La cause en bref
Banque Toronto-Dominion c. Young
- La décision
- Jugement rendu : le 7 novembre 2019
- Motifs écrits publiés : le 19 juin 2020
- Référence neutre : 2020 CSC 15
- Décompte de la décision :
- Majorité : le juge en chef Richard Wagner et les juges Rosalie Silberman Abella, Michael Moldaver, Andromache Karakatsanis, Russell Brown, Malcolm Rowe, Sheilah Martin et Nicholas Kasirer ont rejeté l’appel à l’audience
- Dissidence : la juge Suzanne Côté a déclaré que la banque avait pris action en temps utile, avant que le droit d’action contre Mme Macht ait expiré, et que la banque n’avait pas besoin d’intenter une action contre cette dernière personnellement, étant donné que la dette était également rattachée à la propriété
- En appel de la Cour d’appel du Québec
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- Décisions des tribunaux inférieurs :
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La Cour suprême dépose des motifs écrits dans une affaire décidée du banc en novembre 2019.
En 2009, Mme Macht a obtenu un prêt de 306 000 $ de la banque TD. Le prêt était garanti par une hypothèque sur sa maison. (L’hypothèque québécoise correspond essentiellement à la notion de « mortgage » des provinces et territoires de common law.) Elle a également obtenu un prêt d’environ 94 000 $ de deux frères, les frères Young. Ce prêt était lui aussi garanti par une hypothèque, de second rang celle-là. Les frères Young connaissaient l’existence de la première hypothèque en faveur de la Banque.
Madame Macht a cessé de rembourser ses emprunts. Si les paiements hypothécaires ne sont pas effectués, la personne à qui l’argent est dû peut exiger la vente de la propriété ou la prendre elle-même en paiement. Les frères Young ont demandé à un tribunal québécois de forcer Mme Macht à délaisser la maison, c’est-à-dire à y renoncer, afin d’acquitter sa dette envers eux. En 2011, le tribunal les a déclarés propriétaires. Mais la banque possédait toujours une hypothèque sur la maison.
Peu de temps après, la banque s’est adressée aux tribunaux afin d’être autorisée à prendre la maison de Mme Macht, parce que son hypothèque n’était pas payée. Mais c’étaient les frères Young qui étaient devenus propriétaires de la maison. Ces derniers ont versé à la banque les paiements qui étaient dus par Mme Macht, même s’ils n’admettaient pas qu’ils avaient à le faire.
La banque a demandé à un tribunal de forcer les frères Young à délaisser la maison afin d’acquitter la dette de Mme Macht. Le juge du procès a donné raison à la banque et a déclaré que celle-ci était propriétaire de la maison. La Cour d’appel n’a pas été de cet avis. Elle a souligné que la banque avait pris action uniquement contre les frères Young, qui étaient les propriétaires de la maison à ce moment-là. La banque n’avait pas poursuivi Mme Macht, alors que c’était elle qui lui devait personnellement de l’argent. La Cour d’appel a jugé que l’hypothèque n’existait plus, qu’elle avait cessé d’exister avant même que le juge du procès ait rendu sa décision. La banque aurait dû prendre action contre Mme Macht pour empêcher que cela ne se produise. Mais le délai pour ce faire avait expiré, et il était en conséquence trop tard pour que la banque puisse agir et tenter de récupérer son argent auprès des frères Young.
La Cour suprême a décidé le présent appel « du banc », à l’issue de celui-ci le 7 novembre 2019.
Lorsqu’une affaire est tranchée « du banc », cela signifie que la décision est rendue oralement sur-le-champ. Les parties n’ont alors pas à attendre que la Cour rédige sa décision et la rende par écrit, ce qui demande un certain temps (en moyenne cinq mois en 2019). Environ un tiers des décisions ont été prononcées à l’audience en 2019.
Lorsqu’un appel est décidé à l’audience, il arrive parfois que la Cour fournisse plus tard des explications écrites (motifs). Elle peut le faire pour préciser davantage sa décision. Dans la plupart des cas cependant, il n’y a pas de motifs écrits, ce qui ne veut pas dire que la décision est rendue sans explications. Quand elle se prononce oralement, la Cour peut par exemple fournir de courtes explications, ou encore dire quelque chose comme « nous accueillons (ou rejetons) le présent appel essentiellement pour les motifs qu’a donnés la Cour d’appel. » Cela signifie qu’elle s’appuie sur les motifs du tribunal inférieur, lequel a fondamentalement rendu la bonne décision.
Dans la présente affaire, les juges majoritaires ont dit être entièrement d’accord avec la Cour d’appel. La décision de celle-ci est en conséquence demeurée intacte, c’est-à-dire que les frères Young conservaient la maison et que la banque ne pouvait réclamer aucun droit sur celle-ci.
Le Canada possède deux importantes traditions juridiques, la common law (basée sur le droit anglais) et le droit civil (basé sur le code civil français). Le Québec est la seule province qui applique le droit civil. Ce droit, qui est énoncé dans le Code civil de cette province, s’applique à la plupart des questions juridiques autres que criminelles. Certains concepts du droit civil et de la common law sont similaires – par exemple les hypothèques et les mortgages. Mais ils reposent souvent sur des principes différents et peuvent comporter des règles différentes. L’existence au Canada de deux grandes traditions juridiques contribue à faire de celui-ci un endroit unique. De fait, la Cour suprême du Canada est la seule cour suprême bilingue (deux langues) et bijuridique (deux systèmes de droit) dans le monde.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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