La cause en bref
Canada (Bureau de la sécurité des transports) c. Carroll-Byrne
- La décision
- Date : le 25 novembre 2022
- Référence neutre : 2022 CSC 48
- Décompte de la décision :
- Majorité : Le juge Kasirer a rejeté l’appel (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Moldaver, Karakatsanis, Rowe, Martin et Jamal)
- Dissidence : La juge Côté aurait accueilli l’appel, concluant que la décision du juge contenait des erreurs de droit et que le Bureau aurait dû être autorisé à présenter des arguments à huis clos (avec l’accord du juge Brown)
- En appel de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse
- Renseignements sur le dossier (39661)
- Diffusion Web de l'audience
- Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :
- Explorez la Cour
La Cour suprême juge qu’un enregistrement des conversations dans un poste de pilotage peut être communiqué dans le cadre d’un recours collectif portant sur un accident d’avion.
En mars 2015, un avion d’Air Canada en provenance de Toronto a eu un accident lors d’un atterrissage dans le vent et la neige à l’aéroport international Stanfield d’Halifax. Il y avait 133 passagers et 5 membres d’équipage à bord de l’appareil. Plusieurs personnes ont été blessées, dont 25 qui ont été transportées dans des hôpitaux locaux. À la suite de l’accident, certains passagers ont intenté un recours collectif en Cour suprême de la Nouvelle-Écosse, alléguant avoir subi un préjudice en raison de la négligence du transporteur aérien, de ses pilotes, du fabricant de l’aéronef, de l’aéroport et d’autres défendeurs.
Dans le cadre d’une démarche sans lien avec le recours collectif, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (Bureau) a enquêté sur l’accident. Le Bureau est un organisme gouvernemental fédéral qui a pour mandat d’améliorer la sécurité de l’aviation. Au terme de son enquête, le Bureau a publié un rapport, mais il n’a pas attribué la responsabilité de l’accident à qui que ce soit, car cela n’est pas son rôle. Le Bureau n’est pas partie au recours collectif.
Dans le cadre de sa défense, le fabricant de l’aéronef a déposé une requête interlocutoire dans laquelle il demandait au tribunal d’ordonner la production de l’enregistrement des conversations dans le poste de pilotage. Cet enregistrement contient les communications entre les membres de l’équipage et fait partie de ce qu’on appelle la « boîte noire » de l’aéronef. Le fabricant de l’aéronef a soutenu que l’accès au contenu de l’enregistrement était nécessaire pour assurer la tenue d’un procès équitable et pour déterminer ce qui a causé l’accident. Le Bureau détenait la seule copie de l’enregistrement et il s’est opposé à sa production. Le transporteur aérien et ses pilotes ont fait de même, voulant protéger la vie privée des pilotes.
Le Bureau a plaidé que l’enregistrement bénéficiait d’une « protection prévue par la loi », c’est-à-dire qu’une règle particulière d’une loi empêchait la communication de cet enregistrement. Dans la présente affaire, l’article 28 de la Loi sur le Bureau canadien d’enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports (Loi) indique que personne ne peut être contraint de produire l’enregistrement de bord ou de témoigner à son sujet dans des procédures judiciaires, à moins d’être autorisé à le faire par un tribunal ou un coroner. Le paragraphe 28(6) précise également que le juge ou le coroner doit examiner l’enregistrement de bord « à huis clos », ce qui veut dire en l’absence de membres du public, et donner au Bureau la possibilité de présenter des observations concernant l’enregistrement. La protection accordée à l’enregistrement de bord sert deux objectifs : protéger la vie privée des pilotes et promouvoir la sécurité aérienne.
Le juge qui a entendu la requête a écouté l’enregistrement à huis clos et décidé qu’il s’agissait d’un élément de preuve fiable, pertinent et nécessaire pour régler le recours collectif. Selon lui, l’importance de l’enregistrement pour l’administration de la justice l’emportait sur l’importance de la protection prévue par la loi. Le juge a refusé la demande du Bureau de présenter des observations ou arguments au sujet de l’enregistrement, concluant qu’il n’en avait pas besoin pour comprendre ce qui était en jeu. Le Bureau a fait appel de cette décision à la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse, qui a rejeté son appel. Le Bureau a alors interjeté appel devant la Cour suprême du Canada.
La Cour suprême a rejeté l’appel.
Le juge n’a pas commis d’erreur en ordonnant la communication de l’enregistrement et celui-ci peut donc être produit.
S’exprimant pour les juges majoritaires, le juge Nicholas Kasirer a dit que le juge saisi de la requête n’avait commis aucune erreur révisable en décidant d’ordonner la communication de l’enregistrement. Par conséquent, la décision de produire l’enregistrement est confirmée.
Les juges majoritaires ont indiqué que le juge ou le coroner à qui est adressée une demande de divulgation a le pouvoir d’ordonner ou non la divulgation en fonction du critère énoncé dans la Loi. Ce critère consiste à déterminer si l’intérêt public dans la bonne administration de la justice l’emporte sur l’importance de la protection accordée à l’enregistrement de bord.
« Lors de cette mise en balance, le décideur doit soupeser deux intérêts publics concurrents : d’un côté, la pertinence, la valeur probante et la nécessité de l’enregistrement de bord pour le règlement équitable du différend et, de l’autre, les effets de la divulgation sur la vie privée des pilotes et la sécurité aérienne », a écrit le juge Kasirer.
Après avoir soupesé les facteurs pertinents, les juges majoritaires ont conclu que le juge avait rendu une décision reposant sur les faits et de nature discrétionnaire. Vu l’absence d’erreur de droit, d’erreur de fait manifeste et déterminante, ou de preuve que le juge a abusé de son pouvoir discrétionnaire, sa décision doit être confirmée.
Les juges majoritaires ont également rejeté les prétentions du Bureau au sujet de son droit de présenter des arguments à huis clos sans que les autres parties ne soient présentes. Ils ont souligné que le juge avait le pouvoir discrétionnaire d’entendre ou non de tels arguments. Bien que l’expression « à huis clos » signifie nécessairement « en l’absence du public », le juge avait le pouvoir discrétionnaire de permettre aux autres parties d’être présentes ou non.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
Explorez la Cour: Les juges de la Cour | Le rôle de la Cour | Visitez la Cour
- Date de modification :