La cause en bref
R. c. Hills
- La décision
- Date : le 27 janvier 2023
- Référence neutre : 2023 CSC 2
- Décompte de la décision :
- Majorité : la juge Sheilah L. Martin a accueilli l’appel, statuant que la peine minimale obligatoire de quatre ans d’emprisonnement auparavant prévue par l’alinéa 244.2(3)b) du Code criminel est inconstitutionnelle (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Moldaver, Karakatsanis, Brown, Rowe, Kasirer et Jamal)
- Motifs dissidents : la juge Côté aurait rejeté l’appel, concluant à la constitutionnalité de la peine minimale obligatoire
- En appel de la Cour d’appel de l'Alberta
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La Cour suprême juge inconstitutionnelle la peine minimale obligatoire de quatre ans d’emprisonnementapplicable pour avoir déchargé un pistolet ou une carabine à air comprimé en direction d’une maison.
Le 6 mai 2014, Jesse Dallas Hills a consommé une grande quantité de médicaments sur ordonnance et d’alcool. Plus tard, alors qu’il était intoxiqué, M. Hills est parti de son domicile à Lethbridge, en Alberta, avec un bâton de baseball et une carabine de chasse au gros gibier chargée. Monsieur Hills a brandi son bâton vers une voiture qui passait avant de tirer un coup de feu en direction de celle‑ci. Le chauffeur a appelé le 9-1-1. Avant que les policiers n’arrivent, M. Hills a fixé son attention sur une voiture stationnée inoccupée. Il a fracassé les vitres de cette voiture, puis s’est approché d’une résidence. Il a tiré une balle qui a traversé la fenêtre du salon et un mur, et a pénétré dans une salle d’ordinateur avant de terminer sa course dans un montant pour cloison sèche et une bibliothèque.
Lorsque M. Hills a fait feu à plusieurs reprises en direction de la demeure, celle-ci était occupée par un couple et leurs deux enfants. Le père a appelé le 9-1-1, et s’est ensuite rendu avec le reste de sa famille au sous‑sol, où ils ont attendu l’arrivée des policiers. Ces derniers ont constaté que plusieurs balles avaient pénétré les murs et les fenêtres de la demeure et traversé des pièces où quelqu’un aurait pu être atteint.
Après une enquête préliminaire, M. Hills a plaidé coupable à quatre infractions, dont celle d’avoir déchargé une arme à feu en direction d’une résidence, en violation de l’alinéa 244.2(1)a) du Code criminel. À l’époque, cette infraction entraînait une peine minimale obligatoire de quatre ans d’emprisonnement, qui était prévue à l’alinéa 244.2(3)b). Monsieur Hills a contesté cette peine en vertu de l’article 12 de la Charte, qui garantit le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités. Il a plaidé que la peine minimale obligatoire était exagérément disproportionnée et constituait donc une peine cruelle et inusitée. Pour appuyer sa contestation, il a invoqué un scénario hypothétique dans lequel une jeune personne déchargerait intentionnellement en direction d’une résidence un pistolet ou une carabine à air comprimé qui est incapable de percer les murs de la résidence.
Le juge chargé de la détermination de la peine a conclu que la peine serait exagérément disproportionnée dans un tel scénario. Il a condamné M. Hills à trois ans et demi d’emprisonnement. La Couronne a fait appel de la conclusion tirée par le juge et de la peine infligée par celui-ci. La Cour d’appel a accueilli l’appel relativement à ces deux points. Elle a rétabli la peine minimale obligatoire et condamné M. Hills à quatre ans d’emprisonnement. Ce dernier s’est ensuite adressé à la Cour suprême du Canada.
La Cour suprême a accueilli l’appel.
La peine minimale obligatoire de quatre ans d’emprisonnement prévue à l’alinéa 244.2(3)b) du Code criminel constitue une peine cruelle et inusitée.
Rédigeant les motifs de jugement des juges majoritaires de la Cour suprême, la juge Sheilah L. Martin a statué que la peine minimale obligatoire de quatre ans d’emprisonnement prévue à l’alinéa 244.2(3)b) est exagérément disproportionnée dans le scénario hypothétique soulevé par M. Hills. Cette peine viole l’article 12 de la Charte et ne peut être sauvegardée en vertu de l’article premier. Elle est déclarée inopérante, avec effet immédiat, et cette déclaration s’applique rétroactivement. La peine de trois ans et demi qui a été infligée à M. Hills par le premier juge est rétablie.
La preuve a démontré que de nombreuses carabines à air comprimé, tels les fusils de paintball, sont considérées comme étant des « armes à feu », même si elles ne peuvent pas percer le mur d’une résidence ordinaire. Les juges majoritaires ont conclu que la disposition s’applique à une vaste gamme de comportements, allant d’actes qui ne présentent guère de danger pour le public à ceux qui posent un risque élevé. De plus, il est raisonnablement prévisible qu’une jeune personne puisse décharger intentionnellement une « arme à feu » de ce genre en direction d’une résidence. Comme l’a souligné la juge Martin, « la conscience des Canadiens et des Canadiennes serait choquée s’ils apprenaient qu’une personne délinquante peut se voir infliger quatre ans d’emprisonnement pour avoir déchargé un fusil de paintball en direction d’une maison ».
Pour arriver à cette conclusion, la juge Martin a élaboré davantage le cadre d’analyse applicable en cas de contestation, en vertu de l’article 12 de la Charte, de la constitutionnalité d’une peine minimale obligatoire. Afin de décider si une telle peine est exagérément disproportionnée, le tribunal doit procéder à une démarche en deux étapes. Il doit d’abord déterminer ce qui constitue une peine juste et proportionnée pour l’infraction, en fonction des objectifs et principes de détermination de la peine établis par le Code criminel. Le tribunal doit ensuite se demander si la peine obligatoire est exagérément disproportionnée par rapport à la peine juste et proportionnée. L’issue de la contestation dépendra de la portée et l’étendue de l’infraction, des effets de la peine sur la personne délinquante, ainsi que de la peine elle‑même et de ses objectifs.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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