La cause en bref
1704604 Ontario Ltd. c. Pointes Protection Association
- La décision
- Date : le 10 septembre 2020
- Référence neutre : 2020 CSC 22
- Décompte de la décision :
- En appel de la Cour d’appel de l’Ontario
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Le procès intenté par un promoteur immobilier contre un groupe d’habitants visait à faire taire les critiques et ne peut pas aller de l’avant, a déclaré la Cour suprême à l’unanimité.
1704604 Ontario Ltd. était une société de développement immobilier à Sault Ste. Marie, Ontario. Elle voulait construire un quartier à un endroit qui faisait partie d’une zone humide. Certains résidents locaux s’opposaient au projet. Ils disaient qu’il détruirait la zone humide et causerait d’autres dommages à l’environnement. Ils ont formé un groupe appelé Pointes Protection.
La société devait être autorisée à construire le quartier par l’Office de protection de la nature et par le Conseil de ville. L’Office a approuvé le plan. Selon Pointes Protection, il s’agissait d’une mauvaise décision. Elle a demandé à un tribunal de la revoir. Pendant ce temps, le Conseil a rejeté le plan. La société a fait appel de la décision du Conseil auprès de la Commission municipale de l’Ontario, qui se prononce sur les désaccords en matière de planification.
Pointes Protection a accepté de ne pas aller en cour au sujet de la décision de l’Office de protection de la nature. Elle a renoncé à prétendre que les décisions de ce dernier étaient illégales et interdites.
La société a perdu lors de l’audience de la Commission municipale. Pendant l’audience, un représentant de Pointes Protection a témoigné au sujet du plan de la société. Selon lui, ce plan allait nuire à l’environnement et détruire une partie de la zone humide. La société a déclaré que cela allait à l’encontre de l’accord. Elle a intenté une poursuite pour bris de contrat et a demandé 6 millions de dollars de dommages et intérêts.
Pointes Protection a déclaré que la société cherchait à tort à empêcher les habitants de s’exprimer. Elle a ajouté que la société essayait de faire taire les critiques sur une question publique importante. À son avis, il s’agissait d’une « poursuite stratégique contre la mobilisation publique », ou « poursuite-bâillon » ou « SLAPP » (acronyme de « Strategic Lawsuit Against Public Participation » en anglais). Les poursuites-bâillons ne sont pas de véritables demandes en justice. Elles visent à intimider et à faire taire les critiques. Il s’agit de faire en sorte que les gens acceptent une situation et arrêtent de parler pour éviter les dépenses de temps et d’argent occasionnées par les procédures judiciaires. Comme d’autres provinces, l’Ontario a adopté une loi pour mettre fin aux poursuites-bâillons avant qu’elles n’aillent à procès.
Le juge des motions a déclaré que la poursuite n’est pas une poursuite-bâillon et qu’elle peut continuer. La Cour d’appel a déclaré qu’il s’agit bel et bien d’une poursuite-bâillon et qu’il faut donc la rejeter.
Tous les juges de la Cour suprême du Canada sont d’avis qu’il s’agit d’une poursuite-bâillon. Ils ont dit que les poursuites de ce genre nuisent au droit à la liberté d’expression des gens, une liberté importante pour notre démocratie.
Les règles de l’Ontario concernant les poursuites-bâillons étant nouvelles, la Cour a dû décider comment les appliquer. Pour qu’une poursuite soit considérée comme une poursuite-bâillon, elle doit porter sur une communication faite par le défendeur (la personne poursuivie). Il faut que cette communication ait une importance pour le public. Mais le demandeur (le plaignant) peut démontrer que la poursuite n’est pas une poursuite-bâillon en prouvant trois choses. La première est qu’elle a des chances de gagner. La deuxième est que la personne poursuivie n’a pas de défense valable. La troisième est qu’il est plus important pour le public de laisser le procès suivre son cours que de protéger les paroles du défendeur. La Cour a déclaré que les juges doivent examiner l’ensemble de la situation, entre les parties et dans la société, pour décider si une poursuite est réellement une poursuite-bâillon et doit être arrêtée.
Ici, le témoignage devant la Commission municipale de l’Ontario est une expression d’intérêt public, parce qu’il concerne les impacts environnementaux du plan de la société. La poursuite est basée sur ce que le représentant de Pointes Protection a dit dans son témoignage. La Cour a jugé que la société n’a pas beaucoup de chances de gagner parce que son argument est basé sur une interprétation incorrecte de l’accord. Pointes Protection avait accepté de ne pas soulever ses préoccupations environnementales devant l’Office de protection de la nature. Cependant, rien dans le contrat ne disait qu’elle ne pouvait pas utiliser les mêmes preuves dans une situation différente. La Cour a aussi déclaré qu’il est plus important pour le public de protéger le témoignage de Pointes Protection devant un décideur administratif que d’empêcher le préjudice que la société dit avoir subi.
C’est la première fois que la Cour suprême s’est penchée sur les nouvelles règles de l’Ontario concernant les poursuites-bâillons. Une autre affaire, Bent c. Platnick, portait aussi sur les poursuites-bâillons. La Cour a utilisé sa décision ici et l’a appliquée à cette autre affaire. La Cour a entendu les causes le même jour.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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