La cause en bref
Colombie-Britannique c. Philip Morris International, Inc.
- Motifs de jugement
- Date : le 13 juillet 2018
- Référence neutre : 2018 CSC 36
- Décompte de la décision :
- En appel de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique
- Renseignement sur le dossier (37524)
- Diffusion Web de l'audience
- Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :
- Cour d’appel de la Colombie-Britannique : jugement rendu en appel
- Cour suprême de la Colombie-Britannique : jugement
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La Cour suprême affirme que la C.-B. n’a pas à fournir à une compagnie de tabac des bases de données renfermant les renseignements médicaux personnels de résidents de la C.-B. dans le cadre d’une poursuite.
En 2000, la province de la Colombie-Britannique a adopté la Tobacco Damages and Health Care Costs Recovery Act. Celle-ci lui permettait de poursuivre les compagnies de tabac pour recouvrer le coût des soins de santé liés à la consommation de tabac. La Cour suprême a d’ailleurs confirmé la constitutionnalité de la Loi en 2005. En 2001, la C.-B. a intenté une poursuite contre Philip Morris International et d’autres compagnies de tabac. Philip Morris fabrique et vend des cigarettes de différentes marques, dont Marlboro.
La poursuite de la C.-B. visait à recouvrer le coût des soins de santé « globalement », c’est-à-dire relativement à un groupe d’assurés et non pour une personne en particulier. La province a affirmé avoir l’intention de s’appuyer sur plusieurs bases de données pour prouver que le tabac avait causé les problèmes de santé et pour établir à combien s’élevait le coût de ces problèmes. Ces bases de données renfermaient les renseignements médicaux personnels de résidents de la C.-B., recueillis entre 1991 et 2011, comme les coûts des soins médicaux, l’utilisation de médicaments sur ordonnance et l’état de la protection en matière de santé.
Habituellement, quiconque se fait poursuivre a le droit de consulter la preuve que l’autre partie entend utiliser, ce qui, en plus de favoriser l’équité du procès, permet au défendeur de contester la preuve. Dans cette affaire, Philip Morris a demandé les bases de données. Toutefois, selon la Loi, si la C.-B. intentait une poursuite en recouvrement global, elle n’avait pas à produire les dossiers médicaux de personnes en particulier ou les dossiers relatifs aux soins de santé prodigués à ces personnes. En guise de compromis, la C.-B. a indiqué que les compagnies de tabac pouvaient consulter les renseignements personnels, de façon strictement contrôlée, dans un Centre de données de recherche de Statistique Canada. Contrairement à d’autres compagnies de tabac, Philip Morris a refusé l’offre. Elle a affirmé que l’équité du procès exigeait qu’elle ait un accès total aux bases de données. Elle a demandé au tribunal d’ordonner à la C.-B. de lui communiquer directement les bases de données sans les noms et autres renseignements identificatoires. Philip Morris a également demandé à ce que les données relatives à chaque personne soient liées d’une base de données à l’autre de façon à faciliter l’analyse des données.
Le juge de première instance a ordonné à la C.-B. de produire les bases de données sans les renseignements identificatoires. Selon lui, il ne s’agissait pas du genre de dossiers médicaux que la Loi devait viser. La Cour d’appel était du même avis. Selon cette dernière, la C.-B. ne devrait pas pouvoir invoquer des éléments de preuve tout en interdisant à Philip Morris d’y avoir accès. Elle a également affirmé qu’il n’y avait pas réellement de menace à la vie privée.
Rédigeant la décision unanime de la Cour suprême, le juge Russell Brown était en désaccord avec les juges des instances inférieures et a tranché en faveur de la C.-B. Selon lui, les bases de données renfermaient des renseignements tirés de dossiers médicaux de personnes en particulier et il était donc impossible d’en exiger la production. Le fait de compiler les renseignements médicaux personnels dans des bases de données ne changeait pas la nature de ces renseignements. De plus, la Loi précisait même que nul ne pouvait être requis de produire des documents relatifs aux soins de santé, ce que les tribunaux d’instances inférieures n’ont pas pris en compte. Le juge Brown a indiqué que les tribunaux d’instances inférieures avaient eu tort de mettre l’accent sur la pertinence des bases de données relativement à la poursuite plutôt que sur le type de dossiers dont il est impossible d’exiger la production sous le régime de la Loi. Il a également souligné que la mention des dossiers médicaux d’assurés « en particulier » ne vaut pas mention des dossiers d’assurés « identifiables » sous le régime de la Loi. Par conséquent, supprimer les renseignements identificatoires ne réglerait pas le problème. La Cour suprême avait déjà déclaré la Loi constitutionnelle, ce qui signifie qu’à son avis elle n’allait pas entraîner des procès inéquitables. Quoi qu’il en soit, le juge Brown a indiqué qu’il était prématuré de parler de l’équité du procès puisque celle-ci était protégée par la loi d’autres façons. Il a souligné que la C.-B. aurait à communiquer les bases de données à Philip Morris si un témoin expert les invoquait devant les tribunaux. Philip Morris pourrait également, en vertu d’une autre partie de la Loi, demander la production d’un « échantillon statistiquement significatif » sans renseignements identificatoires.
Dans une affaire comparable, en 2016, la Cour d’appel du Nouveau-Brunswick a statué que le Nouveau-Brunswick n’était pas tenu de communiquer des bases de données similaires à des compagnies de tabacs. (La loi adoptée par le Nouveau-Brunswick est essentiellement la même que celle de la C.-B.) La décision fait que des dispositions similaires sont appliquées de la même façon dans les deux provinces.
Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.
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