La cause en bref

R. c. Sullivan

La Cour suprême confirme les acquittements d’un homme et la tenue d’un nouveau procès ordonné par la Cour d'appel à l’égard d’un autre homme dans des affaires mettant en cause l’automatisme.

Les présentes affaires portent sur la commission d’actes violents par deux Ontariens, David Sullivan et Thomas Chan, alors qu’ils étaient extrêmement intoxiqués après avoir volontairement consommé des drogues. Les faits ne sont pas liés, mais les deux hommes ont plaidé qu’ils se sont trouvés dans un état d’« automatisme » en raison de la consommation de drogues. Il y a automatisme lorsqu’une personne soutient qu’elle était intoxiquée ou que ses facultés étaient affaiblies à un point tel qu’elle a complètement perdu la maîtrise de ses actes.

M. Sullivan a consommé une surdose de médicaments sur ordonnance, a sombré dans un état de conscience diminuée et a attaqué sa mère avec un couteau, la blessant gravement. Il a été accusé de plusieurs infractions, notamment de voies de fait graves et d’agression armée.

M. Chan a consommé des « champignons magiques » contenant une drogue appelée psilocybine. Il a sombré dans un état de conscience diminuée, a attaqué son père avec un couteau et l’a tué, et a gravement blessé la conjointe de son père. M. Chan a subi un procès pour des accusations d’homicide involontaire coupable et de voies de fait graves. En plus d’invoquer l’automatisme comme moyen de défense, il a affirmé qu’une lésion cérébrale sous-jacente était également une cause de ses actions.

L’article 33.1 du Code criminel empêche les gens d’invoquer l’automatisme comme moyen de défense à l’égard de crimes impliquant des voies de fait ou une atteinte à l’intégrité physique d’une autre personne. Lors de leurs procès respectifs, M. Sullivan et M. Chan ont tous les deux soutenu que l’article 33.1 du Code criminel viole l’article 7 et l’alinéa 11d) de la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). L’article 7 garantit à chacun le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, tandis que l’alinéa 11d) garantit à chacun le droit d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable.   

Dans le cas de M. Sullivan, le juge de première instance a déterminé que bien que ce dernier ait agi de façon involontaire, l’article 33.1 l’empêchait d’invoquer l’automatisme comme moyen de défense, et il l’a déclaré coupable. Dans le cas de M. Chan, un autre juge de première instance a affirmé qu’il n’était pas lié par les décisions antérieures rendues par la même cour déclarant l’article 33.1 inconstitutionnel. Ce juge était également d’avis que la lésion cérébrale de M. Chan n’était pas la cause de ses actions. En conséquence, il a déclaré M. Chan coupable.

Les deux hommes ont interjeté appel à la Cour d’appel de l’Ontario, qui a entendu les deux appels ensemble. La Cour d’appel a acquitté M. Sullivan, et a ordonné la tenue d’un nouveau procès à l’égard de M. Chan puisqu’aucune conclusion de fait n’avait été tirée concernant l’automatisme dans son cas. La Couronne a ensuite porté les deux décisions en appel à la Cour suprême du Canada.

La Cour suprême a rejeté les appels.

Dans l’affaire R. c. Brown, la Cour suprême a jugé inconstitutionnel l’article 33.1 du Code criminel.

Rédigeant la décision unanime de la Cour suprême, le juge Nicholas Kasirer a affirmé que la décision de la Cour suprême dans l’affaire R. c. Brown, qui a été entendue en même temps que les présents appels et dont les motifs de jugement ont été rendus en même temps, s’applique en l’espèce. Dans R. c. Brown, la Cour précise que l’article 33.1 du Code criminel viole l’article 7 et l’alinéa 11d) de la Charte d’une manière qui ne peut se justifier dans le cadre d’une société libre et démocratique et que cet article est inconstitutionnel. En l’espèce, M. Sullivan peut être acquitté, car il a démontré qu’il était dans un état d’intoxication s’apparentant à l’automatisme, et le juge de première instance a conclu qu’il avait agi involontairement. M. Chan, quant à lui, peut invoquer l’automatisme comme moyen de défense lors de son nouveau procès, le juge Kasirer a-t-il expliqué.

L’effet d’une déclaration d’inconstitutionnalité par une cour de première instance sur les autres tribunaux dans la même province

Dans la présente affaire, la Cour suprême a également examiné la question de savoir si une déclaration d’inconstitutionnalité par une cour de première instance lie les autres tribunaux dans la même province. La Cour suprême a précisé qu’en effet, une telle décision lie les autres cours de première instance, à moins que les faits soient très différents ou que la cour en question n’avait aucun moyen pratique de savoir que cette décision existait.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.