La cause en bref

Ontario (Procureur général) c. G

Une partie de la loi sur le registre ontarien des délinquants sexuels est discriminatoire à l’égard des personnes ayant des troubles mentaux, juge la Cour suprême à l’unanimité.

En 2001, G a eu son premier et seul épisode de problèmes de santé mentale. Il a été accusé de deux chefs d’agression sexuelle contre son épouse de l’époque. En 2002, il a été déclaré « non responsable criminellement pour cause de troubles mentaux ». Cela signifiait qu’il ne savait pas ce qu’il faisait ou qu’il ne savait pas que c’était mal, ou les deux. Cela signifiait aussi qu’il n’avait aucun casier judiciaire. La Commission ontarienne d’examen est l’organisme qui décide si une personne déclarée non responsable criminellement représente un risque pour la sécurité du public. Selon elle, G ne représentait pas un risque important. En 2003, elle a ordonné qu’il soit libéré inconditionnellement. Cela voulait dire qu’il n’avait pas besoin d’être surveillé par la Commission d’examen. Il n’a jamais été accusé d’un autre crime.

Malgré la libération inconditionnelle qu’il a obtenue de la Commission d’examen, G a été inscrit au registre ontarien des délinquants sexuels. À cause de cela, il devait se présenter à la police chaque année. La police pouvait aussi effectuer des vérifications routinières à son égard. Son nom ne pouvait pas être retiré du registre, même à son décès.

Les crimes sexuels sont très graves. Cependant, ce n’est pas toute personne qui commet une agression sexuelle qui doit être inscrite au registre en Ontario. Quiconque obtient une « absolution » lors de la détermination de la peine n’a pas à être inscrite au registre. Ce genre d’absolution signifie que la personne n’est pas déclarée coupable, même si l’on a conclu à sa culpabilité. Quiconque obtient un pardon est retiré du registre. Quiconque obtient une « suspension de son casier judiciaire » (lorsque le casier judiciaire est retiré de la base de données des casiers judiciaires) n’a pas l’obligation de continuer à se présenter aux autorités. Dans chacune de ces situations, les autorités peuvent examiner la situation de la personne au cas par cas pour décider quel genre de risque la personne représente pour le public.

Toutefois, aucune de ces options n’était offerte aux personnes qui, comme G, avaient été déclarées non responsables criminellement. Ces personnes n’avaient aucun moyen d’être retirées du registre. Elles devaient se présenter à la police au moins une fois par année, peu importe les circonstances. Cela était vrai même si ces personnes avaient obtenu une libération inconditionnelle, comme ce fut le cas pour G.

Selon G, cette distinction était discriminatoire. Il a dit qu’elle violait l’art. 7 et le par. 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, qui fait partie de la Constitution du Canada. L’art. 7 protège le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne. Le par. 15(1) dispose que chaque personne a le droit d’être traitée de manière égale.

Le juge qui a entendu la demande fondée sur la Charte a déclaré que les droits de G n’avaient pas été violés. La Cour d’appel a confirmé que les droits de G protégés par l’art. 7 n’avaient pas été violés, mais elle a conclu que ses droits au titre de l’art. 15 l’avaient été.

Tous les juges de la Cour suprême s’accordent pour dire que le droit de G à l’égalité de traitement indépendamment de toute discrimination, prévu à l’art. 15, a été violé. Ils ont tous souligné que beaucoup de gens croient erronément que les personnes ayant des déficiences mentales sont toujours et par nature dangereuses.

Les juges majoritaires ont conclu que la loi ontarienne sur le registre des délinquants sexuels est discriminatoire au regard de l’art. 15. Il en est ainsi parce que cette loi n’offre pas de moyens aux personnes déclarées non criminellement responsables d’être retirées de la liste ou de ne plus devoir se présenter aux autorités. Les personnes déclarées coupables avaient des façons de le faire. Cela crée une discrimination fondée sur une déficience mentale contre les personnes comme G. (Les juges majoritaires ne se sont pas penchés sur l’art. 7 parce qu’ils avaient déjà conclu à l’existence d’une violation de la Charte au titre de l’art. 15.)

Lorsqu’un tribunal conclut qu’une loi viole la Constitution, la question suivante est celle de déterminer la bonne « réparation » ou la manière de corriger la loi. Les juges majoritaires ont énoncé des principes que les tribunaux devraient utiliser lorsqu’ils décident des réparations dans ce type d’affaires. Dans la présente affaire, les juges majoritaires ont dit que la Cour d’appel avait raison de dire que la partie de la loi ontarienne qui créait une discrimination contre G était invalide. Ils ont aussi affirmé que la Cour d’appel a eu raison d’accorder un an à l’Ontario pour régler le problème. Lorsqu’ils décident s’ils donnent au gouvernement le temps de corriger une loi inconstitutionnelle, les juges majoritaires ont déclaré que les tribunaux devraient examiner la situation dans son ensemble.

Les juges majoritaires ont aussi dit que la Cour d’appel a eu raison de retirer G du registre. Ils ont décidé que la Cour d’appel a eu raison de l’exonérer de l’obligation de continuer à se présenter aux autorités même si elle avait donné au gouvernement le temps de corriger la loi. Il en est ainsi parce que G, qui comme d’autres qui obtiennent gain de cause dans leurs causes fondées sur la Charte, aident le public en révélant des lois inconstitutionnelles.

Les gouvernements ne devraient que rarement se voir donner le temps de corriger des lois inconstitutionnelles. La Cour suprême ne l’a pas fait depuis l’arrêt Carter c. Canada (Procureur général), il y a plus de cinq ans.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.