La cause en bref

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov

Une personne qui est née au Canada et dont les parents étaient des espions d’infiltration russes est jugée par la Cour suprême être un citoyen canadien.

M. Vavilov est né à Toronto en 1994. En 2010, ses parents sont arrêtés pour s’être livrés à de l’espionnage aux États-Unis, où ils vivent. M. Vavilov apprend alors que durant toute sa vie ses parents ont été des espions russes infiltrés. Les États-Unis renvoient ses parents en Russie dans le cadre d’un échange d’espions.

M. Vavilov tente ensuite de renouveler son passeport canadien. Il essuie deux refus. Des fonctionnaires lui disent qu’il a besoin d’une preuve de sa citoyenneté canadienne et que son certificat de naissance ne suffit pas. Il a besoin d’un certificat de citoyenneté canadienne. Il se procure ce document et présente une nouvelle demande de passeport. Il n’obtient pas davantage de passeport, mais reçoit plutôt une lettre de la greffière de la citoyenneté. C’est cette personne qui décide en dernier lieu qui a la citoyenneté canadienne. La lettre dit qu’on a fait erreur en remettant le certificat de citoyenneté à M. Vavilov et que celui-ci n’est pas un citoyen canadien.

La décision de la greffière repose sur son interprétation de la Loi sur la citoyenneté. Suivant la règle générale, toute personne née au Canada possède la citoyenneté canadienne. Mais il y a une exception, qui s’applique à l’enfant d’un « agent diplomatique ou consulaire, représentant à un autre titre ou au service au Canada d’un gouvernement étranger ». Si aucun des parents n’est un citoyen canadien ou un résident permanent du Canada, l’enfant ne peut être un citoyen canadien. La greffière conclut que cette exception s’applique dans le cas de M. Vavilov.

La greffière s’est appuyée sur un rapport rédigé par une analyste de rang peu élevé pour rendre sa décision. L’analyste a mentionné que l’expression « représentant à un autre titre ou au service d’un gouvernement étranger » n’est pas définie dans la Loi, mais qu’elle pourrait englober les espions infiltrés. L’analyste a recommandé à la greffière d’annuler le certificat de citoyenneté de M. Vavilov.

Insatisfait, M. Vavilov demande à la Cour fédérale de contrôler la décision de la greffière. La Cour fédérale donne raison à la greffière, concluant que sa décision est « correcte ». La Cour d’appel fédérale juge pour sa part en faveur de M. Vavilov. Selon elle, la décision est « déraisonnable » et elle la casse (l’annule). (Pour mieux comprendre ce que les mots « correcte » et « déraisonnable » veulent dire ici, consultez le document « Jurisprudence en bref » sur la norme de contrôle).

Tous les juges de la Cour suprême concluent que la décision de la greffière est « déraisonnable » et que la Cour d’appel fédérale a eu raison de la casser. À leur avis, M. Vavilov est un citoyen canadien.

Les juges affirment que la greffière n’a pas justifié son interprétation de la loi. Selon les juges, la greffière n’a pas tenu compte adéquatement des débats des législateurs, des décisions des tribunaux, du texte de la Loi sur la citoyenneté et du droit international. Ces sources démontrent que l’exception est censée s’appliquer uniquement aux gens qui bénéficient de « privilèges et d’immunités » diplomatiques.

Les citoyens d’un pays doivent respecter toutes les règles de ce pays. Par exemple, les citoyens du Canada doivent payer les impôts canadiens et respecter les lois canadiennes. Toutefois, les gens qui travaillent pour des gouvernements étrangers, notamment dans les ambassades ou les consulats, ne sont pas toujours obligés de le faire. Certains jouissent de « privilèges et immunités », qui constituent des exceptions aux règles que les citoyens doivent respecter et qui visent à faire en sorte qu’un pays ne puisse s’ingérer dans la politique étrangère d’un autre pays en intervenant auprès de ses représentants. Ceux-ci ont besoin de ces privilèges et immunités pour bien faire leur travail. Voilà pourquoi les diplomates et autres représentants étrangers au Canada ne peuvent devenir des citoyens canadiens.

D’après la majorité, le fait que les parents de M. Vavilov travaillaient pour le compte d’un État étranger importe peu. Ce qui compte, c’est la question de savoir s’ils avaient des privilèges et immunités. Or, ils n’en avaient pas. En conséquence, l’exception ne s’applique pas à M. Vavilov.

En temps normal, si une cour de justice juge qu’une décision administrative est déraisonnable, elle renvoie l’affaire au décideur pour qu’il l’examine à nouveau. En l’espèce, la majorité est d’avis qu’il ne servirait à rien de le faire, car M. Vavilov a déjà soulevé toutes ces questions et rien n’a fait changer d’avis la greffière. Les juges concluent que M. Vavilov est un citoyen canadien.

La présente décision fait partie des trois affaires connues sous le nom de « trilogie de droit administratif ». (Les deux autres affaires, tranchées dans Bell Canada c. Canada (Procureur général), concernent les messages publicitaires présentés lors du Super Bowl.) L’arrêt Vavilov et les affaires relatives aux messages publicitaires du Super Bowl concernent des questions très différentes, mais elles portent toutes sur un aspect du droit administratif qu’on appelle la « norme de contrôle ». Pour en apprendre davantage à ce sujet (et pour mieux comprendre les motifs de la Cour dans la présente affaire), consultez le document « Jurisprudence en bref » sur la norme de contrôle.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.