La cause en bref

Matthews c. Ocean Nutrition Canada Ltd.

Un employé forcé par son employeur à quitter son emploi a droit à la prime qu’il aurait reçue durant la période de préavis, sauf si son contrat prévoit le contraire, juge la Cour suprême.

M. Matthews travaillait comme chimiste pour Ocean Nutrition. Il a contribué au succès qu’a connu cette entreprise dans la fabrication de produits oméga-3. Son emploi était important pour lui.

En 2007, Ocean Nutrition a embauché un nouveau directeur de l’exploitation. M. Matthews ne s’entendait pas bien avec cette personne. Le nouveau directeur a limité les responsabilités de M. Matthews et réduit la taille de son équipe, ce qui a eu pour conséquence que M. Matthews avait beaucoup moins à faire. Le directeur de l’exploitation lui a également menti, ce qui a contrarié M. Matthews. En 2010, Ocean Nutrition a procédé à l’examen de la situation de M. Matthews, ce qui signifiait que celui-ci pourrait perdre son emploi. Le directeur de l’exploitation a indiqué au conseil d’administration qu’il n’y avait plus de place pour M. Matthews au sein de l’entreprise, ce qui a contrarié davantage ce dernier.

M. Matthews soupçonnait qu’Ocean Nutrition allait être vendue. Le contrat de M. Matthews prévoyait qu’il recevrait une prime considérable si cela se produisait. C’est en partie la raison pour laquelle il est resté si longtemps au service de l’entreprise, même après le début de ses difficultés. Mais sa situation est finalement devenue intolérable, et il a en conséquence quitté son emploi.

Un peu plus d’un an plus tard, Ocean Nutrition a été vendue pour un peu plus d’un demi-milliard de dollars. Comme M. Matthews ne travaillait plus pour l’entreprise, celle-ci a affirmé qu’elle n’était pas obligée de lui verser la prime. M. Matthews a répliqué qu’il travaillerait encore pour Ocean Nutrition, si cette dernière ne l’avait pas « congédié de façon déguisée ». Un « congédiement déguisé » survient lorsqu’un employeur, au lieu de congédier un employé, force celui-ci à quitter son emploi en rendant sa situation au travail si pénible qu’il démissionne. M. Matthews a affirmé que l’entreprise lui devait la prime en question.

Le juge de première instance a déclaré que M. Matthews avait été congédié de façon déguisée. Il a conclu que M. Matthews avait droit à un « préavis raisonnable » de 15 mois. Suivant la loi, lorsqu’une personne est congédiée (que ce soit de façon « déguisée » ou non), elle a droit à un « préavis raisonnable » de cessation d’emploi. Le « préavis » représente la période précise qui est accordée à l’employé à compter de la date à laquelle l’employeur lui dit que son contrat prendra fin jusqu’à la fin de celui-ci. Parfois, l’employé continue de travailler durant la période de préavis, mais il peut aussi arriver que l’employeur lui verse tout simplement le salaire qu’il aurait touché s’il avait travaillé pendant cette période. Dans les deux cas, la personne congédiée est considérée comme étant un « employé » durant la période de préavis. Selon le juge de première instance, M. Matthews aurait reçu la prime s’il avait continué de travailler chez Ocean Nutrition. Le juge a affirmé que M. Matthews y avait toujours droit, car Ocean Nutrition avait été vendue au cours de la période de préavis raisonnable. La valeur de la prime était d’environ un million de dollars.

Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont conclu que M. Matthews avait été congédié de façon déguisée et qu’il avait droit à une période de préavis de 15 mois. Toutefois, ils ont jugé qu’il n’avait plus droit à la prime après avoir quitté l’entreprise.

Devant la Cour suprême du Canada, tous s’entendaient pour dire que M. Matthews avait été forcé de quitter son emploi et qu’il avait droit à un préavis de 15 mois. Par contre, il y avait désaccord sur la question de savoir s’il avait droit à la prime dans son préavis raisonnable. Il y avait aussi une divergence d’opinions quant à savoir si Ocean Nutrition lui avait menti, et s’il avait droit à la prime pour cette raison.

Les juges de la Cour suprême du Canada ont conclu à l’unanimité que M. Matthews avait droit à la prime. Tout comme le juge de première instance, ils ont dit être d’avis que M. Matthews avait droit à une période de préavis raisonnable de 15 mois. Ils ont dit que ce dernier avait droit à un dédommagement, étant donné qu’il n’avait pas reçu de préavis. La Cour a jugé que ce dédommagement devait inclure la prime, car l’entreprise avait été vendue au cours de la période de préavis, ce qui avait déclenché le versement de la prime en question. Rien dans le contrat de M. Matthews ne prévoyait qu’il n’y avait droit dans une telle situation.

La Cour a aussi fait remarquer qu’Ocean Nutrition n’avait pas été honnête envers M. Matthews au sujet de son avenir au sein de l’entreprise. Il s’agissait d’une question distincte du fait qu’il avait été congédié de façon déguisée sans préavis. Aucun dédommagement additionnel n’a toutefois été accordé à M. Matthews à cet égard, puisqu’il avait uniquement réclamé la prime, qui lui était déjà accordée dans son préavis raisonnable.

La question de savoir si certaines personnes pouvaient être considérées comme des employés a été examinée par la Cour dans les affaires Uber c. Heller et Modern Concept d’entretien inc. c. Comité paritaire. La Cour s’est également penchée sur la question de l’équité salariale en matière d’emploi dans les affaires Québec (Procureure générale) c. Alliance du personnel professionnel et technique de la santé et des services sociaux et Centrale des syndicats du Québec c. Québec (Procureure générale).

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.