La cause en bref

R. c. Brown

La Cour suprême rétablit l’acquittement d’un Albertain qui a attaqué une femme alors qu’il se trouvait dans un état d’automatisme.

Le 12 janvier 2018 en soirée, Matthew Winston Brown a consommé de l’alcool et des « champignons magiques » lors d’une fête à Calgary, en Alberta. Les champignons contenaient de la psilocybine, une drogue illégale qui peut provoquer des hallucinations. M. Brown a perdu contact avec la réalité, a quitté la fête et est entré par effraction dans une maison située non loin de là, où il a violemment attaqué une femme qui s’y trouvait. L’attaque a causé des blessures permanentes à la femme. Lorsque M. Brown est entré par effraction dans une autre maison, le couple y habitant a appelé la police. M. Brown a dit n’avoir aucun souvenir de ces incidents.

M. Brown a été accusé de voies de fait graves, d’introduction par effraction et de méfait à l’égard d’un bien. Il n’avait pas de casier judiciaire et aucun antécédent de troubles mentaux.

Au procès, M. Brown a plaidé non coupable aux accusations, pour cause « d’automatisme ». Il y a automatisme lorsqu’une personne soutient qu’elle était intoxiquée ou que ses facultés étaient affaiblies à un point tel qu’elle a complètement perdu la maîtrise de ses actes.

La Couronne a fait valoir que M. Brown ne pouvait pas invoquer l’automatisme parce que l’article 33.1 du Code criminel empêche les gens de se prévaloir de l’automatisme comme moyen de défense à l’égard de crimes impliquant des voies de fait ou une atteinte à l’intégrité physique d’une autre personne.

En réponse à cet argument, M. Brown a plaidé que l’article 33.1 du Code criminel viole l’article 7 et l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés. L’article 7 garantit à chacun le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, tandis que l’alinéa 11d) garantit à chacun le droit d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable. La juge a donné raison à M. Brown et l’a acquitté. La Couronne a porté cette décision en appel devant la Cour d’appel de l’Alberta qui, n’étant pas du même avis, a déclaré M. Brown coupable. Ce dernier a ensuite interjeté appel à la Cour suprême du Canada.

La Cour suprême a rétabli l’acquittement de M. Brown.

La Cour suprême a entendu la présente affaire en même temps que l’affaire R. c. Sullivan, et les motifs de ces deux jugements ont également été rendus de façon concurrente.

L’article 33.1 du Code criminel viole l’article 7 et l’alinéa 11d) de la Charte et est donc inconstitutionnel.

Rédigeant la décision unanime de la Cour suprême, le juge Nicholas Kasirer a affirmé que l’article 33.1 du Code criminel viole l’article 7 et l’alinéa 11d) de la Charte d’une manière qui ne peut se justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique, et que celui-ci est inconstitutionnel. Il a précisé, d’une part, que l’article 33.1 viole l’alinéa 11d) de la Charte, car la société pourrait interpréter l’intention de quelqu’un de s’intoxiquer comme une intention de commettre une infraction violente. D’autre part, l’article 33.1 viole aussi l’article 7, car une personne pourrait être déclarée coupable d’une infraction sans que la poursuite ait à prouver qu’elle a agi volontairement ou qu’elle avait l’intention de commettre cette infraction.

Condamner une personne en raison de sa conduite alors qu’elle se trouvait dans un état d’automatisme viole les principes de justice fondamentale. Notre système de justice pénale est fondé sur la notion de responsabilité personnelle. Au Canada, suivant les principes de justice fondamentale, deux éléments sont requis pour qu’une personne soit déclarée coupable d’un crime, soit (1) un acte coupable et (2) une intention coupable. Aucun de ces éléments n’est présent lorsqu’une personne se trouve dans un état d’automatisme.

Le Parlement peut adopter des dispositions législatives pour s’attaquer aux actes de violence perpétrés en état d’intoxication extrême.

La Cour a expliqué que le Parlement pourrait adopter de nouvelles dispositions législatives visant à tenir responsables les personnes extrêmement intoxiquées qui commettent des crimes violents. La Cour a souligné que « [l]a protection des victimes de crimes violents — surtout à la lumière du droit à l’égalité et à la dignité des femmes et des enfants qui sont susceptibles d’être victimes de violences sexuelles et familiales aux mains de personnes intoxiquées — constitue un objectif social urgent et réel ».

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.