La cause en bref
Conseil canadien pour les réfugiés c. Canada (Citoyenneté et Immigration)
- La décision
- Date : le 16 juin 2023
- Référence neutre : 2023 CSC 17
- Décompte de la décision :
- Unanimité : le juge Kasirer a accueilli l’appel en partie (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Karakatsanis, Côté, Rowe, Martin, Jamal et O’Bonsawin)
- En appel de la Cour d’appel fédérale
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La Cour suprême juge que le règlement désignant les États-Unis comme tiers pays sûr ne porte pas atteinte aux droits à la liberté et à la sécurité de la personne des demandeurs d’asile.
En 2002, le Canada et les États-Unis ont conclu un traité bilatéral connu sous le nom d’« Entente sur les tiers pays sûrs » (Entente). En règle générale, selon l’Entente, les demandeurs d’asile doivent demander cette protection dans celui des deux pays où ils sont entrés en premier après avoir quitté leur pays d’origine. Cette règle fait partie de l’alinéa 101(1)e) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (Loi) du Canada et de l’article 159.3 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (Règlement).
Bien qu’il existe certaines exceptions, une personne ne peut suivant la Loi demander l’asile au Canada si elle arrive à un point d’entrée terrestre à partir d’un « tiers pays sûr ». La désignation d’un pays à ce titre repose sur des critères comme le respect par le pays du principe de non-refoulement. Selon ce principe, qui constitue la pierre angulaire du régime international de protection des réfugiés, il est interdit de renvoyer une personne vers un endroit où elle subirait des actes de torture, des traitements cruels ou dégradants ou des menaces à sa vie ou à sa liberté. Un tiers pays sûr est donc perçu comme un partenaire convenable avec qui la responsabilité de l’examen des demandes de statut de réfugié peut être partagée. Les États-Unis sont désignés comme tel en vertu de l’article 159.3 du Règlement.
Les appelants dans la présente affaire sont des demandeurs d’asile individuels et des plaideurs agissant dans l’intérêt public en leur nom. Les demandeurs d’asile sont tous arrivés au Canada en 2017 à partir des États-Unis. Ils craignaient d’être victimes dans leur pays d’origine de persécution en raison de leur genre, de violence sexuelle perpétrée par des gangs ou d’oppression. Comme ils sont arrivés à des points d’entrée terrestre à partir des États-Unis, leurs demandes d’asile étaient irrecevables au Canada.
Les demandeurs d’asile ont soutenu que le Règlement désignant les États-Unis comme un tiers pays sûr viole les droits garantis par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, parce qu’il fait en sorte que les agents d’immigration canadiens renvoient des demandeurs d’asile aux États‑Unis sans examiner si les droits qui sont reconnus à ces personnes par le droit international seront respectés dans ce pays, notamment les droits liés au non‑refoulement et à la détention. Les demandeurs d’asile ont également prétendu que le Règlement viole le droit à l’égalité garanti par l’article 15 de la Charte, au motif que les femmes victimes de persécution fondée sur le genre se voient souvent refuser le droit d’asile aux États‑Unis et font face à un risque de refoulement.
En 2020, une juge de la Cour fédérale a conclu que le Règlement violait l’article 7 de la Charte. Sur la base de son examen de la preuve, la juge a statué que les droits à la liberté et à la sécurité de la personne étaient menacés, en raison des risques de refoulement, des risques de détention et des conditions de détention auxquels faisaient face les demandeurs d’asile qui étaient renvoyés aux États-Unis. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile ont fait appel de ce jugement et la Cour d’appel fédérale l’a infirmé. Selon cette dernière, la contestation fondée sur la Charte n’aurait pas dû porter sur le Règlement lui-même, mais plutôt sur l’action ou l’inaction du Canada en ce qui a trait au suivi de l’examen de la désignation des États-Unis à titre de tiers pays sûr. Aucune des deux cours ne s’est prononcée sur le recours fondé sur l’article 15. Les demandeurs d’asile ont ensuite interjeté appel devant la Cour suprême.
La Cour suprême a accueilli l’appel en partie.
En droit canadien, les demandeurs d’asile peuvent éviter un renvoi vers les États-Unis si les droits que leur garantit l’article 7 de la Charte sont en danger.
Rédigeant les motifs unanimes de la Cour, le juge Kasirer a déclaré que le Règlement désignant les États-Unis comme tiers pays sûr pour l’application de l’Entente ne viole pas l’article 7 de la Charte. Il a exprimé son accord avec certaines conclusions de la juge de la Cour fédérale concernant le traitement des demandeurs d’asile aux États-Unis, soit le risque de détention lors du retour aux États‑Unis et certains aspects des conditions de détention. Il a aussi tenu pour acquis qu’un risque de refoulement découlait de certaines politiques des États-Unis. Par conséquent, il a conclu que la désignation des États-Unis comme pays tiers sûr met en jeu les droits à la liberté et à la sécurité de la personne dont il est question à l’article 7 de la Charte.
Toutefois, le régime législatif pouvait être maintenu, puisqu’il prévoyait des façons dont le Canada pouvait examiner les demandes de statut de réfugié dans les cas où l’irrecevabilité de celles-ci en vertu du régime législatif causerait des atteintes à la liberté ou à la sécurité de la personne. Ces « soupapes de sécurité » législatives comprennent notamment des exemptions discrétionnaires fondées sur des motifs d’ordre humanitaire ou d’intérêt public. Elles assurent le respect des principes de justice fondamentale. Comme l’a écrit le juge Kasirer, « [l]orsque les soupapes de sécurité de la [Loi] s’appliquent, les demandeurs d’asile peuvent être à l’abri d’un renvoi ». Il a ajouté qu’il est possible qu’en pratique, les décideurs administratifs n’interprètent ou n’utilisent pas toujours ces « soupapes de sécurité » législatives de façon appropriée. Dans ces cas, la loi demeure valide, mais une réparation administrative ou fondée sur la Charte peut être obtenue sur une base individuelle. Ce n’est toutefois pas ce qui a été demandé ici à la Cour.
En conséquence, le juge Kasirer a rejeté l’appel de la demande basée sur l’article 7, et il a renvoyé le recours des appelants fondé sur l’article 15 à la Cour fédérale afin qu’elle se prononce sur celui-ci, compte tenu de l’absence de conclusion factuelle sur laquelle la Cour suprême ne puisse s’appuyer, de la complexité du dossier et des éléments de preuve contestés, ainsi que de la gravité de l’affaire.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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