La cause en bref

Colombie-Britannique (Procureur général) c. Conseil des Canadiens avec déficiences

La Cour suprême juge que le Conseil des Canadiens avec déficiences peut contester les lois de la Colombie-Britannique en matière de santé mentale.

Dans cette affaire, la Cour suprême était appelée à décider si le Conseil des Canadiens avec déficiences (Conseil) a la qualité pour agir dans l’intérêt public dans une action en justice. La reconnaissance de la qualité pour agir dans l’intérêt public permet à des personnes ou à des organisations de soumettre aux tribunaux des questions juridiques qui sont d’intérêt public, même si ces personnes ou organisations ne sont pas elles-mêmes directement touchées. Le plus souvent, il s’agit d’affaires qui portent sur la Charte canadienne des droits et libertés et qui soulèvent des questions susceptibles d’avoir un effet considérable sur la société dans son ensemble. Le Conseil est une organisation sans but lucratif qui défend les droits des personnes ayant une déficience au Canada.

En 2016, le Conseil et deux personnes ont contesté la constitutionnalité de la législationde la Colombie-Britannique en matière de santé mentale. Des dispositions de ces lois permettent aux médecins d’administrer un traitement psychiatrique à des patients ayant une déficience mentale sans leur consentement ou sans le consentement d’une personne agissant en leur nom. Le Conseil et les deux personnes ayant reçu un traitement sans y avoir consenti estiment que ces dispositions violent l’article 7 et le paragraphe 15(1) de la Charte. L’article 7 garantit à chacun le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, tandis que le paragraphe 15(1) précise que chaque personne a le droit d’être traitée de manière égale, sans faire l’objet de discrimination, notamment de discrimination fondée sur une déficience mentale ou physique.

En 2017, les deux personnes en question se sont désistées de l’action en justice, laissant ainsi le Conseil continuer seul l’action. Ce dernier a demandé à la Cour suprême de la Colombie-Britannique de lui reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public. La Cour suprême du Canada a, dans une affaire antérieure, établi une analyse applicable pour déterminer si une personne ou organisation peut se voir reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public. Suivant cette analyse, trois conditions sont requises : (1) l’affaire doit soulever une question sérieuse que le tribunal peut trancher; (2) la partie qui soulève la question doit avoir un intérêt véritable relativement à la question; (3) l’action en justice doit constituer une manière raisonnable et efficace de soumettre la question au tribunal.

En l’espèce, le juge du procès a estimé que le Conseil ne satisfaisait pas aux conditions requises, parce que les deux personnes concernées n’étaient plus parties à l’action en justice et que celle-ci ne disposerait plus du contexte factuel basé sur l’expérience vécue par ces personnes. Le Conseil a interjeté appel à la Cour d’appel de la Colombie-Britannique, qui a statué que le juge avait commis une erreur en concluant à l’absence de contexte factuel.

La Cour suprême du Canada a jugé que le Conseil possède la qualité pour agir dans l’intérêt public et qu’il peut continuer l’action en justice.

Le Conseil satisfait aux conditions requises pour se voir reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public.

Rédigeant la décision unanime de la Cour suprême, le juge en chef Richard Wagner a affirmé que le Conseil satisfait aux trois conditions requises pour se voir reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public. Premièrement, le Conseil soulève une question importante, soit les droits garantis par la Charte des personnes ayant une déficience mentale. Deuxièmement, il a un intérêt véritable en ce qui concerne les défis que doivent surmonter les personnes ayant une déficience mentale. Troisièmement, l’action qu’il a intentée est une manière raisonnable et efficace de soumettre la question au tribunal. Le juge en chef a précisé que la décision de reconnaître ou non la qualité pour agir dans l’intérêt public relève du pouvoir discrétionnaire des tribunaux. Chaque facteur de l’analyse à trois volets doit être dûment examiné et aucun facteur n’a priorité sur les autres.   

Le juge en chef a indiqué que la présente affaire ne porte pas sur des faits relatifs à des personnes en particulier et qu’il était possible au Conseil d’établir un contexte factuel suffisant au procès. « Exiger rigoureusement la présence d’un codemandeur directement touché ferait obstacle à l’accès à la justice », a écrit le juge en chef. Le Conseil soulève d’importantes questions susceptibles de toucher un grand nombre de personnes ayant une déficience mentale. Le fait de reconnaître la qualité pour agir dans l’intérêt public en l’espèce « favorisera l’accès à la justice aux membres d’un groupe désavantagé qui, historiquement, a fait face à d’importants obstacles pour soumettre un tel litige aux tribunaux », a déclaré le juge en chef. 

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.