien lui-même. L’application de la LSP aux activités d’Opsis permet de conclure qu’il y a empiètement sur le contenu essentiel d’un chef de compétence exclusif. De même, la Cour a jugé que les activités de SMQ au terminal maritime, ainsi que celles de son employé M. Fillion, relèvent du cœur de la compétence fédérale en matière de navigation et de bâtiments ou navires, prévue au paragraphe 91(10) de la même loi. L’application de la LSP à SMQ et M. Fillion constitue donc un empiètement sur le contenu essentiel d’un chef de compétence exclusif.
Ensuite, la Cour s’est penchée sur la question de l’entrave, soit la deuxième condition de la doctrine. Elle a relevé que la LSP confère à l’organisme administratif créé par la législature provinciale, le Bureau de la sécurité privée, des pouvoirs qui lui permettent d’exercer un contrôle sur ces activités, par exemple en suspendant ou en révoquant un permis, en émettant des directives ou en menant des inspections, et qui constituent une entrave au contenu essentiel de la compétence fédérale.
Ces aspects entravants de la LSP sont indissociables du reste de la loi, de sorte qu’il est nécessaire de déclarer celle-ci entièrement inapplicable à Opsis, SMQ et M. Fillion en vertu de la doctrine de l’exclusivité des compétences.