La cause en bref
R. c. Wong
- Motifs de jugement
- Date : le 25 mai 2018
- Référence neutre : 2018 CSC 25
- Décompte de la décision :
- En appel de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique
- Renseignement sur le dossier (37367)
- Diffusion Web de l'audience
- Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :
- Cour d’appel de la Colombie-Britannique (jugement rendu en appel)
- Cour provinciale de la Colombie-Britannique (non disponible en ligne)
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La Cour suprême a refusé la demande d’un homme de retirer son plaidoyer de culpabilité parce qu’il n’avait pas démontré qu’il aurait agi différemment s’il avait su qu’il pouvait être expulsé.
Wing Wha Wong est arrivé au Canada en provenance de la Chine il y a plus de 25 ans, mais il n’a jamais acquis la citoyenneté canadienne. Il était marié et avait une enfant née au Canada. En 2014, il a plaidé coupable à une accusation de trafic de cocaïne. Il ignorait qu’un plaidoyer de culpabilité et une déclaration de culpabilité pour trafic risquaient d’entraîner son expulsion du pays.
Toutefois, alors qu’il se trouvait en prison, il a reçu un appel d’un agent d’immigration. Comme M. Wong n’était pas citoyen canadien, l’agent lui a dit qu’il ne pourrait probablement pas rester au Canada car il avait commis un crime grave. Un crime est « grave » lorsque son auteur est passible d’une peine de dix ans d’emprisonnement ou plus ou se voit infliger une peine de plus de six mois d’emprisonnement. Une personne reconnue coupable de trafic de cocaïne peut être condamnée à l’emprisonnement à perpétuité. M. Wong a été condamné à neuf mois d’emprisonnement. Son crime était donc jugé grave pour ces deux motifs, d’où la possibilité que M. Wong soit tenu de quitter le Canada. On a dit à M. Wong qu’il lui faudrait assister à une enquête en matière d’immigration au moment de sa libération et qu’il risquait d’être expulsé. En outre, les règles d’immigration l’empêchaient d’interjeter appel de l’expulsion pour quelque raison que ce soit.
En droit criminel, le plaidoyer de culpabilité est une décision qui revient personnellement à l’accusé, il doit être clair et exprès, et reposer sur tous les renseignements nécessaires (juridiquement pertinents). L’accusé doit comprendre ce qui peut se passer une fois qu’il plaide coupable. Il risque non seulement de se voir infliger une peine, mais aussi de subir des conséquences non criminelles comme l’expulsion. La personne qui souhaite retirer un plaidoyer non éclairé doit prouver que les renseignements manquants avaient de graves conséquences et lui ont porté préjudice. Il y a préjudice dans les cas où la personne démontre qu’elle aurait décidé de subir son procès ou plaidé coupable à d’autres conditions si elle avait disposé de tous les renseignements nécessaires au moment d’inscrire son plaidoyer.
Après avoir purgé sa peine, M. Wong a cherché à retirer son plaidoyer de culpabilité, soutenant qu’il ne savait pas qu’il pouvait être expulsé. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rejeté ses arguments parce qu’il n’avait pas mentionné expressément qu’il aurait choisi d’aller en procès s’il avait eu connaissance de ce risque. M. Wong a fait appel.
Les juges majoritaires de la Cour suprême ont dit que M. Wong ne devrait pas pouvoir retirer son plaidoyer. Dans des motifs conjoints, les juges Michael Moldaver, Clément Gascon et Russell Brown ont accepté que M. Wong n’avait pas tous les renseignements juridiquement pertinents au moment de plaider coupable. Toutefois, à l’instar de la Cour d’appel, ils ont constaté qu’il n’avait pas démontré qu’il aurait agi différemment. La décision de plaider coupable à un crime est éminemment personnelle. Lorsqu’ils décident de lui permettre ou non de retirer son plaidoyer, les tribunaux doivent donc se concentrer sur la personne et se demander ce qu’elle aurait fait au juste. Les juges majoritaires ont fait remarquer qu’une approche faisant abstraction du caractère éminemment personnel d’un plaidoyer de culpabilité et axée plutôt sur ce qu’aurait fait une personne placée dans une situation semblable serait difficile à appliquer pour les tribunaux. Un autre juge s’est rangé à l’avis des juges Moldaver, Gascon et Brown.
Le juge Richard Wagner (qui n’était pas encore juge en chef quand l’appel a été entendu) n’était pas du même avis. Il aurait laissé M. Wong retirer son plaidoyer et ordonné la tenue d’un nouveau procès. Il a convenu que M. Wong ne disposait pas de tous les renseignements nécessaires quand il a décidé de plaider coupable. Le juge Wagner n’était toutefois pas d’accord pour dire que les tribunaux devraient se concentrer sur l’accusé en question. Ils devraient plutôt, selon lui, examiner la question d’un point de vue plus objectif et se demander ce qu’une personne placée dans une situation semblable aurait fait. II a affirmé que M. Wong aurait probablement agi différemment s’il avait su qu’il risquait d’être expulsé, ce qui rendait le processus inéquitable. Deux juges ont partagé l’avis du juge Wagner.
La plupart des affaires criminelles se terminent par l’inscription d’un plaidoyer de culpabilité. Pour que le système de justice fonctionne bien, il importe que les plaidoyers de culpabilité soient définitifs, mais cela est injuste dans le cas d’un plaidoyer de culpabilité vicié. Cette décision confirme qu’une personne peut retirer son plaidoyer de culpabilité en démontrant qu’elle n’avait pas les renseignements juridiquement pertinents nécessaires à ce moment-là et qu’elle aurait agi différemment si elle avait disposé de ces renseignements.
Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.
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