La cause en bref

Chandos Construction Ltd. c. Restructuration Deloitte Inc.

La Cour suprême a décidé qu’une compagnie ne peut pas, uniquement à cause de la faillite, faire payer une pénalité à une compagnie en faillite avec qui elle avait un contrat.

Lorsqu’une compagnie est incapable de payer toutes ses factures, elle peut faire faillite. Lorsque cela arrive, tout ce qu’elle possède est remis à un « syndic ». C’est lui qui décide comment les biens seront divisés entre ceux à qui la compagnie doit de l’argent. La façon de procéder est prévue dans la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, une loi fédérale.

Chandos Construction a signé un contrat d’une valeur de 1,4 million de dollars avec Capital Steel. Selon ce contrat, Chandos recevrait de l’argent si Capital Steel faisait faillite. Le contrat serait gelé et Capital Steel aurait à payer à Chandos tout ce qu’elle aurait perdu en plus d’un montant pour les frais et le profit. Le contrat prévoyait aussi que Capital Steel aurait à payer à Chandos 10 % du prix du contrat (donc environ 140 000 $) pour les dérangements.

Capital Steel a fait faillite. À ce moment-là, Chandos lui devait 150 000 $ en lien avec le contrat. Par contre, elle disait que, en fait, Capital Steel lui devait plus de 10 000 $, à cause de la clause qui prévoyait que Capital Steel lui devrait les frais et 10 % pour les dérangements si elle faisait faillite. Cela représentait plus que ce qu’il restait à payer en vertu du contrat.

Le syndic a demandé à la cour s’il était permis d’agir de cette façon. Le juge a dit oui. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont dit non, parce que cela violait la règle « anti-privation ». Cette règle prévoit qu’un contrat ne peut pas prévoir le retrait (donc de priver le syndic) d’une partie des biens de la compagnie qui a fait faillite.

Les juges majoritaires de la Cour suprême ont dit être d’accord avec la Cour d’appel. D’après eux, une partie d’un contrat peut être jugée invalide dans le contexte d’une faillite pour deux raisons. Premièrement, quand le contrat donne à certaines personnes à qui la compagnie doit de l’argent plus que leur part et qu’ils reçoivent donc un morceau de la tarte plus gros que ce à quoi elles ont droit. C’est ce qui s’appelle la « règle pari passu ». Deuxièmement, quand une part de la tarte est enlevée et qu’il en reste donc moins à partager lorsqu’on la coupe en pointes. C’est le type de situations visées par la règle anti-privation.

Les juges majoritaires ont dit que la règle anti-privation fait partie du droit canadien depuis les années 1870. Elle est reconnue par la « common law », pas par une loi. La common law, ce sont des règles de droit créées par les tribunaux lorsque les parlements du fédéral ou des provinces n’ont pas adopté de lois sur un sujet. Elle peut aussi aider à interpréter et à appliquer les lois. La common law ne peut pas contredire les lois. Elle sert seulement à combler les trous, dans l’esprit de ce que voulaient les parlements du fédéral ou des provinces. Par contre, les lois peuvent changer la common law. Mais, ici, les juges majoritaires ont dit que la common law n’a jamais été changée, même pas par la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

Pour les juges majoritaires, la loi sert à garantir que le syndic reçoive le plus de biens possible pour qu’il puisse rembourser ceux à qui la compagnie doit de l’argent. La règle anti-privation aide à ce que les choses se passent de cette façon. Elle empêche que des contrats servent à contourner la loi.

Les juges majoritaires ont conclu que lorsque les tribunaux doivent décider si un contrat viole la règle anti-privation, ils doivent examiner ses effets. Ils ne devraient pas se demander ce que voulaient les parties ou ce qu’elles ont dit qu’elles voulaient, quand elles ont conclu une entente. Premièrement, il serait difficile de savoir ou de prouver ce que les parties voulaient si un contrat a été signé il y a longtemps. Deuxièmement, un contrat pourrait pénaliser d’autres personnes à qui de l’argent est dû, même si ce n’était pas l’intention des ceux qui ont signé le contrat. Cela ne serait pas acceptable.

Par contre, les juges majoritaires ont dit que la règle anti-privation n’est pas nécessairement violée si une personne a accepté de renoncer à un bien physique (pas de l’argent). Accepter de s’assurer, ou donner de l’argent pour garantir que le contrat sera exécuté, peut aussi être permis.

Pour les juges majoritaires, Chandos n’avait pas le droit de réduire ce qu’elle devait à Capital Steel en déduisant les frais liés aux dérangements. Dans les faits, Capital Steel ne devait pas d’argent à Chandos; il n’y avait donc rien à déduire.

Une faillite est un processus complexe qui concerne souvent plusieurs compagnies, plusieurs personnes et plusieurs questions. La Cour a déjà traité des effets d’une faillite sur les obligations environnementales des compagnies dans Orphan Well Association c. Grant Thornton Ltd. et Produits forestiers Résolu c. Ontario (Procureur général). Elle a traité des effets d’une faillite sur les actionnaires d’une compagnie dans Brunette c. Legault Joly Thiffault.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.