La cause en bref
R. c. Carson
- Motifs de jugement
- Date : le 23 mars 2018
- Référence neutre : 2018 CSC 12
- Décompte de la décision :
- En appel de la Cour d’appel de l’Ontario
- Renseignement sur le dossier (37506)
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- Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :
- Cour d’appel de l’Ontario : jugement rendu en appel
- Cour supérieure de justice de l’Ontario : jugement
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Selon la Cour suprême, l’infraction de trafic d’influence englobe la promesse d’influencer le gouvernement pour qu’il change son mode de fonctionnement. L’expression « un sujet d’affaires ayant trait au gouvernement » qui figure au Code criminel vise les activités qui vont au-delà des opérations gouvernementales en cours et s’étend à celles que le gouvernement pourrait faciliter.
Dans une décision rendue à 8 voix contre une, la juge Andromache Karakatsanis a rejeté l’appel de Bruce Carson et confirmé sa déclaration de culpabilité pour trafic d’influence.
Bruce Carson était auparavant conseiller principal au cabinet du premier ministre. En 2010, environ un an après avoir quitté ce poste, il a négocié avec H2O Professionals Inc. une entente dans laquelle il promettait de se servir de ses contacts au sein du gouvernement pour aider cette société à vendre des produits de traitement de l’eau à des Premières Nations. En échange, la société a accepté de verser à la petite amie de M. Carson à l’époque des commissions sur les ventes. M. Carson a fait la promotion de la société auprès de dirigeants des Premières Nations, de représentants du gouvernement ainsi que de ministres du cabinet et de membres de leur personnel.
Affaires indiennes et du Nord Canada (son nom à l’époque, ou AINC) a fourni des fonds aux Premières Nations pour qu’elles se procurent des systèmes de traitement de l’eau comme ceux vendus par H2O. Les Premières Nations décidaient elles-mêmes de l’affectation des sommes. Toutefois, AINC a financé à l’occasion des projets pilotes portant sur des systèmes de traitement de l’eau. M. Carson a essayé de convaincre AINC de lancer un projet en vue d’acheter des produits de H2O et de les mettre à l’essai dans des collectivités des Premières Nations.
M. Carson a été accusé de fraude envers le gouvernement pour s’être livré au trafic de son influence auprès de celui-ci.
Au procès, M. Carson a admis qu’il avait de l’influence auprès du gouvernement et qu’il avait exigé un bénéfice pour sa petite amie à l’époque en échange de sa promesse d’aider H2O à vendre ses produits. Il a toutefois nié s’être livré au trafic de son influence concernant « un sujet d’affaires ayant trait au gouvernement ». La juge du procès a acquitté M. Carson au motif que les Premières Nations n’avaient pas besoin de l’approbation ou de l’intervention du gouvernement pour acheter des systèmes de traitement de l’eau. Il en était ainsi parce que la décision d’acheter des systèmes de traitement de l’eau d’H2O revenait aux Premières Nations plutôt qu’au gouvernement. La Cour d’appel n’était pas de cet avis, jugeant que l’interprétation de la juge du procès était trop étroite. Elle a conclu que la promesse de M. Carson était en fait liée aux affaires du gouvernement. Elle a annulé son acquittement et l’a déclaré coupable.
La question principale soumise à la Cour suprême était de savoir ce qui constituait un « sujet d’affaires ayant trait au gouvernement ». La majorité a décidé que cette expression devait recevoir une interprétation large. Les affaires ont trait au gouvernement si elles dépendent du gouvernement ou pourraient être facilitées par celui-ci, et ce, même si elles nécessitent que le gouvernement modifie ses opérations pour atteindre un résultat donné. Compte tenu de cette définition, la majorité a conclu que la promesse concernait effectivement « un sujet d’affaires ayant trait au gouvernement ». En effet, bien que les Premières Nations n’aient pas eu besoin de l’approbation du gouvernement pour acheter des produits d’H2O, AINC aurait pu les inciter à le faire. Il aurait pu modifier ses conditions de financement au profit de la société ou lancer un projet pilote en vue de promouvoir les produits d’H2O, une initiative qu’avait réclamée M. Carson. Pour ces motifs, la majorité a jugé que M. Carson croyait de toute évidence que le gouvernement pouvait faciliter les ventes de produits d’H2O aux Premières Nations. Dans les circonstances, la majorité a considéré que M. Carson avait miné l’apparence d’intégrité du gouvernement et qu’il était coupable de trafic d’influence.
La juge Suzanne Côté, dissidente, n’était pas d’accord pour dire que l’affaire avait trait aux affaires du gouvernement et elle aurait rétabli l’acquittement de M. Carson. Selon elle, « un sujet d’affaires ayant trait au gouvernement » doit réellement se rapporter aux structures opérationnelles du gouvernement en place au moment de l’infraction. Il ne doit pas s’agir d’une simple éventualité. La juge du procès a conclu que le gouvernement fédéral avait accordé aux Premières Nations toute la latitude voulue pour acheter les systèmes de traitement de l’eau de leur choix. La juge Côté a donc convenu avec la juge du procès qu’il était impossible d’affirmer que les activités de M. Carson avaient « trait au gouvernement ». À son avis, le Code criminel visait à protéger l’intégrité du gouvernement en criminalisant les ententes qui poseraient un risque de corruption si elles étaient menées à bien. Elle a estimé qu’il n’y a aucun risque de ce genre lorsque le « sujet d’affaires » en question ne se rapporte pas réellement au gouvernement.
La présente affaire porte sur le sens et la portée de l’expression « un sujet d’affaires ayant trait au gouvernement » que l’on trouve à l’alinéa 121(1)d) du Code criminel. La majorité a décidé que des affaires ont trait au gouvernement si elles en dépendent ou pourraient être facilitées par celui-ci. Une interprétation large s’impose parce que la corruption, réelle ou apparente, risque de miner l’intégrité et la transparence qui sont essentielles à la démocratie.
Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.
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