La cause en bref

R. c. Ahmad

Les policiers doivent avoir de bonnes raisons de soupçonner que quelqu’un qui répond à un appel téléphonique (ou que le numéro lui-même) est lié au trafic de drogue avant de demander à cette personne d’en vendre, juge la Cour suprême.

Les policiers peuvent mener les enquêtes criminelles de différentes façons. Pour découvrir des crimes sur lesquels il est difficile d’enquêter (comme le trafic de drogue, le leurre d'enfants ou le terrorisme), ils peuvent avoir à tenter des personnes à les commettre. Mais il y a des limites à respecter si on a recours à cette méthode. Les policiers doivent être capables de démontrer au tribunal qu'ils avaient des « soupçons raisonnables » (une bonne raison de soupçonner) qu'un certain crime était en train d’être commis. L'exigence de soupçons raisonnables permet aux tribunaux d'examiner la conduite des policiers pour vérifier qu'elle est appropriée.

Lorsque les policiers n’ont pas de soupçons raisonnables et qu’ils donnent tout de même l’occasion à une personne de commettre un crime, on dit qu’ils font de la « provocation policière ». Une telle conduite est très grave, parce qu’elle nuit au sens de la justice de la société et à la primauté du droit. Quand cela se produit, il faut qu’il y ait un « arrêt des procédures », ce qui veut dire qu’il faut mettre fin à la poursuite et que la personne en cause ne peut pas être déclarée coupable du crime.

La décision portait sur deux causes de provocation policière.

Dans le cas de M. Ahmad, la police a été informée que quelqu’un appelé « Romeo » vendait de la drogue par téléphone. Un policier a fait un appel au numéro de « Romeo ». Il ne savait pas si le tuyau (l’information) était fiable. Il a eu une courte conversation avec « Romeo » qui a accepté de lui vendre de la cocaïne. Ils se sont rencontrés en personne et « Romeo » a vendu de la cocaïne à l’agent. La police a arrêté et fouillé « Romeo », qui était en fait M. Ahmad.

La juge du procès a dit que M. Ahmad n’avait pas fait l’objet de provocation policière parce que, durant la conversation, l’agent a confirmé suffisamment de renseignements au sujet du tuyau pour avoir une bonne raison de soupçonner que son interlocuteur vendait de la drogue et que ses soupçons sont nés avant qu’il lui demande de lui en vendre. M. Ahmad a été déclaré coupable.

Dans le cas de M. Williams, un policier a obtenu des renseignements d’un collègue selon qui une personne prénommée « Jay » vendait de la cocaïne. Les renseignements provenaient aussi d’une source. Le policier ignorait si les renseignements étaient fiables ou récents. Un autre agent a téléphoné au numéro de « Jay » et lui a dit qu’il voulait acheter de la cocaïne. « Jay » a accepté de rencontrer l’agent et de lui vendre du crack. « Jay » était en fait M. Williams. La police a arrangé un autre achat de drogue 11 jours plus tard. Un mois plus tard, M. Williams a été arrêté.

Selon le juge du procès, les policiers n’avaient pas de soupçons raisonnables au sujet de M. Williams avant de demander à celui-ci de leur vendre de la drogue. Il a conclu que M. Williams avait fait l’objet de provocation policière et a ordonné la suspension de l’instance.

La Cour d’appel a entendu les deux appels ensemble parce qu’ils portaient sur la même question et elle a conclu que ni M. Ahmad ni M. Williams n’avaient fait l’objet de provocation policière.

Tous les juges de la Cour suprême ont conclu que M. Ahmad n’a pas fait l’objet de provocation policière, mais pour des motifs différents. Les juges majoritaires ont conclu que M. Williams a fait l’objet de provocation policière.

Selon les juges majoritaires, la police peut demander à quelqu’un qui répond au téléphone de commettre un crime. Elle ne peut toutefois le faire que si elle a déjà des soupçons raisonnables, et que ceux-ci portent sur une personne en particulier commettant un crime ou sur des activités criminelles se déroulant à un endroit précis. En cette ère du numérique, un endroit n’a pas à être un lieu physique, ce peut être un numéro de téléphone. Donc, la police doit avoir une bonne raison de soupçonner que la personne qui répond au téléphone commet déjà un type de crime ou que le numéro de téléphone sert à commettre ce crime avant de lui demander d’en commettre un.

La police n’a pas de soupçons raisonnables si elle a juste un tuyau et ne sait pas s'il est fiable. Elle peut développer des soupçons raisonnables en vérifiant si un tuyau est fiable avant d'appeler. Les juges majoritaires ont affirmé qu'il était préférable d'avoir des soupçons raisonnables avant de faire un appel, même s’il est aussi possible d’en développer en ayant une conversation avec la personne qui répond.

Dans les deux causes, la police n’avait pas de soupçons raisonnables avant d’appeler aux numéros de téléphone. Mais pour les juges majoritaires, M. Ahmad n’a pas été victime de provocation policière parce que la conversation a éveillé chez les policiers des soupçons raisonnables qu’il vendait de la drogue, et ce, avant de lui demander de leur en vendre. Durant l’appel avec M. Williams, la police n’a pas confirmé le tuyau. Les juges majoritaires ont affirmé que M. Williams a fait l’objet de provocation policière parce que la police a demandé à lui acheter de la drogue avant d’avoir une bonne raison de soupçonner qu’il en vendait.

M. Ahmad a été autorisé à interjeter appel à la Cour suprême. Les personnes déclarées coupables en appel, et qui n’avaient pas été jugées coupables au terme de leur procès, comme M. Williams, peuvent interjeter appel « de plein droit » (ce qui veut dire, sans d’abord obtenir la permission pour le faire).

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.