La cause en bref
International Air Transport Association c. Instrubel, N.V.
- La décision
- Jugement rendu : le 11 décembre 2019
- Motifs dissidents : le 1er mai 2020
- Référence neutre : 2019 CSC 61
- Décompte de la décision :
- Majorité : Le juge en chef Richard Wagner a rejeté séance tenante les appels de l’Iraq et de l’IATA (avec l’accord des juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Rowe et Martin)
- Dissidence : la juge Suzanne Côtéa affirmé que l’IATA n’avait pas de dette envers l’Iraq et que, comme l’argent était détenu à l’extérieur du Québec, les tribunaux québécois n’avaient pas compétence – de sorte qu’elle aurait accueilli les appels
- En appel de la Cour d’appel du Québec
- Renseignement sur le dossier (38562)
- Diffusion Web de l'audience
- Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :
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La Cour suprême a publié des motifs dissidents écrits dans une affaire jugée de vive voix par les juges majoritaires en décembre 2019.
Instrubel était une société néerlandaise. Un différend en matière contractuelle l’opposait à la République d’Iraq. Instrubel a soumis le différend à l’arbitrage (un processus non judiciaire souvent utilisé pour régler des causes internationales en matière contractuelle). En 2003, l’Iraq s’est vu ordonner de verser à Instrubel 32 millions $ plus l’intérêt. Iraq ne l’a pas fait. En 2013, Instrubel a sollicité l’aide d’un tribunal québécois pour obtenir le paiement. Elle a affirmé que l’Iraq avait de l’argent au Québec. Peu après, elle a demandé au tribunal de saisir l’argent auprès de l’International Air Traffic Association (IATA).
L’IATA percevait des redevances auprès de compagnies aériennes pour le compte de différents pays, redevances pour que celles‑ci aient le droit de survoler ces pays et d’effectuer des vols vers ceux‑ci. L’Iraq était l’un des pays pour lesquels l’IATA percevait des redevances. L’IATA n’a pas pris part au conflit entre l’Iraq et Instrubel. Cependant, elle avait son siège à Montréal, ce qui signifiait que les tribunaux québécois avaient compétence (un pouvoir) sur elle.
Le Québec a des règles qui aident à garantir que les personnes qui se voient ordonner de payer d’autres personnes le fassent effectivement. À titre d’exemple, le tribunal peut ordonner à un tiers de payer une dette qu’il a envers une autre personne à quelqu’un d’autre. (Il peut aussi faire en sorte que le tiers remette certains types de biens appartenant à la personne.) Le tribunal peut aussi ordonner que l’argent soit saisi afin de s’assurer qu’il est toujours là lorsque la décision définitive est rendue. En l’espèce, l’IATA pouvait se voir ordonner de ne pas payer sa dette jusqu’à ce que le tribunal rende une décision définitive. Elle payerait alors celle‑ci soit à Instrubel, soit à l’Iraq, selon l’identité de la partie qui aurait gain de cause.
L’IATA a dit au tribunal qu’elle n’avait ni argent ni biens appartenant à l’Iraq. Cependant, moins d’une semaine plus tôt, elle détenait 166 millions $ (dollars US) pour l’Iraqi Civil Aviation Authority. Le tribunal a affirmé que l’IATA devait transférer 90 millions $ (dollars canadiens) dans un compte bancaire au Québec. Cet argent y resterait jusqu’à ce que la décision définitive soit rendue.
L’IATA a demandé l’annulation de la saisie. Le juge qui a examiné la question a affirmé que l’argent ne pouvait pas être saisi. Selon lui, les tribunaux québécois n’avaient pas compétence (le pouvoir) de saisir de l’argent se trouvant à l’extérieur du Québec lorsque l’ordonnance judiciaire a été rendue. Il a ajouté que l’argent que l’IATA percevait pour l’Iraq n’était pas une dette, de sorte qu’il ne pouvait pas être saisi sous le régime du droit québécois.
La Cour d’appel a infirmé la décision du juge. Elle a affirmé, entre autres choses, que l’argent pouvait être saisi et qu’il s’agissait d’une dette. Elle a dit que la dette existait juridiquement au siège de l’IATA à Montréal, et cela, même si l’argent était perçu dans un autre lieu et s’il était détenu dans un compte bancaire situé ailleurs.
La Cour suprême s’est prononcée sur cette affaire « séance tenante » tout de suite après l’audience tenue le 11 décembre 2019.
Une affaire jugée « séance tenante » signifie qu’une décision de vive voix est prononcée immédiatement. Les parties n’ont pas besoin d’attendre qu’une décision écrite soit rendue, ce qui prend un certain temps (environ cinq mois en moyenne en 2019). Environ un tiers des décisions ont été prises séance tenante en 2019.
Lorsqu’une affaire est jugée séance tenante, la Cour fournit parfois une explication écrite (motifs) ultérieurement. Cela peut être fait pour clarifier les choses. Dans la plupart des cas, cependant, il n’y aura pas de motifs écrits, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’explication. Quand elle se prononce oralement, la Cour peut fournir une courte explication, ou encore dire quelque chose comme « nous accueillons (ou rejetons) le présent pourvoi essentiellement pour les motifs qu’a exposés la Cour d’appel. » Cela signifie qu’elle se fonde sur les motifs du tribunal inférieur, qui au fond avait raison.
En l’espèce, les juges majoritaires ont rejeté les appels de l’Iraq et de l’IATA, « essentiellement pour les motifs qu’a exposés la Cour d’appel. » Ils n’ont pas énoncé leurs propres motifs écrits. L’arrêt de la Cour d’appel est demeuré en vigueur, ce qui signifiait que l’argent pouvait être saisi auprès de l’IATA.
Une juge n’était pas d’accord et a affirmé qu’elle motiverait sa décision par écrit ultérieurement. Il est rare que des motifs écrits soient exposés uniquement pour une dissidence dans le cas où un jugement est rendu séance tenante. Cependant, une dissidence est un élément important du processus judiciaire canadien.
Cette affaire portait sur l’exécution d’une décision arbitrale internationale. Les tribunaux québécois n’ont pas pris part à la décision initiale. Cependant, ils ont entendu l’affaire parce qu’il était important de soutenir l’arbitrage international, notamment en faisant en sorte que le montant dû en application des décisions soit payé.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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