La cause en bref

R. c. Tayo Tompouba

La Cour suprême ordonne la tenue d’un nouveau procès en français pour un accusé qui n’a pas été informé de son droit d’être jugé dans la langue officielle de son choix. 

Cette affaire portait sur le cadre d’analyse que doit appliquer une cour d’appel lorsqu’un accusé fait appel de sa déclaration de culpabilité parce qu’il n’a pas été informé de son droit de subir son procès dans la langue officielle de son choix la première fois qu’il a comparu devant un juge, alors qu’aucune décision n’a été prise en première instance sur ses droits linguistiques.

L’article 530 du Code criminel garantit à tout accuséle droit de subir son procès dans la langue officielle de son choix. Afin d’assurer que l’accusé exerce ce choix de manière libre et éclairée, le paragraphe 530(3) du Code impose au juge devant lequel l’accusé comparaît pour la première fois l’obligation de veiller à ce que ce dernier soit avisé de son droit et des délais dans lesquels il doit demander à subir son procès devant un juge ou un juge et un jury, selon le cas, qui parlent la langue officielle de son choix.

Franck Yvan Tayo Tompouba est un francophone bilingue qui, au terme d’un procès qui s’est déroulé en anglais devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique, a été déclaré coupable d’agression sexuelle. Dans le cadre du processus judiciaire ayant mené à la condamnation de M. Tayo Tompouba, le juge n’a pas veillé à ce que celui-ci soit avisé de son droit de subir son procès en français, contrairement aux exigences du paragraphe 530(3) du Code. Monsieur Tayo Tompouba n’a pas demandé à subir son procès en français, ni soulevé le manquement à son droit d’être avisé de son droit de présenter une telle demande.

Monsieur Tayo Tompouba a porté sa déclaration de culpabilité en appel devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique. C’est à ce moment qu’il a fait valoir pour la première fois qu’il aurait voulu subir son procès en français. Monsieur Tayo Tompouba a allégué une violation à ses droits linguistiques en raison, entre autres, du fait que le juge aurait manqué à son obligation en vertu du paragraphe 530(3) du Code.

La Cour d’appel a rejeté son appel. Même si elle était d’avis que le manquement du juge constituait une erreur de droit qui justifiait son intervention, elle a jugé que la preuve ne permettait pas de trancher certaines questions cruciales, comme celles de savoir à quel moment M. Tayo Tompouba avait eu connaissance de son droit fondamental, s’il aurait effectivement choisi un procès en français s’il en avait eu l’occasion et s’il n’avait pas choisi de façon libre et éclairée d’être jugé en anglais. Elle a donc conclu que la preuve était insuffisante et que M. Tayo Tompouba ne s’était pas acquitté du fardeau de la persuader que le manquement par le juge à l’obligation prévue au paragraphe 530(3) du Code avait entraîné la violation de son droit fondamental de subir son procès dans la langue officielle de son choix.

Monsieur Tayo Tompouba a interjeté appel de cette décision devant la Cour suprême du Canada. Celle-ci a accueilli son appel.

La Cour d’appel a commis une erreur en imposant à M. Tayo Tompouba le fardeau de démontrer la violation de son droit fondamental en première instance. 

Rédigeant les motifs majoritaires, le juge en chef Wagner a déclaré que le paragraphe 530(3) impose au juge devant qui un accusé comparaît pour la première fois une obligation d’information à deux volets, c’est-à-dire veiller à ce que l’accusé soit dûment informé de son droit fondamental et des modalités de son exercice, et, lorsque les circonstances le requièrent, prendre les moyens nécessaires pour l’en informer. Le juge en chef Wagner a confirmé qu’un manquement à cette obligation d’information constitue une erreur de droit permettant à une cour d’appel d’intervenir en vertu de l’alinéa 686(1)a) du Code. Comme il l’a expliqué, une fois démontré, ce manquement entache le jugement du tribunal de première instance et fait naître une présomption de violation du droit fondamental de l’accusé de subir son procès dans la langue officielle de son choix, qui lui est garanti par l’article 530 du Code. Cette présomption peut ensuite être réfutée par le ministère public dans le cadre de l’analyse liée à la disposition réparatrice du sous-alinéa 686(1)b)(iv) du Code, disposition qui permet à une cour d’appel de rejeter un appel lorsqu’une erreur ou une irrégularité démontrée par l’accusé ne lui a pas pour autant causé de préjudice.

En l’espèce, le juge en chef Wagner a conclu, d’une part, que M. Tayo Tompouba avait prouvé l’existence d’une erreur révisable en appel et, d’autre part, que le ministère public avait échoué à démontrer que le droit fondamental de M. Tayo Tompouba n’avait pas dans les faits été violé malgré le manquement du juge à son obligation d’information en vertu du paragraphe 530(3) du Code. Pour ces motifs, le juge en chef Wagner a accueilli l’appel, annulé la condamnation de M. Tayo Tompouba et ordonné la tenue d’un nouveau procès en français.  

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.