La cause en bref
Montréal (Ville) c. Octane Stratégie inc.
- La décision
- Date : le 22 novembre 2019
- Référence neutre : 2019 CSC 57
- Décompte de la décision :
- Majorité : le juge en chef Richard Wagner et le juge Clément Gascon ont rejeté l’appel de la ville (avec l’accord des juges Abella, Karakatsanis, Rowe et Martin)
- Dissidence : les juges Suzanne Côté et Russell Brown ont dit que les conditions d’application de la réception de l’indu n’étaient pas remplies parce qu’Octane savait que les règles pertinentes n’avaient pas été suivies; ils auraient accueilli l’appel de la ville et rejeté l’appel d’Octane (avec l’accord du juge Moldaver)
- En appel de la Cour d’appel du Québec
- Renseignement sur le dossier (38066) (38073)
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La Ville de Montréal doit payer une entreprise pour les services que celle-ci lui a rendus même si les règles régissant les contrats municipaux n’ont pas été suivies, déclare la Cour suprême.
En mai 2007, la Ville de Montréal planifie un événement majeur pour le lancement de son plan de transport. Moins d’un mois avant l’événement, les fonctionnaires municipaux réalisent qu’ils ont besoin d’aide. Ils contactent Octane, une firme de relations publiques et de communications. M. Thériault, qui travaille au sein du cabinet du maire, demande à Octane d’effectuer certains travaux. Cette dernière engage une autre entreprise, PGB, afin de l’assister. Octane envoie à la ville une estimation d’environ 83 000 $ pour le travail que PGB doit effectuer. L’événement est un succès. Octane paie les 83 000 $ à PGB.
Octane fait parvenir à la ville des factures pour ses services. La ville paie trois de ces factures, mais refuse de payer celle qui concerne le travail de PGB. Elle dit qu’il n’existe pas de contrat entre elle et Octane, et que celle-ci a conclu un contrat avec PGB de sa propre initiative.
En mai 2010, Octane poursuit la ville pour se faire payer la somme de 83 000 $. En plus de plaider qu’il n’existe pas de contrat, la ville dit que, comme les services s’élèvent à plus de 25 000 $, il aurait fallu selon la loi inviter d’autres entreprises à soumissionner. Parce que des règles ont été enfreintes, la ville affirme que le contrat n’était pas autorisé et qu’elle n’est pas obligée de payer la somme demandée. Octane ajoute alors M. Thériault à la poursuite, dans l’espoir que le tribunal oblige celui-ci à payer s’il n’ordonne pas à la ville de le faire.
Le juge du procès a conclu qu’il y avait un contrat entre Octane et la ville mais que des règles avaient été enfreintes, si bien que, pour cette raison, le contrat devait être déclaré nul (c’est-à-dire considéré comme n’ayant jamais existé). L’annulation du contrat signifiait qu’Octane avait droit à la « restitution des prestations » qu’elle avait fournies. Il y a « restitution » lorsqu’une personne remet à une autre personne un avantage qu’elle a reçu de cette dernière et qu’elle n’aurait pas dû recevoir. Fournir une « prestation » veut dire fournir un avantage, en argent ou en services. Procéder à la « restitution des prestations » signifie donc remettre un avantage qu’on n’aurait pas dû recevoir. L’objectif est de replacer chaque partie dans la situation où elle se trouvait avant la fourniture des prestations. Étant donné que la ville ne pouvait pas remettre à Octane les services précis que celle-ci lui avait fournis, elle devait lui payer leur juste valeur. Le juge du procès a dit que seule la ville avait l’obligation de payer, pas M. Thériault.
La Cour d’appel a dit être d’accord avec cette décision. Elle a déclaré que, comme le contrat devait être annulé, les parties devaient être replacées dans leur situation initiale. Les juges de la majorité ont ajouté que, même s’il n’y avait jamais eu de contrat, il demeurait possible de rétablir la situation initiale en vertu des règles de la « réception de l’indu ». Suivant ces règles, un tribunal peut forcer une personne à remettre un avantage qu’elle n’aurait pas dû recevoir, si cet avantage lui a été fourni par erreur ou pour éviter un dommage. C’est une autre manière d’obtenir la restitution des prestations.
Les juges majoritaires de la Cour suprême ont décidé que la ville devait payer les 83 000 $ à Octane parce qu’elle avait reçue de cette dernière un avantage qu’elle n’aurait pas dû recevoir.
Une question fondamentale consistait à déterminer si les règles régissant la restitution des prestations s’appliquent aux cités et villes. La ville affirmait que des règles spéciales s’appliquent aux gouvernements municipaux, et ce, afin de protéger l’intérêt public (et les fonds publics). Les trois tribunaux qui se sont prononcés dans cette affaire ont tous jugé que les règles régissant la restitution des prestations s’appliquent aux cités et villes. En Cour suprême, les juges de la majorité ont déclaré que ces règles protègent l’intérêt public puisque les tribunaux peuvent décider de ne pas ordonner la restitution des prestations (ou encore ordonner la restitution d’une somme différente) afin d’éviter qu’une personne ne profite d’un avantage qu’elle ne devrait pas obtenir.
Les juges majoritaires ont déclaré que le juge du procès a commis une erreur de droit en décidant qu’il existait un contrat. Puisque la ville n’avait pas suivi la bonne procédure pour conclure le marché, il n’y avait jamais eu de contrat suivant la loi. Comme il est impossible d’annuler un contrat qui n’a jamais existé, cela signifie que la restitution ne pouvait être ordonnée sur la base d’un contrat nul (annulé). Mais la restitution peut être ordonnée pour d’autres raisons. Les juges de la majorité ont affirmé que la restitution pouvait être basée sur le fait que la ville avait reçu un avantage indu. L’« avantage » consistait dans les services qu’Octane avait fournis pour l’événement par l’entremise de PGB. Octane avait fourni les services parce qu’elle croyait avoir l’obligation de le faire. Elle croyait (erronément) qu’elle avait un contrat avec la ville. En conséquence, elle devait recevoir en retour une somme égale à la valeur des services qu’elle avait rendus.
Les juges majoritaires ont déclaré qu’il n’était pas nécessaire de décider si M. Thériault devait payer étant donné que la ville devait le faire. Ces juges ont toutefois affirmé que des fonctionnaires comme lui pourraient, dans certaines situations, devoir payer.
Cet appel a été décidé conformément aux règles particulières du Code civil du Québec. La Cour suprême a récemment examiné la question de la « réception de l’indu » dans un contexte différent dans l’affaire Threlfall c. Carleton University.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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