La cause en bref
R. c. Desautel
- La décision
- Date : le 23 avril 2021
- Référence neutre : 2021 CSC 17
- Décompte de la décision :
- Majorité : Le juge Malcolm Rowe a déclaré que des gens qui ne sont pas citoyens canadiens et qui ne résident pas au Canada peuvent exercer un droit ancestral protégé par la Constitution canadienne (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Abella, Karakatsanis, Brown, Martin et Kasirer)
- Dissidence : La juge Suzanne Côté a conclu que les groupes autochtones se trouvant à l’extérieur des frontières canadiennes ne répondent pas à la définition de « peuples autochtones du Canada » au sens de l’article 35 de la Constitution canadienne, et elle a souligné que, même si c’était le cas, M. Desautel n’avait pas établi la continuité avec les pratiques du groupe antérieures au contact avec les Européens.
- Dissidence : Le juge Michael J. Moldaver a statué que, même si le juge Rowe avait raison de conclure que M. Desautel a le droit de réclamer la protection de l’article 35 de la Constitution canadienne, il convient néanmoins avec la juge Côté que M. Desautel n’a pas établi la continuité avec les pratiques du groupe antérieures au contact avec les Européens.
- En appel de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique
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Des non-citoyens et non-résidents peuvent revendiquer un droit ancestral en vertu de la Constitution, juge la Cour suprême du Canada.
Monsieur Richard Lee Desautel, un citoyen américain, a, en octobre 2010, abattu sans permis de chasse un wapiti dans la région des lacs Arrow en Colombie-Britannique. Il est membre de la Lakes Tribe des Tribus confédérées de Colville, et il vit dans une réserve dans l’État de Washington.
Il a été accusé d’avoir chassé sans permis et d’avoir chassé le gros gibier sans être un résident de la Colombie-Britannique. Monsieur Desautel a admis avoir abattu le wapiti, mais il a soutenu qu’il exerçait son droit ancestral de chasser sur le territoire traditionnel de ses ancêtres Sinixt en vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 (Constitution canadienne). Il a prétendu que la Lakes Tribe est un groupe successeur du peuple Sinixt dont le territoire traditionnel englobait une région située dans ce qui est maintenant la Colombie-Britannique. Le lieu où il a abattu le wapiti se trouve dans ce territoire.
La question centrale à laquelle devait répondre la Cour suprême était de savoir si des gens qui ne sont pas des citoyens canadiens et qui ne résident pas au Canada peuvent exercer un droit ancestral protégé par la Constitution canadienne.
« Peuples autochtones du Canada »
L’affaire portait sur la définition de l’expression « peuples autochtones du Canada » figurant à l’article 35 de la Constitution canadienne, qui reconnaît et confirme les droits existants — ancestraux ou issus de traités — de ces peuples.
C’était la première fois que la Cour interprétait les mots « peuples autochtones du Canada ».
Les juges majoritaires de la Cour suprême ont affirmé que l’article 35 a pour objectif fondamental de reconnaître l’occupation antérieure du Canada par des sociétés autochtones organisées et autonomes.
Ils ont jugé que l’expression « peuples autochtones du Canada » s’entend des successeurs contemporains des sociétés autochtones qui occupaient le territoire canadien au moment du contact avec les Européens, et ce, même si ces sociétés se trouvent maintenant à l’extérieur du Canada. Exclure les peuples autochtones qui se sont déplacés ou ont été forcés de le faire, ou dont le territoire a été divisé par une frontière, aggraverait les injustices liées au colonialisme.
Ils ont conclu que les groupes dont les membres ne sont ni citoyens ni résidents du Canada peuvent être considérés comme faisant partie des « peuples autochtones du Canada » et revendiquer un droit ancestral en vertu de l’article 35.
Peut-on considérer que le groupe en question fait partie des « peuples autochtones du Canada »?
Les juges de la majorité se sont ensuite demandé si le groupe particulier auquel appartient M. Desautel pouvait être considéré comme faisant partie des « peuples autochtones du Canada ».
Ils ont fait remarquer que, en ce qui concerne les revendications autochtones, les juges de première instance sont habituellement les mieux placés pour évaluer la preuve qui est présentée. Les juges majoritaires ont accepté la conclusion de la juge de première instance selon laquelle le groupe de M. Desautel, la Lakes Tribe, est un groupe successeur du peuple Sinixt. Au moment du contact entre les Sinixt et les Européens, leur territoire se trouvait dans ce qui est maintenant la Colombie-Britannique (au nord), et dans ce qui constitue maintenant l’État de Washington (au sud).
Une frontière internationale a été créée en 1846 et, en 1872, un certain nombre de membres des Sinixt vivaient la plupart du temps dans l’État de Washington, mais continuaient de se rendre en Colombie-Britannique pour y chasser.
Les juges majoritaires ont reconnu que le fait que la Lakes Tribe s’était déplacée pour aller vivre dans la partie américaine de son territoire ancestral ne l’empêchait pas d’être un groupe successeur des Sinixt. Par conséquent, ils ont conclu que la Lakes Tribe pouvait être considérée comme faisant partie des « peuples autochtones du Canada » au sens de l’article 35 de la Constitution canadienne.
Le groupe possède-t-il des droits ancestraux en vertu de l’article 35 de la Constitution?
Ayant établi que le groupe en question fait partie des « peuples autochtones du Canada », les juges majoritaires devaient ensuite décider si ce groupe possédait des droits ancestraux en vertu de l’article 35. Ils ont expliqué que l’analyse applicable pour décider si de tels droits existent est la même, que le groupe concerné se trouve au Canada ou à l’extérieur du Canada.
Un élément crucial de l’analyse consistait à déterminer si le droit contemporain revendiqué dans la présente affaire, le droit de chasser, est la continuation d’une pratique historique qui existait avant le contact avec les Européens.
Tout comme la juge de première instance, les juges majoritaires ont conclu que le droit revendiqué est la continuation d’une pratique historique.
Ils ont également conclu que, mises à part les périodes durant lesquelles il n’y a pas eu de chasse, il n’y a pas de grande différence entre la pratique antérieure au contact et la pratique contemporaine.
En conséquence, les juges majoritaires ont reconnu que M. Desautel avait exercé un droit ancestral et que la juge de première instance avait eu raison de l’acquitter de toutes les accusations portées contre lui.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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