La cause en bref

R. c. Albashir

  • La décision
  • Date : le 19 novembre 2021
  • Référence neutre : 2021 CSC 48
  • Décompte de la décision :
    • Majorité : La juge Karakatsanis a rejeté les appels et confirmé les déclarations de culpabilité, concluant que l’alinéa 212(1)j) du Code criminel demeurait valide pendant la période de suspension de la déclaration d’invalidité constitutionnelle (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Abella, Moldaver, Côté, Martin et Kasirer)
    • Dissidence : Le juge Rowe aurait accueilli les appels, annulé les déclarations de culpabilité et rétabli la décision du juge du procès. Il a conclu que la déclaration d’invalidité constitutionnelle avait annulé l’alinéa 212(1)j) du Code criminel, qu’en raison de son effet, c’était comme s’il n’avait jamais existé (avec l’accord du juge Brown).
  • En appel de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique
  • Renseignements sur les dossiers (39277) (39278)
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  • Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :

La Cour suprême confirme les déclarations de culpabilité de deux hommes qui exploitaient un service d’escortes sexuelles.

La question en litige dans cette affaire consistait à décider comment les tribunaux doivent traiter les crimes qui sont commis après que la Cour suprême du Canada a déclaré une disposition législative inconstitutionnelle, mais avant que cette déclaration ne prenne effet. C’est ce qui est arrivé quand M. Tamim Albashir et M. Kasra Mohsenipour ont été déclarés coupables, en 2019, d’infractions commises entre 2013 et 2016. Durant cette période, ceux‑ci exploitaient un service d’escortes sexuelles à Vancouver. Parmi les infractions qui leur étaient reprochées, il y avait celle prévue à l’alinéa 212(1)j) du Code criminel, qui interdisait aux proxénètes de vivre des revenus des personnes travaillant dans l’industrie du sexe.

En 2013, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Bedford, la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelles les dispositions législatives canadiennes sur la prostitution, y compris l’alinéa 212(1)j). Les juges ont conclu que cette disposition criminalisait l’ensemble du travail du sexe, plutôt que de mettre l’accent sur les proxénètes contrôlants et violents. La Cour suprême a accordé au Parlement une « période de suspension » d’un an pour modifier le droit, ce qu’il a fait en 2014. Messieurs Albashir et Mohsenipour ont commis les infractions visées à l’alinéa 212(1)j) pendant la période de suspension, mais ils ont été accusés après l’expiration de celle‑ci.

À leur procès, la question était de savoir si l’ancienne disposition était devenue inconstitutionnelle, empêchant ainsi les hommes d’être déclarés coupables. Le juge du procès a statué que la disposition était effectivement inconstitutionnelle lorsque les crimes avaient été commis, et il a annulé les accusations déposées contre les deux hommes.

La Couronne a interjeté appel devant la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, qui a déclaré les hommes coupables. La Cour d’appel a jugé que la déclaration d’inconstitutionnalité prononcée par la Cour suprême n’avait jamais pris effet, parce que le Parlement avait remplacé l’al. 212(1)j) avant la fin de la période de suspension. Messieurs Albashir et Mohsenipour ont fait appel de leurs déclarations de culpabilité à la Cour suprême du Canada.

La Cour suprême a rejeté les appels.

Les hommes en cause pouvaient, après l’expiration de la période de suspension, être accusés et déclarés coupables en vertu de l’alinéa 212(1)j) du Code criminel d’actes commis pendant cette période.

S’exprimant au nom des juges majoritaires, la juge Karakatsanis a expliqué qu’une déclaration d’inconstitutionnalité avec effet rétroactif signifie que la disposition législative visée est considérée comme ayant toujours été invalide. Par contre, une déclaration d’inconstitutionnalité avec effet prospectif signifie que la disposition est considérée invalide seulement après l’expiration de la période de suspension et la prise d’effet de la déclaration d’invalidité constitutionnelle.

Dans l’arrêt Bedford, la Cour n’avait pas dit si cette déclaration s’appliquerait de manière rétroactive ou prospective. Cependant, l’objectif de la suspension était de faire en sorte que les personnes vulnérables travaillant dans l’industrie du sexe continuent d’être protégées pendant que le Parlement remplaçait l’alinéa 212(1)j) par une nouvelle disposition. Compte tenu de cet objectif, les juges majoritaires dans la présente affaire ont affirmé que l’alinéa 212(1)j) était inconstitutionnel seulement après l’expiration de la période de suspension. En conséquence, M. Albashir et M. Mohsenipour étaient responsables en vertu de cette disposition de leur conduite pendant la période de suspension, et ils pouvaient être accusés et déclarés coupables en application de celle‑ci.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.