La cause en bref

R. c. Brunelle

La Cour suprême confirme la tenue d’un nouveau procès pour 31 personnes à l’égard desquelles la Cour supérieure du Québec avait ordonné un arrêt des procédures.

À la suite d’une enquête lancée en 2014, une opération policière d’envergure a été déclenchée en 2016 dans trois régions au Québec. Une trentaine de personnes ont été arrêtées et accusées de divers actes criminels en lien avec la production et le trafic de stupéfiants. Les personnes accusées ont toutes été informées de leur droit constitutionnel, garanti par l’alinéa 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés, de recourir sans délai à l’assistance d’une avocate ou d’un avocat au moment de leur arrestation. Beaucoup de ces personnes ont indiqué qu’elles voulaient se prévaloir de leur droit dès qu’elles en ont été informées, certaines ont demandé d’exercer leur droit seulement une fois rendues au poste de police, et les autres ont indiqué ne pas souhaiter recourir à l’assistance d’une avocate ou d’un avocat ou l’avoir déjà fait. En fin de compte, parmi les personnes ayant indiqué vouloir se prévaloir immédiatement de ce droit, une seule s’est vu offrir cette possibilité pendant qu’elle se trouvait à bord du véhicule de police.

Les personnes accusées ont été divisées en quatre groupes distincts en vue de la tenue de procès séparés. Celles faisant partie du premier groupe, qui devaient subir leur procès en premier, ont déposé une requête en arrêt des procédures au motif qu’il y avait eu multiples violations de leurs droits constitutionnels lors de l’enquête et de l’opération policières. Dans le contexte d’une affaire criminelle, un arrêt des procédures est une réparation qui peut être accordée à une personne accusée lorsqu’elle établit que la conduite de l’État mine l’intégrité du système de justice, sans égard à l’existence d’un préjudice personnel subi par cette personne ou d’un préjudice causé à l’équité de son procès. Les personnes accusées dans cette affaire ont allégué qu’un cumul de violations de leurs droits constitutionnels, notamment leur droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’une avocate ou d’un avocat, constituait un abus de procédure à l’égard de toutes, bien que plusieurs d’entre elles n’aient été victimes d’aucune de ces violations. Les personnes accusées des trois autres groupes ont déposé des requêtes similaires à celle déposée par le premier groupe.  

Le juge du procès a ordonné l’arrêt des procédures à l’égard des personnes accusées du premier groupe. Il a conclu que la pratique des autorités policières qui a consisté à reporter l’exercice du droit à l’assistance d’une avocate ou d’un avocat par les personnes accusées jusqu’au moment où elles ont été conduites au poste de police violait le droit à l’alinéa 10b) de la Charte de toutes les personnes du groupe. Se fondant sur l’effet cumulatif de ces violations, qu’il considérait être les plus graves, et d’autres violations survenues lors des interventions policières, le juge a conclu à l’existence d’un abus de procédure de la part des autorités policières. Un arrêt des procédures a également été prononcé à l’égard des personnes accusées des trois autres groupes sur la base de ces conclusions.

La Cour d’appel du Québec a accueilli les appels de la Couronne et a ordonné la tenue d’un nouveau procès, incluant une nouvelle audition de la requête en arrêt des procédures. Selon la Cour d’appel, certaines personnes accusées n’avaient pas l’intérêt requis pour obtenir un arrêt des procédures, parce qu’une réparation ne peut être accordée qu’aux personnes victimes de violations de leurs propres droits constitutionnels. Elle était aussi d’avis que le juge du procès avait commis une erreur en ordonnant l’arrêt des procédures au bénéfice de toutes les personnes accusées, sans avoir d’abord évalué si les droits de chacune d’elles avaient ou non été violés. Les personnes accusées ont porté la décision en appel devant la Cour suprême du Canada.   

La Cour suprême a rejeté l’appel.

Le juge du procès a ordonné à tort l’arrêt des procédures à l’égard de toutes les personnes accusées.

Rédigeant les motifs majoritaires de la Cour, la juge O’Bonsawin a déterminé que toutes les personnes accusées avaient l’intérêt requis pour demander une réparation, même si certaines d’entre elles n’ont subi aucune des violations constituant la conduite abusive alléguée.

Toutefois, le juge du procès devait déterminer si chaque partie accusée avait subi une violation du droit qui lui est garanti par l’alinéa 10b) de la Charte et il ne l’a pas fait. Enfin, le juge du procès a fait erreur en ordonnant l’arrêt des procédures à l’égard de toutes les personnes accusées sans avoir d’abord considéré des réparations moins draconiennes qui auraient pu corriger entièrement l’atteinte à l’intégrité du système de justice qu’il croyait avoir identifiée. Pour ces motifs, la juge O’Bonsawin a conclu que cette erreur justifiait la tenue d’un nouveau procès pour le premier groupe, ainsi que de nouvelles auditions de la requête des personnes accusées en arrêt des procédures.   

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.