La cause en bref

Association de médiation familiale du Québec c. Bouvier

Les communications entre les conjoints durant des séances de médiation familiale peuvent être utilisées pour prouver l’existence d’une entente de règlement entre ceux-ci, juge la Cour suprême. 

Il s’agit d’une affaire québécoise de droit de la famille concernant des conjoints ayant participé à des séances de médiation familiale afin de régler les modalités de leur séparation. Au Québec, des séances de médiation familiale assurées par des médiateurs accrédités sont mises à la disposition des conjoints mariés, unis civilement ou vivant en union de fait, que ces conjoints aient ou non des enfants. Ce processus est subventionné par le gouvernement provincial.

Madame Isabelle Bisaillon et Monsieur Michel Bouvier ont été conjoints de fait pendant plus de trois ans, période au cours de laquelle ils ont eu deux enfants. Après la fin de leur relation, ils ont participé en 2012 à plusieurs séances de médiation familiale auprès d’un médiateur accrédité en vue de leurs différends concernant le soin des enfants, la résidence familiale et d’autres questions. Au terme de ce processus, le médiateur a préparé un document appelé « résumé des ententes » qui expliquait la manière dont les parties avaient convenu de régler leurs différends.   

En 2014, Mme Bisaillon a intenté en Cour supérieure du Québec une poursuite visant à obtenir plus d’argent que ce qui était prévu dans le résumé. Monsieur Bouvier estimait pour sa part que les conjoints devaient s’en tenir aux modalités prévues par le contrat conclu lors de la médiation et exposées dans le résumé. Madame Bisaillon a nié l’existence du contrat et s’est opposée à ce que le résumé soit admis en preuve, affirmant qu’il était protégé par une règle de confidentialité absolue.

La Cour supérieure a rejeté l’argument de Mme Bisaillon. Dans ses motifs, la cour s’est appuyée sur une décision rendue en 2014 en matière de médiation commerciale et intitulée Union Carbide Inc. c. Bombardier Inc. Dans cette affaire, la Cour suprême a confirmé la confidentialité du processus de médiation, mais reconnu l’application de l’« exception relative aux règlements ». Cette exception permet aux parties à un règlement de prouver l’existence de celui-ci. Sur cette base, la Cour supérieure a conclu que Mme Bisaillon et M. Bouvier avaient conclu un contrat l’un avec l’autre. Madame Bisaillon a fait appel à la Cour d’appel du Québec, qui a elle aussi donné raison à M. Bouvier. Bien que Mme Bisaillon ait décidé de ne pas porter cette décision en appel, l’Association de médiation familiale du Québec a été autorisée à porter la cause de Mme Bisaillon devant la Cour suprême.

La Cour suprême a donné raison à M. Bouvier.

L’exception relative aux règlements s’applique également aux affaires de médiation familiale.

Rédigeant les motifs de jugement de la majorité, le juge Nicholas Kasirer a dit que l’exception relative aux règlements décrite dans Union Carbide peut également s’appliquer aux affaires de médiation familiale. Il a écrit ce qui suit : « Certes, la confidentialité est nécessaire dans toute médiation pour permettre des échanges francs entre les parties en vue d’encourager les règlements. Il est également vrai que, contrairement à ce qui est le cas lors d’une médiation civile ou commerciale, les négociations qui suivent une rupture ont souvent lieu dans une période de bouleversements personnels qui peuvent accentuer la vulnérabilité de l’un ou l’autre des conjoints. »  

Toutefois, le juge Kasirer a expliqué que le processus de médiation familiale offre, en plus de la confidentialité, d’autres garanties afin d’assurer la protection des parties vulnérables. Parmi ces garanties additionnelles, mentionnons le médiateur accrédité et impartial choisi par les parties et le juge qui confirme toute entente découlant de la médiation.

Vu la présence de ces garanties importantes, une règle de confidentialité absolue n’est pas nécessaire. Cela signifie que les gens peuvent recourir à l’exception relative aux règlements pour prouver l’existence et les modalités de ce dont ils ont convenu durant la médiation.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.