La cause en bref

La Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Entertainment Software Association

La Cour suprême juge que la Loi sur le droit d’auteur oblige les utilisateurs à payer une seule redevance pour la diffusion en continu d’œuvres en ligne.

Le droit d’auteur protège les œuvres originales écrites, musicales ou artistiques. En vertu de la Loi sur le droit d’auteur du Canada, la personne qui crée une œuvre est titulaire du « droit d’auteur » et a le droit exclusif de reproduire ou d’exécuter cette œuvre. Si une autre personne veut reproduire ou exécuter l’œuvre, elle doit demander la permission au titulaire du droit d’auteur, qui lui demande habituellement de payer des frais, que l’on appelle une redevance.

Le titulaire du droit d’auteur est aussi la seule personne qui a le droit de communiquer l’œuvre au public par télécommunication, comme faire jouer une chanson à la radio. En 2012, une nouvelle disposition a été ajoutée à la Loi sur le droit d’auteur afin de préciser que ce droit comprend « la mise à la disposition de l’œuvre » en ligne en effectuant le téléversement de celle-ci sur Internet. Par exemple, le téléchargement d’une chanson crée une nouvelle copie de la musique, de sorte qu’une redevance de reproduction doit être payée. De même, la diffusion en continu d’un vidéoclip de la chanson est une nouvelle exécution de la musique, de sorte qu’une redevance d’exécution doit être payée.

La Commission du droit d’auteur du Canada est un organisme administratif fédéral dont le mandat inclut l’approbation du montant des redevances à payer pour certains services en ligne. Elle a reçu les observations de différents groupes quant à l’interprétation de la nouvelle disposition de la Loi sur le droit d’auteur, dont la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (« SOCAN »). La SOCAN est une organisation qui perçoit des redevances et les remet aux créateurs et éditeurs de musique et aux artistes du domaine des arts visuels. La SOCAN a soutenu que « la mise à la disposition d’œuvres » en ligne donne lieu au paiement d’une redevance distincte de celles pour le téléchargement ou la diffusion en continu de ces mêmes œuvres plus tard. Cela voudrait dire que, par exemple, les entités qui fournissent des services de musique en ligne devraient payer une redevance lorsqu’elles mettent une chanson sur Internet de manière à ce que les utilisateurs individuels puissent y accéder en ligne. Une autre redevance serait payée lorsqu’une chanson est téléchargée ou diffusée en continu. La Commission du droit d’auteur a donné raison à la SOCAN.

La Cour d’appel fédérale a annulé la décision de la Commission du droit d’auteur. Elle a dit que la nouvelle disposition de la Loi sur le droit d’auteur ne crée pas une nouvelle redevance distincte pour le téléversement d’une œuvre, en plus de la redevance qui doit être payée lorsque les utilisateurs en téléchargent ou en diffusent le contenu en continu. La SOCAN a interjeté appel de la décision de la Cour d’appel.

La Cour suprême a rejeté l’appel de la SOCAN.

La décision de la Commission du droit d’auteur était erronée.

Rédigeant les motifs de jugement des juges majoritaires de la Cour suprême, le juge Malcolm Rowe a conclu que l’interprétation que la Commission du droit d’auteur a donnée à la nouvelle disposition de la Loi sur le droit d’auteur était incompatible avec le texte et l’objet de la loi et son application, et qu’elle allait à l’encontre de décisions antérieures de la Cour suprême portant sur le droit d’auteur. « La Loi sur le droit d’auteur n’existe pas exclusivement au profit des auteurs », a-t-il écrit, rejetant ainsi l’interprétation de la Commission et de la SOCAN.

L’interprétation de la Commission du droit d’auteur obligerait également les utilisateurs à payer des frais additionnels lorsqu’ils accèdent aux œuvres sur Internet au lieu d’utiliser d’autres moyens, comme l’écoute à la radio. Le juge Rowe a affirmé que cela viole le principe de la neutralité technologique, selon lequel la loi traite les œuvres en ligne de la même façon qu’elle traite les œuvres hors ligne. « Ce qui compte, c’est ceque reçoit l’utilisateur, et non la manière dont il le reçoit », a-t-il écrit.

Pour ce qui est de la diffusion en continu, la Cour suprême a statué que la nouvelle disposition de la Loi sur le droit d’auteur précise simplement qu’une œuvre est « communiquée » lorsqu’elle est mise à la disposition du public ou téléversée en ligne. Cela donne déjà lieu au paiement d’une redevance. Lorsque des utilisateurs individuels diffusent ensuite la même œuvre en continu, le paiement d’une redevance additionnelle n’est pas exigé. La diffusion en continu s’inscrit dans « un acte d’exécution continu » qui commence lorsque l’œuvre est mise à la disposition du public en ligne. C’est ce qui fait en sorte que la diffusion en continu d’une œuvre qui a déjà été téléversée en ligne n’exige que le paiement d’une seule redevance, et non deux.

Le téléchargement d’une œuvre est différent. Il repose sur un droit distinct, soit le droit de reproduire l’œuvre, et non celui de communiquer l’œuvre au public par télécommunication.

Cette interprétation de la nouvelle disposition de la Loi sur le droit d’auteur fait en sorte que le Canada respecte ses obligations découlant d’un traité international sur les droits d’auteur.

Le critère pour déterminer la façon dont un tribunal doit s’y prendre pour réviser les décisions administratives sur des questions de droit, comme la décision de la Commission du droit d’auteur en l’espèce, a été établi dans une affaire antérieure de la Cour suprême : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov. L’arrêt Vavilov a établi des catégories de questions de droit qui devraient être examinées selon la norme de la décision « correcte ». Une décision « correcte » signifie que la décision administrative sur la question donnée doit être la seule bonne réponse à la lumière du droit et des faits. Toutefois, la question de droit soulevée par la décision de la Commission du droit d’auteur dans la présente affaire ne tombait pas dans l’une des catégories de questions devant être examinées selon la norme de la décision « correcte ». Cependant, dans l’arrêt Vavilov, on précise que de nouvelles catégories peuvent être créées dans de rares circonstances. En l’espèce, la Cour suprême a créé une nouvelle catégorie à laquelle s’applique la norme de la décision « correcte » et a conclu que la décision de la Commission du droit d’auteur dans la présente affaire était erronée.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.