La cause en bref
Société Radio-Canada c. Manitoba
- La décision
- Date : le 24 septembre 2021
- Référence neutre : 2021 CSC 33
- Décompte de la décision :
- Majorité : Le juge Nicholas Kasirer a accueilli l’appel formé contre la décision de la Cour d’appel refusant le réexamen de l’interdiction de publication. Il a conclu que la Cour d’appel avait effectivement compétence pour procéder à un tel réexamen et il a renvoyé l’affaire devant cette dernière. L’appel visant l’interdiction de publication elle-même a été ajourné « sine die » (indéfiniment) (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe et Martin)
- Dissidence : La juge Rosalie Abella aurait rejeté les appels. Elle a affirmé que la SRC n’avait pas demandé en temps opportun à la Cour d’appel le réexamen de l’interdiction de publication.
- En appel de la Cour d’appel du Manitoba
- Renseignements sur le dossier (38992)
- Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :
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Les cours d’appel peuvent, lorsqu’une affaire est terminée, annuler une interdiction de publication qu’elles ont prononcée dans cette affaire, juge la Cour suprême.
La Cour suprême du Canada devait décider si la Cour d’appel du Manitoba pouvait lever une interdiction de publication qu’elle avait prononcée dans l’affaire de M. Stanley Frank Ostrowski. Cette question s’est soulevée lorsque la Société Radio-Canada (SRC) a demandé à consulter un document visé par l’interdiction.
En 1987, M. Ostrowski a été déclaré coupable de meurtre au premier degré et condamné à l’emprisonnement à vie, sans possibilité de libération conditionnelle avant 25 ans. En 2009, il a demandé au ministère de la Justice du Manitoba d’examiner sa déclaration de culpabilité. Plus tard la même année, il a été remis en liberté en attendant le résultat de cet examen. À ce moment-là, il avait purgé 23 ans de sa peine d’emprisonnement.
En 2014, le ministre de la Justice a demandé à la Cour d’appel de décider si une erreur judiciaire s’était produite lors du procès. Au cours des procédures devant la Cour d’appel, celle-ci a prononcé une interdiction de publication visant un affidavit, c’est-à-dire une déclaration sous serment, que M. Ostrowski voulait présenter en preuve. La Cour d’appel a refusé d’admettre l’affidavit en preuve, et elle a ordonné que l’interdiction de publication qu’elle avait prononcée reste en vigueur indéfiniment.
En 2018, la Cour d’appel a conclu qu’une erreur judiciaire était effectivement survenue lors du procès de M. Ostrowski en 1987. Elle a affirmé que ce dernier n’avait pas eu accès à des renseignements importants qui auraient pu l’aider à se défendre à son procès. En conséquence, la Cour d’appel a annulé la déclaration de culpabilité de M. Ostrowski.
En mai 2019, la SRC a demandé à la Cour d’appel de lever l’interdiction de publication, pour qu’elle puisse consulter l’affidavit en question. La Cour d’appel a refusé, au motif qu’elle avait déjà rendu sa décision dans l’affaire et qu’elle n’avait donc plus le pouvoir de réexaminer l’interdiction de publication.
Après avoir décidé une affaire, une cour d’appel peut, dans des circonstances limitées, réexaminer une interdiction de publication
La Cour suprême a jugé que les cours d’appel peuvent, une fois que les procédures qui se déroulaient devant elles sont terminées, examiner s’il y a lieu de lever les interdictions de publication qu’elles ont prononcées durant ces procédures. Rédigeant la décision des juges majoritaires, le juge Kasirer a expliqué qu’un tribunal ne peut entendre de nouveau une affaire après avoir rendu son jugement. C’est ce qu’on appelle la règle du functus officio. Mais le tribunal conserve par la suite le pouvoir de contrôler l’accès aux dossiers judiciaires. Par conséquent, il peut réexaminer une interdiction de publication prononcée au cours d’une instance. Comme l’a affirmé le juge Kasirer, « d’importantes décisions au sujet de la publicité du dossier judiciaire peuvent devoir être prises », même après la fin de l’instance.
Cela ne veut pas dire qu’une cour d’appel peut réexaminer une ordonnance d’interdiction de publication à n’importe quel moment ou pour n’importe quelle raison. Elle ne peut le faire que dans deux situations seulement : premièrement, s’il y a eu un changement de circonstances; ou, deuxièmement, si une partie touchée par l’interdiction de publication, par exemple les médias, n’a pas été avisée de l’interdiction lorsque celle-ci a été prononcée.
Dans la présente affaire, le juge Kasirer a indiqué qu’il n’y avait eu aucun changement de circonstances. Toutefois, la Cour d’appel doit également se demander si la demande de la SRC correspond à la deuxième situation. Le juge Kasirer a en conséquence renvoyé l’affaire devant la Cour d’appel pour qu’elle se prononce sur cette question.
Interdiction de publication
Une interdiction de publication est une ordonnance que rend un tribunal dans le but d’empêcher quiconque de publier, de diffuser ou de transmettre des renseignements dans un dossier judiciaire, et ce, afin de protéger la preuve présentée ou encore l’identité d’une victime, d’un témoin ou d’une autre personne concernée.
Les procédures des tribunaux sont publiques
En règle générale, les procédures judiciaires se déroulent publiquement. Ce principe, connu sous le nom de publicité des débats judiciaires, est protégé par le droit à la liberté d’expression garanti par la Constitution. Le principe de la publicité des débats judiciaires constitue une caractéristique essentielle de la démocratie canadienne.
Vu l’importance de ce principe, les interdictions de publication s’appliquent uniquement dans des circonstances limitées.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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