La cause en bref
R. c. Ramelson
- La décision
- Date : le 24 novembre 2022
- Référence neutre : 2022 CSC 44
- Décompte de la décision :
- En appel de la Cour d’appel de l'Ontario
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La Cour suprême juge qu’une enquête policière en ligne ciblant des individus cherchant à avoir des activités sexuelles avec des enfants ne constituait pas de la provocation policière.
Le « Projet Raphael » est une enquête en ligne qu’a menée la Police régionale de York, en Ontario, entre 2014 et 2017. Cette enquête ciblait les individus qui désiraient, moyennant paiement, avoir des activités sexuelles avec des jeunes filles et des jeunes garçons. Dans le cadre de l’enquête, la police a publié de fausses annonces dans la sous‑section escortes d’un site Web appelé Backpage.com. Les personnes qui répondaient à ces annonces avaient ensuite des conversations par messages textes avec une prétendue travailleuse du sexe de 18 ans, qui était en réalité un policier. Une fois que le client potentiel et la prétendue travailleuse du sexe avaient convenu d’une transaction à caractère sexuel, cette dernière révélait alors qu’elle était trop jeune pour le travail du sexe. Les clients qui ont accepté d’aller de l’avant avec la transaction et qui se sont présentés à la chambre d’hôtel désignée ont été arrêtés. Le Projet Raphael a conduit à l’arrestation de 104 hommes, dont Corey Ramelson.
Monsieur Ramelson a été accusé de trois infractions : (1) avoir communiqué par un moyen de télécommunication avec une personne qu’il croyait être âgée de moins de 16 ans, en vue de l’inciter à des contacts sexuels; (2) avoir communiqué en vue d’obtenir, moyennant rétribution, les services sexuels d’une personne âgée de moins de 18 ans; et (3) avoir fait un arrangement, par un moyen de télécommunication, en vue de perpétrer des infractions d’ordre sexuel à l’égard d’une personne qu’il croyait être âgée de moins de 16 ans.
À son procès, M. Ramelson a été déclaré coupable des trois infractions qui lui étaient reprochées, mais il a demandé l’arrêt des procédures intentées contre lui, alléguant qu’il avait fait l’objet de provocation policière. Monsieur Ramelson a plaidé que les policiers lui avaient offert l’occasion de commettre un crime. Pour qu’une opération policière ne soit pas considérée comme étant de la provocation policière, elle doit constituer une « véritable enquête ». Dans la présente affaire, cela signifiait que la police devait avoir des soupçons raisonnables qu’un crime était commis dans la sous‑section escortes du site Web Backpage.com.
La Cour supérieure de justice de l’Ontario a d’abord rejeté, en novembre 2019, la demande de M. Ramelson fondée sur la provocation policière. Cependant, à la suite du jugement R. c. Ahmad rendu en mai 2020 par la Cour suprême du Canada, la Cour supérieure a invité les parties à présenter des observations additionnelles et elle a en définitive révisé sa décision et conclu que M. Ramelson avait fait l’objet de provocation policière. Dans l’affaire Ahmad, la Cour suprême s’était penchée sur ce qui pouvait constituer une véritable enquête dans des espaces virtuels. À la lumière de ce jugement, la Cour supérieure de l’Ontario a conclu que le Projet Raphael ne constituait pas une véritable enquête, parce que le site Web d’annonces classées en question était un espace trop vaste pour fonder des soupçons raisonnables. La Couronne a fait appel de cette décision à la Cour d’appel de l’Ontario, qui a accueilli l’appel. Monsieur Ramelson a ensuite interjeté appel à la Cour suprême du Canada.
La Cour suprême a rejeté l’appel.
La Cour suprême a entendu cet appel avec ceux dans les affaires R. c. Jaffer, R. c. Haniffa et R. c. Dare, dans lesquelles jugement est rendu en même temps. Ces affaires mettaient également en cause des personnes prétendant avoir fait l’objet de provocation policière dans le cours du Projet Raphael, et leurs appels ont également été rejetés.
Monsieur Ramelson n’a pas fait l’objet de provocation policière.
Rédigeant la décision unanime de la Cour suprême, la juge Andromache Karakatsanis a déclaré que le Projet Raphael constituait une véritable enquête, puisque « les policiers possédaient des soupçons raisonnables à l’égard d’un lieu défini avec suffisamment de précision ». L’espace était le type particulier d’annonces figurant dans la sous‑section escortes de Backpage.com pour la région de York qui soulignaient la jeunesse des travailleuses du sexe. La juge Karakatsanis a également conclu que les infractions que les policiers avaient donné l’occasion de commettre « étaient rationnellement liées et proportionnelles » aux infractions dont ils soupçonnaient la perpétration dans cet espace.
Pour déterminer si une enquête menée dans un vaste espace virtuel tel Internet est définie avec précision, les tribunaux doivent examiner les fonctions de l’espace en question, son interactivité ainsi que les sous‑espaces intégrés à l’espace virtuel plus vaste.
La juge Karakatsanis a indiqué que la doctrine de la provocation policière vise à mettre en balance des intérêts divergents : d’une part, la primauté du droit et la nécessité de protéger le droit d’un individu à la vie privée et à la liberté personnelle de la portée excessive de l’État, et d’autre part, l’intérêt légitime de l’État à faire enquête sur les crimes et à intenter des poursuites contre leurs auteurs. Le fait d’exiger que les enquêtes policières satisfassent au critère relatif à la véritable enquête aide à assurer cet équilibre.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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