La cause en bref

Renvoi relatif à la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis

La Cour suprême juge constitutionnelle une loi fédérale affirmant le droit des peuples autochtones à l’autonomie gouvernementale en matière de services à l’enfance et à la famille.

En 2019, le Parlement a adopté la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis (la Loi). Cette loi établit des normes nationales et assure aux peuples autochtones un contrôle effectif sur le bien-être de leurs enfants.

Tout d’abord, la Loi énonce des normes et principes nationaux qui établissent un cadre normatif, applicable à l’échelle du pays, relativement à la fourniture de services à l’enfance et à la famille culturellement adaptés. Par exemple, le principe de l’intérêt de l’enfant doit être une considération fondamentale dans la prise de décisions ou de mesures à l’égard d’un enfant autochtone. On y retrouve aussi le principe de la continuité culturelle, continuité qui est considérée comme essentielle au bien-être des enfants, des familles et des groupes, collectivités ou peuples autochtones.

De plus, la Loi affirme le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale des peuples autochtones qui est reconnu et confirmé par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Elle précise que ce droit comprend la compétence d’adopter des lois en matière de services à l’enfance et à la famille. À cette fin, la Loi établit un cadre à l’intérieur duquel les groupes, collectivités ou peuples autochtones peuvent exercer cette compétence.

En outre, la Loi prévoit comment ses dispositions et la compétence des peuples autochtones d’adopter des lois dans ce domaine interagiront avec d’autres lois. L’article 21 confère aux textes législatifs adoptés par un groupe, une collectivité ou un peuple autochtone la même force que les lois fédérales. Enfin, le paragraphe 22(3) précise qu’il est entendu que les textes législatifs autochtones l’emportent sur toute disposition incompatible d’une loi provinciale.

Après l’adoption de la Loi, la procureure générale du Québec a demandé à la Cour d’appel du Québec de déterminer si la Loi était « ultra vires » de la compétence du Parlement en vertu de la Constitution du Canada. En d’autres mots, elle demandait si, selon le partage des compétences fédérales et provinciales prévu aux articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle de 1867, le Parlement avait dépassé les limites de sa compétence en adoptant la Loi. Dans l’avis qu’elle a formulé en réponse à cette question, la Cour d’appel a conclu que la Loi était constitutionnellement valide, à l’exception de l’article 21 et du paragraphe 22(3), soit les dispositions qui donnent priorité aux textes législatifs des peuples autochtones sur les lois provinciales.

Le procureur général du Québec et le procureur général du Canada ont tous deux interjeté appel de cet avis devant la Cour suprême du Canada. Le premier a plaidé entre autres que l’ensemble de la Loi empiétait indûment sur certains domaines relevant exclusivement de la compétence des provinces. Le deuxième a prétendu au contraire que la Loi constituait un exercice valide du pouvoir du Parlement de légiférer en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867 sur « les Indiens et les terres réservées pour les Indiens ».  

La Cour suprême a rejeté l’appel du procureur général du Québec et a accueilli celui du procureur général du Canada.

La Loi n’est pas ultra vires de la compétence du Parlement en vertu de la Constitution du Canada.

Dans un jugement unanime, la Cour suprême a statué que la Loi est dans son ensemble valide sur le plan constitutionnel. L’enjeu essentiel auquel s’attaque la Loi consiste à protéger le bien-être des enfants, des jeunes et des familles autochtones en favorisant la fourniture de services à l’enfance et à la famille culturellement adaptés, et, ce faisant, à favoriser le processus de réconciliation avec les peuples autochtones. Elle relève nettement du pouvoir de légiférer du Parlement en vertu du paragraphe 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867

La Cour a qualifié l’article 21 de la Loi de simple disposition d’incorporation par renvoi. Par le biais de l’article 21, le Parlement a validement incorporé par renvoi les textes législatifs, avec leurs modifications successives, des groupes, collectivités ou peuples autochtones en matière de service à l’enfance et à la famille. Quant au paragraphe 22(3), la Cour a affirmé qu’il constituait une simple reformulation législative de la doctrine de la prépondérance fédérale, doctrine suivant laquelle les dispositions d’une loi fédérale l’emportent sur les dispositions incompatibles d’une loi provinciale.   

Tel que l’a souligné la Cour, « [s]elon ce cadre créé par la Loi, les corps dirigeants autochtones et le gouvernement du Canada travailleront de concert en vue de remédier aux torts du passé et d’instaurer une assise solide pour des relations renouvelées de nation à nation en matière de services à l’enfance et à la famille ».

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.