La cause en bref

6362222 Canada inc. c. Prelco inc.

La Cour suprême donne des indications sur la façon d’interpréter les clauses de non-responsabilité en droit civil québécois.

Cette affaire porte sur un litige contractuel entre deux compagnies. Prelco est une importante entreprise manufacturière de Rivière-du-Loup, au Québec, qui fabrique et transforme du verre plat pour usages architecturaux et industriels. En 2008, Prelco a demandé à une compagnie du nom de Créatech de concevoir et d’installer à son intention un système logiciel de gestion. Le contrat comportait ce qu’on appelle une « clause de non-responsabilité ». La clause en question limitait la responsabilité de Créatech aux situations où le logiciel causerait à Prelco des dommages telle la perte de données ou de profits. Après l’installation du logiciel, le système a causé à Prelco des problèmes qui ont perturbé ses affaires. En 2010, Prelco a mis fin à son contrat avec Créatech et a retenu les services d’une autre entreprise pour réparer le système défectueux.

Prelco a poursuivi Créatech pour perte de profits et pour dommages-intérêts afin d’être indemnisée des frais qu’elle a payés à l’autre entreprise pour qu’elle répare le système. Créatech a répliqué en déposant contre Prelco une demande reconventionnelle, c’est-à-dire en la poursuivant à son tour pour une facture impayée.

Le juge de première instance a conclu que Créatech ne pouvait pas invoquer la « clause de non-responsabilité » à l’égard des problèmes liés au système. Il a dit que même si Prelco avait signé le contrat comportant cette clause de non-responsabilité, Créatech devait tout de même respecter l’obligation essentielle que lui imposait le contrat, soit la conception et l’installation d’un système logiciel répondant aux besoins de Prelco. Le juge a accordé à Prelco des dommages-intérêts, mais inférieurs à la somme qu’elle réclamait.

Tant Créatech que Prelco ont interjeté appel à la Cour d’appel du Québec, qui a rejeté les deux appels. Créatech a ensuite porté sa cause à la Cour suprême du Canada, plaidant que la clause de non-responsabilité était valide.   

La Cour suprême a donné raison à Créatech.

Createch pouvait limiter la responsabilité qu’elle avait envers Prelco aux termes du contrat.

Rédigeant la décision unanime de la Cour, le juge en chef Wagner et le juge Kasirer ont reconnu que Créatech n’avait pas respecté l’obligation essentielle que lui imposait le contrat, soit concevoir et installer un système logiciel qui répondait aux besoins de Prelco. Malgré ce manquement, toutefois, ils ont écrit que la clause de non-responsabilité demeurait valide. Après tout, les parties s’étaient entendues sur cette clause lorsqu’elles avaient négocié le contrat. Les juges ont conclu que « la volonté des parties devait être respectée ».

En arrivant à leur conclusion, les juges ont expliqué la théorie du manquement à une obligation essentielle. D’après cette règle, une personne ou une entreprise ne peut limiter sa responsabilité à l’égard du service principal qu’elle fournit suivant un contrat. Cela viderait le contrat de son sens. Les juges ont affirmé que certaines raisons justifient l’existence de cette règle en droit civil québécois, mais que ces raisons ne s’appliquaient pas en l’espèce. En d’autres mots, Créatech pouvait s’appuyer sur la clause de non-responsabilité dans son contrat avec Prelco pour limiter sa responsabilité à l’égard du système défectueux.

En conséquence, Créatech devra uniquement verser à Prelco ce que celle-ci a dû payer pour faire réparer le système défectueux par une autre compagnie. Quant à Prelco, elle devra payer à Créatech la facture non acquittée.

Le contrat en cause dans cette affaire est différent d’un contrat de consommation.

Le juge en chef Wagner et le juge Kasirer ont dit que la clause de non-responsabilité dans cette affaire était valide, car elle avait été négociée par deux compagnies avisées. Cette situation diffère de celles concernant des contrats de consommation, dans lesquels le recours aux clauses de non-responsabilité est limité par la loi afin de protéger les consommateurs, qui peuvent être désavantagés par rapport à une compagnie.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.