La cause en bref

Renvoi relatif au Code de procédure civile, art. 35

  • La décision
  • Date : le 30 juin 2021
  • Référence neutre : 2021 CSC 27
  • Décompte de la décision :
    • Majorité : les juges Suzanne Côté et Sheilah L. Martin ont conclu que l’article 35 du Code de procédure civile est inconstitutionnel et statué que la deuxième question n’était pas pertinente (avec l’accord des juges Moldaver et Karakatsanis)
    • Dissidence partielle : le juge en chef Wagner a conclu que l’article 35 était constitutionnel. Il a affirmé que, au moment de la Confédération, les pouvoirs conférés à la Cour du Québec par l’article 35 du Code de procédure civile n’appartenaient pas exclusivement aux cours supérieures visées par l’article 96 de la Constitution. Il a également dit que l’article 35 n’avait pas pour effet de retirer à la Cour supérieure quelque pouvoir faisant partie de sa compétence fondamentale en matière civile, soulignant l’importance d’établir un juste équilibre entre les considérations liées à l’accès à la justice et la préservation de la compétence des cours supérieures. Tout comme les juges majoritaires, il était d’avis que la deuxième question n’était pas pertinente (avec l’accord du juge Rowe)
    • Dissidence : la juge Rosalie Silberman Abella a conclu que l’article 35 était constitutionnel. Elle a dit que tant les cours supérieures que les cours provinciales se partageaient la compétence à l’égard des réclamations pécuniaires substantielles au moment de la Confédération, et que l’élargissement de la compétence de la Cour du Québec n’affaiblissait pas la compétence fondamentale des juges de la Cour supérieure du Québec. Elle ne s’est pas penchée sur la deuxième question.
  • En appel de la Cour d’appel du Québec
  • Renseignements sur le dossier (38837)
  • Diffusion Web de l'audience
  • Décisions des tribunaux inférieurs :

La Cour suprême juge inconstitutionnelle la hausse de la valeur pécuniaire des causes que peut entendre la Cour du Québec. 

La Cour suprême du Canada était appelée à décider si une modification apportée au Code de procédure civile du Québec portait atteinte à la compétence des cours supérieures qui est protégée par la Constitution. En 2016, le gouvernement provincial a modifié l’article 35 du Code de procédure civile afin de faire passer de moins de 70 000 $ à moins de 85 000 $ la valeur pécuniaire des causes que peut entendre la Cour du Québec. La Cour devait également décider si certains pouvoirs de la Cour du Québec en matière d’appels de décisions administratives portaient atteinte aux pouvoirs de la Cour supérieure de cette province.

Les juges de la Cour supérieure du Québec ont dit être en désaccord avec cette hausse. Ils affirmaient que le fait d’accorder à la Cour du Québec le pouvoir exclusif d’entendre les causes de moins de 85 000 $ violait l’article 96 de la Constitution. Ils prétendaient que la Cour supérieure aurait dû conserver le pouvoir d’entendre les causes de 70 000 $ et plus. Ils contestaient également les pouvoirs confiés à la Cour du Québec relativement aux appels de certaines décisions administratives.

Le gouvernement du Québec a finalement demandé à la Cour d’appel de la province de donner son avis à ce sujet, affirmant que c’était pour des raisons liées à l’accès à la justice qu’il avait augmenté la valeur des causes pouvant être entendues par la Cour du Québec. Il a dit que, comme la Cour supérieure n’est souvent pas présente dans les petites villes, il voulait aider les gens habitant à l’extérieur des grands centres à avoir accès aux tribunaux sans devoir voyager de grandes distances. Il a aussi plaidé que les pouvoirs de la Cour du Québec en matière d’appels de décisions administratives ne portaient pas atteinte aux pouvoirs de la Cour supérieure.

La Cour d’appel a conclu que l’article 35 était inconstitutionnel, mais que les pouvoirs de la Cour du Québec en matière administrative n’avaient aucun effet sur ceux de la Cour supérieure. La Cour suprême s’est ensuite vu demander son avis à l’égard des deux questions.

Le système judiciaire au Canada

Essentiellement, le système judiciaire est le même à travers le Canada. Cette situation découle de la Constitution, qui divise les pouvoirs à cet égard entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Chaque province possède un système judiciaire comportant trois niveaux : une cour provinciale (ou inférieure), une cour supérieure et une cour d'appel.

La Constitution prévoit que les provinces sont responsables de l’administration de la justice dans leurs champs de compétence respectifs. Cela comprend le maintien et l’organisation des tribunaux provinciaux ayant compétence en matière civile et en matière criminelle, ainsi que la procédure civile devant ces tribunaux.

L’article 96 de la Constitution mentionne l’existence au Canda d’un certain type de tribunaux, qui sont appelés « cours supérieures ». Ces cours de justice sont les tribunaux les plus élevés dans chaque province et ils bénéficient d’une protection spéciale. Au Québec, ces « cours supérieures » sont la Cour supérieure et la Cour d’appel. Le gouvernement fédéral dispose de certains pouvoirs à l’égard de ces tribunaux. Par exemple, c’est lui qui est responsable de nommer les juges des cours supérieures.

Les réponses de la Cour suprême aux questions posées

Relativement à la première question, les juges majoritaires ont conclu que l’article 35 est inconstitutionnel.

Ils ont souligné que, lorsque la Constitution a été établie en 1867, la valeur maximale ou plafond pécuniaire des causes que pouvaient entendre les cours inférieures s’élevait à 100 $. Sur la base de la preuve d’expert présentée, les juges majoritaires ont convenu que ce montant équivaudrait aujourd’hui, à l’échelle du Canada, à une somme se situant entre 63 698 $ et 66 008 $. Toutefois, ils ont précisé que la détermination de ce montant n’était qu’une première étape de l’analyse, et que la réponse à la question de savoir si le nouveau plafond était véritablement trop élevé dépendait de plusieurs autres facteurs. Les juges de la majorité ont statué que la hausse du plafond pécuniaire accordait à la Cour du Québec le pouvoir d’entendre de façon exclusive un trop large éventail de questions juridiques. Cette conséquence, ont dit les juges, avait pour effet d’empêcher la Cour supérieure d’exercer son droit, que protège la Constitution, de se prononcer sur un grand nombre de questions juridiques qui touchent au cœur du droit privé québécois.

En conséquence, les juges majoritaires ont conclu que le plafond pécuniaire permettant à la Cour du Québec d’entendre les causes de moins de 85 000 $ était trop élevé. Les juges ont également dit que le gouvernement provincial n’avait pas été en mesure de prouver que la hausse du plafond facilitait l’accès à la justice. 

La Cour suprême n’a pas répondu à la deuxième question. Elle a déclaré que la question n’était plus pertinente vu sa récente décision dans l’affaire Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov et l’effet d’une récente mesure législative québécoise qui limite la façon dont la Cour du Québec exerce ses pouvoirs en matière d’appels de décisions administratives.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.