La cause en bref
Renvoi relatif à la réglementation pancanadienne des valeurs mobilières
- La décision
- Date : le 9 novembre 2018
- Référence neutre : 2018 CSC 48
- Décompte de la décision :
- En appel de la Cour d’appel du Québec
- Renseignement sur le dossier (37613)
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- Décision du tribunal inférieur :
- Renvoi précédent de la Cour suprême :
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La Cour suprême a jugé que la Constitution autorise les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à travailler ensemble pour réglementer le commerce des valeurs mobilières dans le cadre d’un régime unique et unifié.
Les valeurs mobilières sont formées d’actions, d’obligations et d’autres produits financiers. Elles font souvent l’objet de transactions à la bourse par des investisseurs. Le Canada est l’un des seuls pays développés à ne pas avoir d’organisme national (c’est-à-dire pancanadien) de réglementation chargé de surveiller le commerce des valeurs mobilières. Cette situation est en grande partie attribuable au texte de la Constitution, qui partage les compétences entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral. Les tribunaux ont interprété la Constitution comme signifiant que seuls les provinces et les territoires pouvaient adopter des lois sur le commerce des valeurs mobilières à l’intérieur de leurs frontières respectives. Le gouvernement fédéral ne peut adopter ce genre de lois, mais il jouit par ailleurs d’une compétence générale en matière de trafic et de commerce. C’est pourquoi, au Canada, chaque province et chaque territoire a son propre organisme de réglementation des valeurs mobilières.
Selon le gouvernement fédéral, l’importance des marchés financiers pour l’économie canadienne était telle que ces derniers devaient être surveillés par un seul organisme de réglementation. En 2011, il a demandé à la Cour suprême si le Parlement était autorisé à adopter une loi fédérale à cette fin. La Cour a répondu par la négative, au motif que, selon la Constitution, les provinces et les territoires ont compétence à l’égard de la plupart des aspects de la réglementation des valeurs mobilières. Le gouvernement fédéral ne peut légiférer à propos de matières qui relèvent des provinces et des territoires. Toutefois, la Cour a précisé qu’une approche coopérative pourrait être constitutionnelle. Suivant une telle approche coopérative, les provinces et territoires seraient responsables des aspects de la réglementation des valeurs mobilières qui relèvent de leurs compétences, tandis que le gouvernement fédéral se chargerait des aspects à l’égard desquels il est compétent.
S’inspirant de cette opinion, les gouvernements du Canada, de l’Ontario, de la C.-B., de la Saskatchewan, du Nouveau-Brunswick, de l’Î.-P.É. et du Yukon ont proposé un « régime coopératif » chargé de surveiller les marchés de valeurs mobilières dans l’ensemble du pays. Le régime était constitué d’une « ébauche de loi » que le Parlement fédéral pourrait adopter, d’une « loi type » que les législatures provinciales et territoriales pourraient adopter, et d’un organisme national de réglementation des valeurs mobilières. Le régime était énoncé dans un accord intervenu entre les exécutifs des différents gouvernements (c’est-à-dire le premier ministre fédéral et son cabinet, ainsi que les premiers ministres provinciaux et territoriaux et leur conseil des ministres respectif).
Le Québec, l’Alberta et le Manitoba avaient des préoccupations au sujet de la proposition. En 2015, le Québec a soumis deux questions à ce sujet à la Cour d’appel de la province. La première consistait à savoir si le régime coopératif proposé serait autorisé par la Constitution. La seconde consistait à savoir si l’ébauche de loi fédérale outrepassait la compétence générale du gouvernement fédéral en matière de trafic et de commerce. La Cour d’appel a répondu aux deux questions par la négative.
La Cour suprême, à l’unanimité, a répondu « oui » à la première question et « non » à la seconde. Bien que la proposition soit constitutionnelle, la Cour a affirmé qu’il revient à chaque province et territoire de décider s’il est souhaitable d’y adhérer, ce qui représente un choix politique et non juridique.
En réponse à la première question, la Cour s’est dite d’avis que le régime coopératif est constitutionnel au motif qu’il ne porte pas atteinte à la « souveraineté parlementaire ». La souveraineté parlementaire est un important principe constitutionnel suivant lequel la législature (et elle seule) peut adopter, modifier ou abolir des lois comme bon lui semble. Certaines provinces ont fait valoir que le régime coopératif forcerait les législatures provinciales et territoriales à adopter la loi type et toute modification faite à celle-ci par la suite (ce qui serait contraire à la souveraineté parlementaire). Toutefois, la Cour n’est pas de cet avis, affirmant que chaque législature demeure libre de rejeter la loi type et ses modifications subséquentes si elle le désire. Même s’il est vrai qu’un « Conseil des ministres » serait chargé d’approuver les modifications au régime coopératif, ce Conseil n’aurait pas le pouvoir de véritablement changer les lois en place. La législature en désaccord avec le régime coopératif ou une modification pourrait toujours les rejeter.
En réponse à la seconde question, la Cour a affirmé que l’ébauche de loi fédérale relève de la compétence générale du Parlement, conférée par la Constitution, concernant la réglementation du trafic et du commerce. Cependant, le Parlement ne peut se prévaloir de ce pouvoir que pour légiférer à l’égard de matières de portée véritablement nationale, soit celles qui ne peuvent être réglées par les provinces et les territoires seulement. En l’espèce, l’ébauche de loi fédérale a été très soigneusement rédigée. Elle porte sur le « risque systémique » susceptible de nuire à l’économie canadienne sans aller plus loin. Elle est destinée à opérer conjointement avec les lois des provinces et des territoires et elle n’entrave pas leurs rôles en matière de réglementation des valeurs mobilières.
Enfin, et toujours en lien avec la seconde question, la Cour a affirmé que le gouvernement fédéral peut donner au Conseil des ministres le pouvoir de prendre des règlements fédéraux pour son compte. Les règlements sont des « règles secondaires » établies par des personnes ou des groupes à qui la législature confère des pouvoirs réglementaires. Pour certaines provinces, le fait pour le Parlement de permettre à un groupe comme le Conseil des ministres, surtout constitué de représentants des provinces, de participer à la prise de règlements fédéraux était problématique. Toutefois, la Cour n’y voit aucun problème. Le Parlement est libre de déléguer le pouvoir de faire des règlements fédéraux à d’autres personnes ou d’autres groupes, y compris à des groupes provinciaux, s’il le désire. Il peut également retirer ce pouvoir s’il le désire.
La Cour suprême a été saisie de cette affaire en appel d’un « renvoi » provincial. Les renvois sont des questions que les gouvernements posent aux tribunaux pour obtenir leur avis. (En droit, un « avis » n’est pas qu’une croyance ou un point de vue. Il s’agit d’une explication formelle du droit.) Le gouvernement fédéral peut demander à la Cour suprême de formuler un avis juridique sur une question, comme il l’a fait dans le Renvoi relatif à la Loi sur les valeurs mobilières en 2011. Les gouvernements provinciaux et territoriaux peuvent eux aussi présenter une telle demande à leur cour d’appel. Ces avis peuvent être portés en appel à la Cour suprême. Au départ, cette affaire était un renvoi fait par le gouvernement du Québec à la Cour d’appel du Québec.
Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.
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