La cause en bref
R. c. Breault
- La décision
- Date : le 13 avril 2023
- Référence neutre : 2023 CSC 9
- Décompte de la décision :
- Unanimité : La juge Côté a rejeté l’appel et a maintenu l’acquittement ordonné par la Cour d’appel du Québec (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Karakatsanis, Rowe, Martin, Kasirer, Jamal et O’Bonsawin)
- En appel de la Cour d’appel du Québec
- Renseignements sur le dossier (39680)
- Diffusion Web de l'audience
- Décisions des tribunaux inférieurs :
- Explorez la Cour
La Cour suprême du Canada décide que les policiers doivent avoir un appareil de détection approuvé à leur disposition lorsqu’ils ordonnent à quelqu’un de fournir un échantillon d’haleine.
Le 2 avril 2017 en début d’après-midi à Val-Bélair près de Québec, des policiers recherchaient un individu qui, selon l’information reçue de patrouilleurs de sentiers, conduisait un véhicule tout-terrain (VTT) en état d’ébriété. Ils ont arrêté M. Pascal Breault, alors qu’il s’éloignait à pied d’un VTT stationné à un site de camping. Les policiers voulaient que M. Breault fournisse un échantillon d’haleine, mais ils n’avaient pas en leur possession un appareil de détection approuvé (ADA) à cette fin. Ils ont demandé, sur les ondes radio, à des policiers qui étaient à proximité de leur apporter un tel appareil.
Pendant qu’ils attendaient l’appareil, les policiers ont ordonné à M. Breault de fournir un échantillon d’haleine. Monsieur Breault a refusé de fournir l’échantillon requis à trois reprises, et ce, même après avoir été informé que le refus d’obtempérer à l’ordre formulé sans excuse raisonnable constituait une infraction criminelle. Confrontés aux refus répétés de M. Breault qui affirmait ne pas avoir conduit le VTT et au fait que l’appareil n’avait toujours pas été livré sur les lieux, les policiers ont fini par annuler leur demande. Monsieur Breault a par la suite été accusé d’avoir refusé de se conformer à l’ordre donné par un policier de fournir un échantillon d’haleine.
Selon l’alinéa 254(2)b) du Code criminel (aujourd’hui l’al. 320.27(1)(b)), un policier peut demander à quelqu’un de « fournir immédiatement » un échantillon d’haleine s’il soupçonne que cette personne a conduit en état d’ébriété au cours des trois heures précédentes. L’échantillon doit être fourni à l’aide d’un ADA. Lorsqu’une personne souffle dans l’appareil, les policiers sont en mesure de déterminer, à la lecture du résultat, s’il y a suffisamment d’alcool dans l’organisme de cette personne pour justifier que celle-ci soit soumise à un alcootest exhaustif. Toute personne qui refuse de se soumettre à un tel test, sans excuse raisonnable, commet une infraction criminelle.
Une cour municipale au Québec a déclaré M. Breault coupable d’avoir refusé l’ordre de fournir un échantillon d’haleine et la Cour supérieure du Québec a rejeté l’appel formé par ce dernier. Il s’est ensuite adressé à la Cour d’appel du Québec, qui a accueilli son appel et l’a acquitté. La Couronne a porté cette décision en appel devant la Cour suprême du Canada.
La Cour suprême a rejeté l’appel.
L’ordre des policiers de fournir un échantillon d’haleine était invalide puisqu’ils n’avaient pas accès à un ADA à l’instant même où ils l’ont formulé.
Rédigeant la décision unanime de la Cour, la juge Suzanne Côté a statué que la validité de l’ordre de fournir un échantillon d’haleine requiert que les policiers aient accès à un ADA à l’instant même où l’ordre est formulé. Selon la juge Côté, le mot « immédiatement » à l’alinéa 254(2)b) devait, en règle générale, recevoir une interprétation stricte et fidèle à son sens ordinaire, soit « à l’instant même, tout de suite ». À cette étape de la procédure de détection, le conducteur détenu n’a pas droit à l’assistance d’un avocat tel que garanti par l’alinéa 10b) de la Charte canadienne des droits et libertés puisqu’il doit fournir immédiatement un échantillon d’haleine. La restriction de ce droit est justifiée en raison de la très courte durée de la détention. Il est donc essentiel à la validité constitutionnelle de cet alinéa que l’interprétation donnée au mot « immédiatement » soit conforme à son sens ordinaire. En effet, tel qu’elle l’a souligné, « [p]lus le mot « immédiatement » est interprété avec souplesse, moins la justification reconnue à la restriction du droit à l’assistance d’un avocat tient la route ».
La juge Côté a précisé qu’exceptionnellement, des circonstances inhabituelles peuvent justifier une interprétation souple du mot « immédiatement », si elles sont attribuables à l’utilisation de l’appareil ou à la fiabilité du résultat. Toutefois, les circonstances inhabituelles ne peuvent être le résultat de considérations budgétaires ou d’efficacité pratique, telles que l’approvisionnement des forces policières en ADA ou le temps requis pour former des agents à leur utilisation. L’absence d’appareil sur les lieux au moment de l’ordre ne constitue pas en soi une circonstance inhabituelle.
Le ministère public n’a pas démontré l’existence de circonstances inhabituelles justifiant l’absence d’ADA sur place, et, par conséquent, l’application d’une interprétation souple de l’exigence d’immédiateté. La juge Côté a donc déclaré l’ordre formulé par les policiers invalide. Pour ces motifs, le refus de M. Breault de fournir un échantillon d’haleine n’a pas constitué une infraction criminelle.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
Explorez la Cour: Les juges de la Cour | Le rôle de la Cour | Visitez la Cour
- Date de modification :