La cause en bref

Bureau de l’avocat des enfants c. Balev

La Cour suprême décide qu’un tribunal appelé à déterminer le lieu de la « résidence habituelle » d’un enfant, une expression employée dans un traité international, doit tenir compte de toutes les circonstances pertinentes.

Dans une décision rendue à 6 contre 3 rédigée par la juge en chef Justice Beverley McLachlin (maintenant à la retraite), la Cour suprême donne des repères aux tribunaux appelés à déterminer le lieu de la résidence habituelle d’un enfant selon la Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants.

Les parents s’étaient mariés en Ontario en 2000 et avaient déménagé en Allemagne en 2001. Ils y étaient devenus résidents permanents et avaient eu deux enfants, mais s’étaient ensuite séparés. En raison des difficultés de leurs enfants à l’école, les parents avaient décidé que la mère les emmènerait au Canada pendant 16 mois dans l’espoir que leurs résultats s’améliorent. En août 2014, au terme de la période de 16 mois, la mère n’avait pas renvoyé les enfants en Allemagne. Le père avait demandé au tribunal d’ordonner leur retour puis, conformément à l’ordonnance subséquente du tribunal, les enfants étaient rentrés en Allemagne en octobre 2016. Peu après, les tribunaux allemands avaient accordé leur garde exclusive à la mère. En avril 2017, les enfants et la mère étaient revenus au Canada.

Le différend opposant la mère et le père a connu son dénouement avant l’audition de l’appel par la Cour suprême. Cependant, les questions soulevées dans l’appel étaient importantes, si bien que la Cour a décidé de donner aux tribunaux des repères quant à la façon dont ils devaient désormais déterminer le lieu de la résidence habituelle d’un enfant.

La Convention sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants était en cause. Près de 100 pays y souscrivent, dont l’Allemagne et le Canada. Elle vise à protéger les enfants en assurant le respect du droit de garde et en faisant en sorte que les enfants retournent rapidement dans le pays de leur résidence habituelle.

Suivant son article 3, les enfants en cause devaient être renvoyés en Allemagne s’ils y avaient leur résidence habituelle. Elle ne définit pas l’expression « résidence habituelle », et le différend des parents portait principalement sur la signification véritable de ces mots. Le premier juge saisi a conclu que l’intention des parents était l’élément le plus important. La Cour divisionnaire a ensuite estimé que l’élément le plus important était l’intégration de l’enfant dans son milieu. La Cour d’appel a dit partager l’opinion du premier juge. La décision a été portée en appel devant la Cour suprême.

Les juges majoritaires de la Cour suprême concluent que les tribunaux doivent tenir compte de toutes les considérations pertinentes pour déterminer le lieu de la résidence habituelle de l’enfant, ce qui comprend les liens de l’enfant avec chacun des pays, ainsi que sa situation dans chacun d’eux. La situation des parents, y compris leurs intentions, peut être prise en compte. Cependant, les tribunaux ne disposent pas d’une liste définitive de facteurs à considérer; il leur faut se pencher sur la situation de l’enfant dans sa totalité. Par ailleurs, le tribunal peut refuser d’ordonner le retour de l’enfant lorsque s’applique une exception prévue dans le traité. Déterminer rapidement le pays de la résidence habituelle permet d’y renvoyer l’enfant dès que possible, ce qui permet d’assurer la protection de l’enfant, de limiter le risque d’enlèvement par les parents et de contribuer à ce qu’un tribunal compétent (du pays de la résidence habituelle de l’enfant) statue sur la garde et le droit de visite plus rapidement.

Dissidents, les juges Suzanne Côté et Malcolm Rowe expriment leur désaccord avec les juges majoritaires sur la façon dont devrait être déterminé le lieu de la résidence habituelle de l’enfant. Selon eux, les tribunaux devraient respecter l’intention des parents lorsqu’elle est claire. Ils soutiennent qu’il en résulterait des décisions plus rapides et plus prévisibles, ce qui correspond à l’un des objectifs de la Convention. En l’occurrence, les parents avaient signé un accord qui précisait que le déménagement au Canada était temporaire. C’est pourquoi les juges Côté et Rowe auraient confirmé les décisions de la juge des requêtes et de la Cour d’appel, les deux ayant conclu que l’Allemagne était le pays de la résidence habituelle des enfants.

Dans ce dossier, la Cour suprême modifie sa façon d’aborder les affaires de garde comportant une dimension internationale. Les juges majoritaires signalent que la procédure judiciaire a duré trop longtemps, ce qui est inacceptable dans la mesure où le but premier de la Convention est que l’enfant rentre chez lui au plus tôt. Afin d’empêcher que le déroulement des procédures ne soit indûment retardé à l’avenir, la Cour prend des mesures pour que les dossiers de cette nature soient repérés et que leur traitement soit accéléré. La Cour incite les tribunaux inférieurs à prendre des mesures dans le même sens.

Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.