La cause en bref

Société des loteries de l'Atlantique c. Babstock

Un recours collectif portant sur les appareils de loterie vidéo ne peut aller de l’avant, juge la Cour suprême.

Les appareils de loterie vidéo (ALV) sont des machines permettant de s’adonner à des jeux de hasard électroniques. Les gens paient une certaine somme afin de jouer à des jeux de hasard sur ces machines, par exemple des machines à sous, soit pour le plaisir soit pour gagner de l’argent. On trouve habituellement de tels appareils dans les bars et autres endroits où de l’alcool est vendu. Tout établissement où il y a un ALV doit obtenir une licence à l’égard de cet appareil. À Terre-Neuve-et-Labrador, c’est la Société des loteries de l’Atlantique qui accorde ces licences.

Monsieur Babstock jouait à des jeux sur des ALV. Il souhaite poursuivre en justice la Société des loteries de l’Atlantique. Il affirme que les ALV sont dangereux et qu’ils trompent les gens. Selon lui, la Société des loteries de l’Atlantique devrait être condamnée à payer l’équivalent de six années de profits tirés de l’exploitation des ALV à Terre-Neuve-et-Labrador aux gens qui ont joué sur ces machines. Monsieur Babstock désire intenter une poursuite au nom de tous ces gens.

Lorsque de nombreuses personnes sont aux prises avec un même problème juridique, elles peuvent décider de se mettre ensemble et d’intenter une action en groupe. C’est ce qu’on appelle un « recours collectif ». (En d’autres mots, c’est un recours en groupe.) Un tel recours permet à l’ensemble du groupe de faire juger sa plainte par un tribunal en une seule fois. Autrement, chaque personne devrait intenter elle-même sa propre action en justice. Un juge doit « autoriser » le recours collectif, c’est-à-dire accorder la permission de l’exercer. Le « représentant des demandeurs » est la personne qui représente l’ensemble du groupe. Dans la présente affaire, M. Babstock est le représentant des demandeurs. Il a demandé au tribunal d’autoriser le recours collectif.

Monsieur Babstock dit que la Société des loteries de l’Atlantique a été négligente (c’est-à-dire qu’elle n’a pas agi avec le soin requis). Selon lui, elle aurait dû avertir les gens des risques liés au fait de jouer à des jeux de hasard sur des ALV, notamment les risques de développer une dépendance et des idées suicidaires. M. Babstock prétend que cela constituait une faute et que la Société des loteries de l’Atlantique devrait être condamnée à verser au groupe tous les profits qu’elle a réalisés. Il affirme qu’elle devrait être obligée de le faire même si personne ne démontre avoir subi un préjudice ou une perte. M. Babstock dit qu’il s’agit d’une situation de « renonciation au recours délictuel ». Il affirme que cette règle n’est pas simplement une façon d’indemniser un préjudice, mais une raison permettant de réclamer l’indemnisation du préjudice.

De plus, M. Babstock plaide que la Société des loteries de l’Atlantique a violé le contrat qu’elle avait conclu avec chaque personne qui avait payé pour jouer. Selon lui, elle devait offrir des jeux sécuritaires. Mais, au contraire, les jeux étaient trompeurs et cela constitue une « violation de contrat ».

Enfin, il dit que la Société des loteries de l’Atlantique a obtenu, aux dépens du groupe, un avantage auquel elle n’avait pas droit suivant la loi. Une telle situation constitue un « enrichissement sans cause ».

Le juge qui a entendu la demande d’autorisation ainsi que la Cour d’appel ont conclu que le recours collectif pouvait aller de l’avant. Ils ont déclaré que la « renonciation au recours délictuel » peut constituer une raison permettant à quelqu’un d’intenter une action, et non simplement une façon d’indemniser le préjudice qui a été subi.

Les juges majoritaires de la Cour suprême ont affirmé qu’aucun des arguments de M. Babstock n’avait de chance de succès. Pour cette raison, ils ont conclu que le recours collectif ne pouvait pas aller de l’avant.

Tous les juges ont reconnu que la « renonciation au recours délictuel » n’existe pas en droit canadien. Selon les juges, la « restitution des gains illicites » peut servir à indemniser des gens à l’égard d’un préjudice, mais elle ne peut être la raison de demander l’indemnisation du préjudice. Restituer des gains illicites signifie renoncer aux profits qui ont été réalisés même si personne n’a subi de préjudice ou de perte.

Les juges majoritaires ont conclu que la restitution des gains illicites ne peut servir de moyen d’indemnisation que dans des situations très précises, par exemple en cas de violation d’un contrat. Elle ne peut être utilisée que si les autres façons d’indemniser ne conviennent pas. Par exemple, la restitution des gains illicites pourrait être une solution s’il est impossible de calculer le montant de la perte ou si la perte ne peut être exprimée en argent. Les juges majoritaires ont dit que ce n’était pas le cas dans cette affaire.

Les juges majoritaires ont dit qu’il ne s’agissait pas d’une affaire d’« enrichissement sans cause » étant donné qu’il y avait un contrat, comme l’admettait M. Babstock. Le fait de tirer un avantage d’un contrat valide est une raison valable en droit pour conserver cet avantage.

Les procès, particulièrement dans le cas des recours collectifs, prennent beaucoup de temps et coûtent cher. C’est pourquoi les juges doivent s’assurer que le recours collectif a une chance de succès avant de l’autoriser. Ils n’examinent pas tous les éléments de preuve avant de prendre cette décision. Ils ne font qu’appliquer le droit pour décider si le recours a une chance de succès si toutes les affirmations sont véridiques.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.