La cause en bref

Anderson c. Alberta

Une Première Nation de l’Alberta pourrait avoir droit de se faire verser à l’avance des fonds pour couvrir ses frais juridiques même si elle dispose de fonds lui appartenant, juge la Cour suprême.  

La question qui se pose dans cette affaire consiste à décider si la Première Nation de l’Alberta concernée a droit à une « provision pour frais ». Lorsqu’une telle mesure est accordée, le gouvernement verse à l’avance à une partie des fonds pour couvrir ses frais juridiques afin de permettre que l’affaire suive son cours quand il s’agit d’une question d’intérêt public.  

La présente affaire concerne la Beaver Lake Cree Nation (Beaver Lake), une Première Nation du nord-est de l’Alberta, dont les membres sont bénéficiaires du Traité no 6, en vertu duquel ils ont le droit de chasser et de pêcher sur leur territoire traditionnel. Il y a plus d’une décennie, Beaver Lake a intenté des poursuites en dommages-intérêts contre le gouvernement du Canada et celui de l’Alberta en raison d’activités de développement industriel réalisées sur ce territoire, notamment des puits de pétrole et de gaz. Depuis, il y a eu de nombreuses procédures préliminaires devant les tribunaux, et le procès n’a pas encore eu lieu. Beaver Lake a néanmoins déjà dépensé 3 millions de dollars en frais juridiques, et elle affirme ne pas avoir les moyens d’en dépenser davantage. Elle a donc demandé à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta de lui accorder une provision pour frais.  

La Cour du Banc de la Reine a accueilli la demande et ordonné au Canada et à l’Alberta de contribuer chacun 300 000 $ par année au paiement des frais juridiques de Beaver Lake jusqu’à la fin du procès. Beaver Lake contribuerait pour sa part une somme identique chaque année. La Cour d’appel a annulé cette ordonnance pour le motif que Beaver Lake n’avait pas prouvé qu’elle n’avait pas les moyens de payer les frais requis pour continuer le litige. Beaver Lake a ensuite fait appel de cette décision à la Cour suprême du Canada.

La Cour suprême a jugé que Beaver Lake pourrait avoir droit à une provision pour frais si elle n’est pas en mesure de payer ses frais juridiques.

Une Première Nation pourrait avoir droit à une provision pour frais, bien qu’elle dispose de fonds lui appartenant, si elle est malgré tout incapable de payer ses frais juridiques.  

Rédigeant la décision unanime de la Cour, les juges Karakatsanis et Brown ont expliqué qu’une provision pour frais est rarement accordée. Cependant, une partie qui dispose de fonds lui appartenant pourrait malgré tout avoir droit à une telle provision si elle satisfait à la condition d’« impécuniosité ». L’impécuniosité d’une partie signifie que celle-ci n’a pas suffisamment d’argent pour payer ses frais juridiques. C’est l’une des trois conditions d’octroi d’une provision pour frais que la Cour suprême en 2003 a énoncées dans l’arrêt Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) c. Bande indienne Okanagan. Les deux autres conditions ne sont pas contestées dans cette affaire.  

La Cour suprême a indiqué qu’il n’est pas facile de satisfaire à la condition d’impécuniosité. La partie qui demande une provision pour frais doit démontrer qu’elle n’a pas les moyens de payer ses frais juridiques compte tenu des autres besoins pressants auxquels elle doit subvenir, et que pour cette raison l’affaire ne pourrait se poursuivre. L’analyse du tribunal doit être basée sur la preuve. Le tribunal doit être en mesure : (1) de cerner les besoins pressants de la partie; (2) de déterminer quelles ressources sont nécessaires pour subvenir aux besoins en question; (3) d’évaluer les ressources financières de la partie; et (4) d’établir les frais estimatifs occasionnés par le litige. La Cour suprême a affirmé que, dans des cas comme celui-ci, les besoins pressants doivent être considérés dans un esprit de réconciliation et du point de vue de la Première Nation concernée, parce que cette dernière a ses propres priorités en matière de dépenses.

L’affaire a été renvoyée à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta pour nouvelle audition. 

Les juges de la Cour suprême ont conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de preuve au dossier devant la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta pour permettre de trancher la demande de provision pour frais présentée par Beaver Lake. Par conséquent, les juges ont décidé de renvoyer l’affaire à cette cour pour qu’elle soit entendue à nouveau. Cela permettra à la Cour du Banc de la Reine d’examiner toute la preuve pertinente, y compris la situation financière actuelle de Beaver Lake.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.