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La Cause en bref

Les Causes en bref sont des courts résumés en langage simple des décisions rendues par écrit par la Cour. Ils sont préparés par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada. Ils ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et ils ne doivent pas être utilisés lors d’une procédure judiciaire.


Édifice de la Cour suprême du Canada

R. c. Ndhlovu

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Sommaire de la Cause

Version PDF

La Cour suprême juge inconstitutionnelle l’inscription obligatoire à perpétuité au registre national des délinquants sexuels.

Le présent jugement a d’importantes répercussions sur l’inscription des délinquants sexuels au registre.

La Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels (LERDS), qui est entrée en vigueur en 2004, a créé un registre national des délinquants sexuels. Pour qu’un délinquant soit inscrit au registre, un procureur de la Couronne devait demander une ordonnance à cette fin en vertu de la LERDS. Le juge décidait alors soit de rendre l’ordonnance demandée, soit d’exclure le délinquant du registre. Les juges avaient le pouvoir discrétionnaire de décider si l’effet de cette ordonnance sur la vie privée ou le droit à la liberté du délinquant excédait l’intérêt du public dans la protection de la société.

En 2011, le Parlement a apporté des modifications à la loi. Il a retiré à la Couronne et au juge chargé de déterminer la peine le pouvoir discrétionnaire d'exclure un délinquant du registre. Depuis, l’article 490.012 du Code criminel exige l’inscription au registre de toute personne reconnue coupable d’une infraction d’ordre sexuel. Cela signifie que les renseignements personnels de tous les délinquants sexuels doivent être inscrits au registre national canadien. Le paragraphe 490.013(2.1) impose également l’inscription à perpétuité dans ce registre des individus qui ont commis plus d’une infraction de cette nature.

En 2015, Eugene Ndhlovu a plaidé coupable à deux chefs d’accusation lui reprochant d’avoir commis des agressions sexuelles contre deux personnes lors d’une fête, quatre ans auparavant, alors qu’il était âgé de dix-neuf ans. La juge de première instance l’a condamné à une peine d’emprisonnement de six mois, suivie d’une période de probation de trois ans. Après avoir examiné les antécédents de M. Ndhlovu ainsi que la preuve, la juge a conclu qu’il était peu probable que ce dernier récidive. Toutefois, en raison des modifications apportées à la loi en 2011, M. Ndhlovu devait automatiquement être inscrit à perpétuité au registre national des délinquants sexuels.

Après le prononcé de sa peine, M. Ndhlovu a contesté la constitutionnalité de l’article 490.012 et du paragraphe 490.013(2.1) du Code criminel. La juge a statué que ces dispositions violaient l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte), qui précise que chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.

La Couronne a ensuite demandé au tribunal de décider si les dispositions en question étaient acceptables au regard de l’article premier de la Charte. Cet article permet aux tribunaux de juger qu’un texte de loi par ailleurs inconstitutionnel est néanmoins justifié dans le cadre d’une société libre et démocratique. La juge a conclu que l’article 490.012 et le paragraphe 490.013(2.1) ne pouvaient être sauvegardés par application de l’article premier. Elle a alors déclaré que ces dispositions étaient inopérantes, et elle a refusé d’ordonner l’inscription de M. Ndhlovu au registre. La Couronne a fait appel de la décision à la Cour d’appel de l’Alberta, qui a conclu que les dispositions étaient constitutionnelles. Monsieur Ndhlovu a ensuite interjeté appel à la Cour suprême du Canada.

La Cour suprême a accueilli l’appel.

L’article 490.012 et le paragraphe 490.013(2.1) du Code criminel sont inconstitutionnels.

Rédigeant les motifs de jugement des juges majoritaires, les juges Andromache Karakatsanis et Sheilah L. Martin ont déclaré que les deux dispositions du Code criminel violent l’article 7 de la Charte d’une façon qui ne peut être justifiée dans une société libre et démocratique. Ces dispositions portent atteinte au droit à la liberté garanti par l’article 7 de la Charte, « parce que l’inscription au registre a d’importantes répercussions sur la liberté de circulation et la liberté de faire des choix fondamentaux de personnes qui ne présentent pas un risque accru de récidive ». Le fait d’inscrire des délinquants qui ne présentent aucun risque de commettre une infraction d’ordre sexuel dans le futur est sans rapport avec l’objectif de l’inscription, qui consiste à recueillir, au sujet des délinquants, des renseignements susceptibles d’aider la police à prévenir les infractions sexuelles et à enquêter sur celles‑ci.

Par conséquent, les juges majoritaires ont déclaré les dispositions inconstitutionnelles. Ils ont indiqué que la déclaration d’invalidité visant l’article 490.012 prendra effet dans un an. La déclaration d’invalidité visant le paragraphe 490.013(2.1) prend effet immédiatement, et cette disposition est considérée comme étant invalide depuis son adoption en 2011.

En ce qui concerne M. Ndhlovu, les juges l’ont exempté de l’application de l’article 490.012 en attendant que la déclaration d’invalidité prenne effet. Cela signifie qu’il n’est pas tenu de s’inscrire au registre des délinquants sexuels.

Date de modification : 2022-10-28