La cause en bref

R. c. Bykovets

La Cour suprême juge qu’une demande présentée par la police afin d’obtenir une adresse IP constitue une fouille au sens de l’article 8 de la Charte.

Cet appel portait sur la question de savoir si une adresse de protocole Internet (IP) suscite une attente raisonnable au respect de la vie privée, de sorte qu’une demande de la police pour obtenir celle-ci constitue une fouille au sens de l’article 8 de la Charte. Une adresse IP est un numéro d’identification unique, qui est nécessaire pour accéder à Internet. Elle identifie la source de toute activité en ligne et permet le transfert d’information d’une source à une autre. Les entreprises qui fournissent l’accès à Internet, qu’on appelle des fournisseurs de services Internet, conservent les renseignements relatifs à l’utilisateur qui se rattachent à chaque adresse IP.

En 2017, le Service de police de Calgary a mené une enquête sur des achats en ligne frauduleux effectués auprès d’un magasin de vins et spiritueux et a appris que les ventes en ligne du magasin étaient gérées par Moneris, une société tierce de traitement des paiements. La police a communiqué avec Moneris pour obtenir les adresses IP utilisées pour les opérations, et l’entreprise en a signalé deux. La police a ensuite obtenu une ordonnance judiciaire obligeant le fournisseur de services Internet associé à ces deux adresses à révéler le nom et l’adresse résidentielle du client pour chaque adresse IP. L’une d’entre elles était enregistrée au nom de M. Bykovets et l’autre, à celui de son père. La police a utilisé ces renseignements pour demander et exécuter des mandats de perquisition à leur domicile respectif. Monsieur Bykovets a été arrêté et accusé d’infractions liées, notamment, à la possession et à l’utilisation de cartes de crédit et de pièces d’identité appartenant à des tiers.

Avant le début de son procès, M. Bykovets a contesté la demande par laquelle la police avait obtenu les adresses IP de Moneris, plaidant qu’elle violait son droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives garanti par l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. Cet article vise à protéger la vie privée, y compris le caractère privé des renseignements personnels. Pour établir l’existence d’une violation du droit que lui garantit l’article 8, M. Bykovets devait d’abord démontrer qu’il y avait eu une « fouille ». Il y a fouille lorsque l’État frustre une attente raisonnable au respect de la vie privée. Monsieur Bykovets a fait valoir qu’il existait une telle attente à l’égard de son adresse IP.

La juge du procès a conclu que la demande de la police à Moneris n’équivalait pas à une fouille, parce qu’un internaute n’a pas d’attente raisonnable au respect de sa vie privée à l’égard de son adresse IP. La juge a estimé que les adresses IP n’établissent pas à elles seules un lien avec l’internaute, et ne fournissent aucune autre information sur celui-ci. Par conséquent, M. Bykovets n’avait pas d’attente raisonnable au respect de sa vie privée à l’égard de son adresse IP, et il n’y avait pas eu de violation du droit qui lui est garanti par l’article 8. Il a en définitive été déclaré coupable de 14 infractions.

La Cour d’appel de l’Alberta a, à la majorité, donné raison à la juge du procès et rejeté l’appel de M. Bykovets. Une juge a toutefois exprimé sa dissidence et aurait pour sa part accueilli l’appel, au motif qu’il existe bel et bien une attente raisonnable au respect de la vie privée dans le cas des adresses IP. Monsieur Bykovets a interjeté appel à la Cour suprême du Canada.

La Cour suprême du Canada a accueilli son appel.

Une adresse IP suscite une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée.

Rédigeant les motifs des juges majoritaires, la juge Karakatsanis a expliqué que si l’article 8 de la Charte doit protéger de manière significative la vie privée en ligne des Canadiens et des Canadiennes dans le monde actuel, qui est largement numérique, il doit protéger leurs adresses IP. Une adresse IP est le lien crucial entre un internaute et son activité en ligne. La juge Karakatsanis a dit qu’« une adresse IP est la clé donnant accès à l’activité Internet d’un utilisateur et, ultimement, à son identité, de sorte qu’elle suscite une attente raisonnable au respect de la vie privée ». En conséquence, une demande de l’État – la police dans ce cas-ci – en vue d’obtenir une adresse IP constitue une fouille au sens de l’article 8 de la Charte.

Pour cette raison la juge Karakatsanis a accueilli l’appel de M. Bykovets, annulé les déclarations de culpabilité et ordonné la tenue d’un nouveau procès.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.