La cause en bref

Annapolis Group Inc. c. Municipalité régionale d'Halifax

La Cour suprême juge qu’un promoteur immobilier privé d’Halifax peut poursuivre la municipalité régionale parce qu’elle projette d’exproprier ses terrains.

Une entreprise, connue sous le nom Annapolis Group, a commencé à acheter des terrains dans la région d’Halifax au cours des années 1950. Au fil du temps, l’entreprise a fait l’acquisition de 965 acres de terrain, qu’elle prévoyait aménager et vendre. En 2006, Halifax a adopté une stratégie régionale de planification municipale de 25 ans en vue de l’aménagement de son territoire. Les terrains d’Annapolis étaient visés par cette stratégie.

La stratégie de planification indique que certains de ces terrains sont susceptibles d’être zonés parc public, les autres étant désignés comme susceptibles d’« aménagement avec services », par exemple pour devenir des quartiers résidentiels. Pour qu’un aménagement avec services puisse avoir lieu, Halifax doit adopter une résolution autorisant un « processus de planification secondaire » et modifier le règlement applicable sur l’aménagement du territoire.

À partir de 2007, Annapolis a tenté à plusieurs reprises d’aménager les terrains, mais sans succès. En 2016, Halifax a finalement adopté une résolution par laquelle elle refusait d’entreprendre le processus de planification secondaire.

Annapolis a répliqué en déposant une poursuite contre Halifax devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. Elle soutenait notamment qu’Halifax avait essentiellement exproprié des terrains privés pour en faire un parc public, ce qui équivalait à une « appropriation par interprétation ». En 2019, Halifax a demandé à la cour de rendre un jugement sommaire rejetant la demande relative à l’appropriation par interprétation. Un jugement sommaire est une procédure qui permet à une partie à une poursuite de demander au tribunal de trancher une question sans qu’il y ait un procès complet.

En réponse, Annapolis a prétendu que sa demande relative à l’appropriation par interprétation soulevait des questions qui exigeaient la tenue d’un procès. Le juge lui a donné raison, mais Halifax a fait appel de cette décision à la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse. Sur la base de la décision rendue en 2006 par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Chemin de fer Canada Pacifique c. Vancouver (Ville), la Cour d’appel a conclu qu’Annapolis n’avait aucune chance raisonnable de succès. Annapolis a ensuite interjeté appel à la Cour suprême du Canada.

La Cour suprême a déclaré que la demande d’Annapolis relative à l’appropriation par interprétation pouvait donner lieu à un procès.

La demande soulève des questions de fait contestées qui doivent être décidées lors d’un procès.

S’exprimant pour les juges majoritaires de la Cour suprême, les juges Suzanne Côté et Russell Brown ont conclu que la demande d’Annapolis relative à l’appropriation par interprétation soulève des questions de fait contestées qui doivent être décidées lors d’un procès, selon le test relatif à l’appropriation par interprétation énoncé dans l’arrêt Chemin de fer Canada Pacifique.

Le test visant à établir s’il y a eu appropriation par interprétation comporte deux volets. Premièrement, il doit être démontré que le gouvernement a acquis un intérêt bénéficiaire dans la propriété ou un droit découlant de celle-ci. Un intérêt bénéficiaire est un avantage, par exemple le fait d’utiliser une propriété privée en tant que ressource publique. Deuxièmement, il doit être établi que les mesures de réglementation proposées supprimeraient toutes les utilisations raisonnables de la propriété privée.

La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse a considéré que le premier volet du test exigeait qu’Annapolis démontre qu’Halifax avait réellement pris possession des terrains. Toutefois, les juges Côté et Brown ont écrit que « le propriétaire foncier n’a pas à établir l’existence d’une acquisition réelle par l’État ». Les juges majoritaires ont déclaré que la Cour d’appel avait en outre eu tort de conclure que l’intention d’Halifax n’était pas pertinente pour l’application du second volet du test.

Les juges majoritaires de la Cour suprême ont souligné qu’Annapolis « peut présenter une preuve au procès pour démontrer qu’en considérant les terrains d’Annapolis comme un parc public, Halifax a acquis un intérêt bénéficiaire dans ceux‑ci et que, comme il est peu probable qu’Halifax lève un jour les restrictions de zonage qui limitent l’aménagement des terrains d’Annapolis, cette dernière a perdu toutes les utilisations raisonnables de sa propriété ». Annapolis peut également présenter une preuve de l’intention d’Halifax de ne pas le faire, a dit la majorité.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.