La cause en bref

R. c. Thanabalasingham

Une personne a vu son droit d’être jugée dans un délai raisonnable violé parce que plus de 4 ans et demi se sont écoulés avant que son procès ne commence, juge la Cour suprême.

La Charte canadienne des droits et libertés fait partie de la Constitution du Canada. D’après l’alinéa 11b), toute personne accusée d’un crime a le droit d’être jugée dans un délai raisonnable. Ce droit protège à la fois les accusés et la société. Les longs procès criminels causent à toutes les personnes concernées de la souffrance et de la frustration. En effet, les personnes accusées sont souvent emprisonnées en attendant leur procès. Les victimes et leur famille respective n’ont d’autre choix que d’attendre une décision définitive. Et le public doit lui aussi patienter longtemps avant que justice soit enfin rendue.

Le droit d’être jugé dans un délai raisonnable est important. Si le procès d’un accusé prend trop de temps, il peut être arrêté. C’est ce qu’on appelle un « arrêt des procédures ». Cela signifie que l’accusé ne sera ni déclaré coupable ni acquitté.

En juillet 2016, la Cour suprême du Canada a rendu une décision importante : R. c. Jordan. Cette décision, souvent appelée « l’arrêt Jordan », a établi les règles permettant de déterminer quand un procès criminel dure depuis trop longtemps. Il précise que la plupart des procès devraient être terminés dans un délai de 18 ou de 30 mois après que les accusations ont été portées, selon le type de procès dont il est question. L’arrêt Jordan dit aux juges de « présumer » (c’est-à-dire de considérer comme vrai) que tout délai plus long est « déraisonnable », sauf si quelque chose d’inhabituel justifie ce délai. (Dans ce contexte, quand on dit qu’un délai est « déraisonnable », on veut dire qu’il a été « trop long ».) Si les procédures ont pris un temps déraisonnable, elles doivent être « arrêtées ». L’arrêt Jordan prévoit également des mesures spéciales pour les affaires qui étaient déjà en cours avant que les règles ne changent. On appelle ces affaires des causes « transitoires ».

En 2012, Monsieur Thanabalasingham a été accusé du meurtre au deuxième degré de son épouse. Avant que la date du procès de M. Thanabalasingham ait été fixée, la Couronne (la poursuite) a décidé de l’accuser plutôt de meurtre au premier degré. L’enquête préliminaire (une audience qui se tient parfois avant le début des procès pour crimes graves) a duré plus d’un an. Il y a également eu d’autres délais. Le procès devait se dérouler en 2017, durant l’année qui a suivi l’arrêt Jordan. Toutefois, juste avant le début de son procès, M. Thanabalasingham a affirmé que son droit d’être jugé dans un délai raisonnable avait été violé et il a demandé un arrêt des procédures.

Le juge du procès a dit qu’il avait raison et il a ordonné l’arrêt des procédures. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont déclaré être du même avis.

La Cour suprême a décidé à l’unanimité que le droit de M. Thanabalasingham d’être jugé dans un délai raisonnable avait été violé. Elle a conclu que les procédures devaient être arrêtées.

La cause de M. Thanabalasingham durait depuis au moins 45 mois, et il avait passé toute cette période en prison. Cette période était beaucoup plus longue que le délai maximal de 30 mois fixé dans l’arrêt Jordan. La Cour a déclaré que la Couronne avait le pouvoir de changer l’accusation pour meurtre au premier degré, mais qu’elle aurait dû savoir que cette décision pourrait allonger le délai et ainsi affecter le droit de M. Thanabalasingham d’être jugé dans un délai raisonnable.

La majeure partie du délai dans la présente affaire est survenue avant que la Cour n’ait rendu l’arrêt Jordan. Même si cette affaire constitue une cause « transitoire », cela n’a pas d’importance, car un arrêt des procédures aurait aussi été accordé en vertu des anciennes règles.

La Cour a dit qu’en raison de l’arrêt Jordan des délais aussi graves ne se reproduiraient probablement plus. Avant cette décision, de nombreuses personnes à l’intérieur du système de justice considéraient de longs délais comme une situation tout à fait normale. L’arrêt Jordan a indiqué que ce ne devrait pas être le cas. Le message qu’a envoyé cet arrêt est que tous les acteurs du système de justice ont un rôle à jouer pour faire en sorte que les personnes accusées soient jugées dans un délai raisonnable. La Couronne doit être bien organisée, elle doit partager l’information avec la défense sans délai, et elle ne doit pas faire perdre de temps aux tribunaux. Pour sa part, la défense doit être prête à commencer le procès si le tribunal et la Couronne sont prêts à le faire. Les juges qui président les procès doivent éviter les délais quand ils le peuvent, et ce, même si cela peut vouloir dire refuser une demande de remise ou d’ajournement de la défense. Il doit en être ainsi étant donné que le droit d’être jugé dans un délai raisonnable présente aussi des avantages pour les victimes et la société.

Cette cause a été soumise à la Cour suprême en tant qu’appel « de plein droit ». Cela signifie que la personne qui fait appel n’a pas à demander la permission de la Cour pour le faire. Il y a appel de plein droit dans les affaires criminelles lorsqu’un ou une juge d’une Cour d’appel exprime sa dissidence (son désaccord) sur un point de droit, comme c’était le cas ici.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.