La cause en bref
Montréal (Ville) c. Lonardi
- Motifs de jugement
- Date : le 8 juin 2018
- Référence neutre : 2018 CSC 29
- Décompte de la décision :
- En appel de la Cour d’appel du Québec
- Renseignement sur le dossier (37184)
- Diffusion Web de l'audience
- Décisions des tribunaux inférieurs :
- Cour d’appel du Québec : jugement rendu en appel
- Cour du Québec : jugement (non disponible en ligne)
- Explorez la Cour
La Cour suprême a décidé qu’un émeutier qui a endommagé une auto-patrouille après un match de hockey qui s’est déroulé à Montréal n’est tenu de payer que pour les dommages spécifiques qu’il a personnellement causés. Il ne peut être tenu individuellement responsable des dommages causés indépendamment par d’autres au même véhicule.
Le 21 avril 2008, les Canadiens de Montréal ont battu les Bruins de Boston lors d’un match des séries éliminatoires. Les célébrations dans les rues du centre-ville de Montréal se sont transformées en émeute. Neuf autos-patrouilles ont été détruites et six autres endommagées. La police a été en mesure d’identifier et d’arrêter environ vingt personnes qui avaient commis différents méfaits, allant du coup de pied dans la portière d’un véhicule pour certains à l’incendie de ce dernier pour d’autres. La ville de Montréal a poursuivi les émeutiers et demandé à la cour de condamner chacun d’entre eux à payer jusqu’à concurrence de la totalité de la valeur des dommages causés au véhicule qu’il a contribué à détruire. Si un ou plusieurs des autres émeutiers qui avaient causé des dommages au même véhicule n’étaient pas en mesure de payer, ou ne pouvaient être identifiés, les autres l’ayant aussi endommagé auraient à payer la différence.
Le Code civil du Québec s’applique aux questions juridiques non criminelles dans la province. Ici, il était question de l’interprétation de deux articles du Code, les articles 1480 et 1526. Normalement, une personne qui commet une faute n’a à payer que pour le préjudice précis qu’elle a causé à quelqu’un d’autre. Le Code prévoit toutefois deux exceptions, et permet que deux personnes ou plus soient chacune tenues responsables de la totalité des dommages dans certaines situations extracontractuelles. L’article 1526 prévoit une exception lorsque deux personnes ou plus participent au même méfait ou, en commettant des méfaits distincts, contribuent au même dommage. L’article 1480 prévoit une autre exception lorsque deux personnes ou plus participent ensemble au même méfait, ou à des méfaits distincts, mais qu’il est impossible de déterminer qui a causé quel dommage. Dans un cas comme dans l’autre, un seul dommage doit avoir été causé par les personnes impliquées pour que chacune puisse être tenue individuellement responsable jusqu’à concurrence de la totalité de la valeur du dommage.
Le juge du procès a ordonné que certains émeutiers qui ont agi de concert paient chacun pour la totalité des dommages qu’ils ont causés à un véhicule. Pour les autres émeutiers, il a conclu que les deux exceptions ne s’appliquent pas. Le juge a condamné chacun de ces émeutiers à payer uniquement pour les dommages précis qu’ils ont chacun causés, en plus de dommages-intérêts punitifs. La ville a interjeté appel des jugements dans lesquels les émeutiers n’ont pas tous été trouvés responsables de l’ensemble des dommages. La Cour d’appel a souscrit à l’opinion du juge du procès.
Le juge Clément Gascon, au nom des juges majoritaires de la Cour, a donné raison aux cours d’instances inférieures. Selon lui, chacun des émeutiers visés par l’appel ne pouvait être tenu individuellement responsable pour l’ensemble des dommages causés à une voiture durant l’émeute. Leur situation ne satisfait aux conditions d’application ni de l’une ni de l’autre des exceptions. Le principe général voulant qu’une personne qui commet une faute n’a à payer que pour le préjudice qu’elle cause à une autre doit s’appliquer. En commettant des méfaits différents, les émeutiers visés par le présent appel ont causé des dommages distincts. Comme les événements ont été filmés, il a été possible de circonscrire le dommage causé par chacun d’entre eux. De plus, la plupart de ces émeutiers ne se connaissaient même pas et ne s’étaient pas adressé la parole. Ils ont agi seuls, souvent à des moments différents. Ils n’ont donc pas pu choisir d’agir de concert par une entente expresse ou tacite. Cinq juges sont d’accord avec le juge Gascon.
La juge Côté est d’un autre avis. Pour elle, le Code n’exige aucune préméditation ou entente claire pour qu’une des exceptions s’applique. Ici, les gestes posés par chaque personne qui a participé à la destruction d’un véhicule en particulier étaient liés parce que ces personnes ont endommagé la même voiture, dans un court lapse de temps et se sont encouragés les unes les autres jusqu’à ce que cette auto-patrouille soit considérablement endommagée ou complètement détruite. Ces personnes ont agi de concert pour détruire le même véhicule et devraient être tenues responsables de payer la totalité de la valeur des dommages qui lui ont été causés. Selon la juge Côté, les deux exceptions prévues au Code s’appliquent, même s’il était possible de circonscrire le dommage précis causé par chaque émeutier. La gravité de la faute de chacun d’entre eux doit servir à partager la responsabilité entre les membres du groupe impliqués relativement à chaque véhicule. Il n’en demeure pas moins que chacune de ces personnes demeure responsable de payer jusqu’à concurrence de la totalité du montant à la ville.
La décision confirme que le fait d’endommager un bien durant une émeute ne rend pas une personne automatiquement responsable des dommages causés par d’autres émeutiers au même bien.
Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.
Explorez la Cour: Les juges de la Cour | Le rôle de la Cour | Visitez la Cour
- Date de modification :