La cause en bref
Ontario (Procureur général) c. Clark
- La décision
- Date : le 30 avril 2021
- Référence neutre : 2021 CSC 18
- Décompte de la décision :
- Majorité : La juge Rosalie Silberman Abella a conclu que les procureurs de la Couronne bénéficient d’une immunité contre les poursuites dans le contexte de demandes intentées contre la Couronne par des policiers relativement à la conduite de procureurs dans le cadre d’une poursuite criminelle, ce qui s’appelle aussi une poursuite pour faute dans l’exercice d’une charge publique (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Moldaver, Karakatsanis, Brown, Rowe, Martin et Kasirer)
- Dissidence : La juge Suzanne Côté a conclu que l’immunité du poursuivant ne s’applique pas à l’encontre de poursuites civiles fondées sur la faute dans l’exercice d’une charge publique intentées par des policiers qui ont subi un préjudice en raison de la conduite délibérée et illégitime de procureurs relativement à des allégations graves d’inconduite contre des policiers à qui l’on reproche d’avoir commis des actes criminels. (La « faute dans l’exercice d’une charge publique » survient lorsque le titulaire d’une charge publique adopte une conduite délibérée et illégitime en sa capacité de fonctionnaire et qu’il sait que sa conduite est illégitime et susceptible de causer un préjudice au demandeur.)
- En appel de la Cour d’appel de l'Ontario
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La Cour suprême du Canada a conclu que les policiers ne peuvent pas poursuivre les procureurs de la Couronne pour des décisions que ces derniers ont prises relativement à la façon de mener une cause criminelle.
Trois policiers de Toronto ont arrêté deux individus à la suite d’une plainte pour vol à main armée et séquestration. Avant le procès, un des accusés a déposé une demande pour faire suspendre (arrêter) les procédures intentées contre lui et exclure la preuve d’un aveu qu’il avait fait le jour de son arrestation. Il justifiait sa demande en disant que les policiers l’avaient battu durant l’arrestation et lui avait causé une blessure grave aux côtes. Une procureure générale adjointe et un procureur général principal étaient d’accord pour dire que l’aveu ne serait pas admissible, et les accusations portées contre cet accusé ont été suspendues. L’autre accusé a été déclaré coupable, mais il a demandé un sursis et justifié cette demande en disant que les policiers l’avaient agressé durant l’arrestation. La procureure générale adjointe n’a pas fait témoigner les policiers et a concédé que les agressions avaient eu lieu. La juge a condamné l’accusé à une peine réduite. Dans ses motifs, elle a décrit les agressions en détail et qualifié la conduite des policiers de « brutalité policière ». Ces conclusions ont été rapportées dans les médias. L’Unité des normes professionnelles du Service de police de Toronto a alors mené sa propre enquête des allégations d’inconduite formulées contre les policiers et a conclu que ces allégations n’étaient pas fondées. La Cour d’appel a suspendu les procédures. Elle a critiqué avec virulence la conduite des policiers. Ses conclusions ont aussi été rapportées dans les médias.
Après l’appel, les policiers ont intenté un recours contre le procureur général. Ils soutenaient avoir souffert d’un dommage irréparable à leur réputation et à leur crédibilité en raison des décisions des procureurs de la Couronne de ne pas les faire témoigner. C’est la première fois que la Cour suprême a l’occasion d’examiner si la police peut poursuivre des procureurs de la Couronne pour la façon dont ils ont mené une poursuite.
Le concept d’« immunité de la Couronne » signifie que, en règle générale, les procureurs de la Couronne ne peuvent pas être poursuivis pour ce qu’ils font dans l’exécution de leur charge publique. Il existe une exception pour ceux qui sont poursuivis à tort et abusivement.
La majorité des juges a conclu que les procureurs n’ont pas d’obligation légale envers la police relativement à la façon dont ils mènent une poursuite. Lever l’immunité des procureurs de la Couronne pour qu’ils rendent des comptes aux policiers les placerait en conflit avec leurs devoirs d’objectivité, d’indépendance et d’intégrité afin d’assurer la tenue de procès équitables pour les accusés et maintenir la confiance du public envers l’administration de la justice.
La nécessité de préserver et de favoriser le respect des droits de l’accusé, qui est particulièrement vulnérable au recours illégitime au pouvoir de poursuite, est cruciale. Permettre aux policiers de poursuivre les procureurs pour des décisions qu’ils prennent dans le cadre de poursuites criminelles mettrait en péril les droits de l’accusé ainsi que l’indépendance et l’objectivité de la poursuite, en plus de miner l’intégrité du système de justice criminelle. Cela serait également fondamentalement incompatible avec la relation d’indépendance de la police et de la poursuite l’une vis-à-vis de l’autre. Le rôle de la police consiste à enquêter sur le crime; celui du procureur de la Couronne consiste à évaluer si une poursuite est dans l’intérêt public et, si oui, à mener la poursuite conformément à ses devoirs envers l’administration de la justice et l’accusé.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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