La cause en bref

R. c. Basque

La Cour suprême juge qu’une contrevenante ayant passé 21 mois sous interdiction de conduire en attente de sa sentence avait déjà purgé la peine minimale obligatoire.

Dans la nuit du 7 octobre 2017, Mme Basque a été arrêtée au centre-ville de Moncton au Nouveau-Brunswick pour avoir conduit son véhicule de façon erratique. Elle a été accusée de conduite avec facultés affaiblies et remise en liberté le 30 novembre de la même année, sous condition de ne pas conduire de véhicule à moteur dans l’attente de son procès. Elle a éventuellement plaidé coupable. Il s’agissait de sa première infraction en 10 ans, donc elle a été traitée comme première infraction. Entre sa comparution initiale et le prononcé de sa sentence, 21 mois se sont écoulés.

Selon l’alinéa 259(1)a) du Code criminel (maintenant l’alinéa 320.24(2)a)), une première infraction est punissable par une ordonnance d’interdiction de conduire un véhicule à moteur d’une durée minimale d’un an. De plus, le paragraphe 719(1) du Code prévoit que, sauf exception, la peine commence au moment où elle est infligée. Cela dit, il existe aussi une règle qui provient de la common law – l’ensemble du droit qui n’est pas écrit mais plutôt fondé sur des précédents – qui accorde aux juges un pouvoir discrétionnaire de créditer la période de temps que le contrevenant a passée sous interdiction de conduire avant le prononcé de sa sentence, soit « l’interdiction présentencielle ». L’interaction entre ces dispositions du Code et la règle de common law est au cœur de ce pourvoi.

Le juge de la Cour provinciale a infligé à Mme Basque une amende de 1 000$ et une interdiction de conduire pendant un an, conforme à l’alinéa 259(1)a). Il a ensuite considéré les 21 mois déjà passés sous interdiction de conduire, pour lui octroyer un crédit envers la peine. Il a aussi antidaté l’ordonnance au 30 novembre 2017, soit le premier jour de son interdiction présentencielle. Cela a fait en sorte que Mme Basque avait déjà purgé toute la peine en date de la décision du juge et n’a été soumise à aucune autre interdiction de conduire. Le ministère public a porté ce jugement en appel. Le juge d’appel de la Cour du banc de la Reine a donné raison au premier juge.

En appel devant la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick, la majorité des juges a accueilli l’appel, déclarant que la loi ne permettait pas d’octroyer un tel crédit si, par conséquent, une interdiction d’une durée inférieure au minimum prescrit était imposée. Elle a modifié la décision du juge d’appel afin d’y inclure une nouvelle interdiction de conduire d’un an.

Mme Basque ensuite a porté cette décision en appel devant la Cour suprême, laquelle a accueilli l’appel.

La période d’interdiction de conduire déjà purgée par Mme Basque pouvait lui être créditée malgré la peine minimale obligatoire d’un an prévue dans le Code criminel.

Rédigeant les motifs unanimes de la Cour, le juge Kasirer a déclaré que l’octroi d’un crédit fondé sur le pouvoir discrétionnaire de la common law s’accordait parfaitement avec l’application de l’alinéa 259(1)a) et du paragraphe 719(1). Il a expliqué que cette coexistence repose sur la distinction connue entre les concepts de « peine » au sens de punition (« punishment ») qui renvoie à la punition totale subie par le contrevenant, et de « peine » au sens de sentence (« sentence »), qui réfère à la décision de justice rendue par le tribunal, commençant le jour où elle est prononcée par le tribunal.

Le juge Kasirer a déterminé que l’alinéa 259(1)a) prescrit l’infliction d’une punition totale d’un an à purger, et non le prononcé d’une sentence condamnant la personne à une interdiction d’un an à être purgée de façon prospective. Cette interprétation satisfait les objectifs de dissuasion et de punition qui sous-tendent la disposition. Tel qu’il a expliqué, « [l]’intention du Parlement est respectée, que la punition soit purgée avant ou après le prononcé de la sentence, puisque dans un cas comme dans l’autre l’effet sur le contrevenant est identique ».

Le juge de première instance a donc eu raison de créditer l’interdiction présentencielle, mais sa décision d’antidater la sentence était une erreur. Selon le juge Kasirer, il aurait pu infliger à Mme Basque la peine minimale obligatoire d’un an sans conduite, préciser que la sentence commençait au moment où elle a été prononcée, et ensuite octroyer un crédit pour la période d’interdiction présentencielle qu’elle avait déjà purgée. Puisque dans son cas, cette période avait excédé la durée minimale d’un an, les objectifs visés par la peine minimale étaient déjà réalisés, et même dépassés. Pour ces motifs, le juge Kasirer a conclu qu’aucune interdiction additionnelle n’était nécessaire.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.