La cause en bref

R. c. Javanmardi

  • La décision
  • Date : le 14 novembre 2019
  • Référence neutre : 2019 CSC 54
  • Décompte de la décision :
    • Majorité : La juge Rosalie Silberman Abella a accueilli l’appel (avec l’accord des juges Moldaver, Karakatsanis, Côté et Brown)
    • Dissidence : Le juge en chef Richard Wagner a dit que le fait de donner l’injection était dangereux et que la formation et l’expérience de Mme Javanmardi ne devraient pas être prises en compte pour décider si ses actes étaient raisonnables ou non, mais il ordonnerait la tenue d’un nouveau procès pour l’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal (avec l’accord du juge Rowe)
  • En appel de la Cour d’appel du Québec
  • Renseignement sur le dossier (38188)
  • Diffusion Web de l'audience
  • Décisions des tribunaux inférieurs :

La Cour suprême conclut qu’une naturopathe d’expérience n’était pas coupable dans la situation où un de ses patients est décédé à la suite d’un traitement.

Mme Javanmardi a pratiqué la naturopathie au Québec pendant plus de 20 ans. Elle avait un diplôme en sciences, ainsi qu’un doctorat et un diplôme en médecine naturopathique. Sa formation comprenait des classes et une formation clinique sur les techniques d’injection intraveineuse. Elle a donné de telles injections à des milliers de patients au cours de sa carrière. Bien que les naturopathes soient autorisés à donner des injections dans d’autres provinces, ils ne peuvent pas le faire au Québec.

En 2008, M. Matern s’est rendu à la clinique de Mme Javanmardi. Il était âgé de 84 ans et souffrait de maladie du cœur. Il était mécontent du traitement reçu à des cliniques médicales conventionnelles et espérait que la naturopathie l’aiderait. Mme Javanmardi a recommandé une injection intraveineuse. M. Matern a demandé d’en recevoir une immédiatement. Il s’est avéré que l’une des fioles que Mme Javanmardi a utilisées pour l’injection était contaminée. M. Matern est décédé pendant la nuit. Deux autres patients ont reçu des injections tirées de la même fiole la même journée sans aucun problème.

Mme Javanmardi a été accusée de deux crimes. Le premier était l’« homicide involontaire coupable au moyen d’un acte illégal ». Ça veut dire faire quelque chose d’illégal qui cause la mort de quelqu’un. Le deuxième était la « négligence criminelle causant la mort ». Ça veut dire faire quelque chose qu’une « personne raisonnable » n’aurait pas faite et qui cause la mort de quelqu’un. Les deux accusations étaient fondées sur le fait que Mme Javanmardi avait donné une injection à M. Matern.

Pour être coupable d’un crime, une personne doit faire quelque chose qui est contraire à la loi (criminelle). Cependant, quelque chose doit la rendre responsable de ce qu’elle a fait. Pour bien des crimes, la responsabilité est fondée sur l’intention de faire quelque chose de mal, mais pour certains crimes, la personne peut être responsable même si elle n’avait pas l’intention de faire quelque chose de mal. Dans de tels cas, le juge compare ce qu’a fait la personne avec ce qu’aurait fait une « personne raisonnable » dans la même situation. Si les actions de la personne accusée et de la « personne raisonnable » sont très différentes, le juge peut décider que la personne accusée n’a pas pris de précautions suffisantes.

La juge du procès a acquitté Mme Javanmardi des deux accusations. Selon elle, Mme Javanmardi avait les compétences et l’expérience nécessaires pour donner l’injection à M. Matern. Elle a dit que Mme Javanmardi avait pris des précautions suffisantes en matière de sécurité. Elle achetait ses nutriments d’une pharmacie de bonne réputation. Elle a choisi des nutriments appropriés pour l’injection. La juge a aussi affirmé qu’une personne raisonnable dans la position de Mme Javanmardi n’aurait pas pensé que l’injection aurait fait du mal à M. Matern. Elle a dit que les actions de Mme Javanmardi n’étaient pas un « écart marqué » (c’est-à-dire qu’elles n’étaient pas très différentes) de ce qu’une personne raisonnable avec ses compétences et sa formation aurait fait. La Cour d’appel n’était pas de cet avis. Elle a jugé que Mme Javanmardi était coupable d’homicide involontaire coupable au moyen d’un acte illégal, mais a dit qu’il faudrait tenir un nouveau procès sur la négligence criminelle.

Les juges majoritaires de la Cour suprême ont affirmé que la décision de la juge du procès devrait être rétablie. Cela veut dire que Mme Javanmardi n’était pas coupable des deux crimes. C’est le travail du juge du procès d’évaluer la preuve et de tirer des conclusions à propos des faits. Les juges majoritaires ont dit que la Cour d’appel avait eu tort de réévaluer la preuve et de remplacer les conclusions factuelles de la juge du procès par les siennes. Ils ont ajouté que la juge du procès avait eu raison de prendre en compte la formation et l’expérience considérables de Mme Javanmardi en tant que naturopathe pour décider de ce qui était raisonnable dans les circonstances.

Cette affaire a été soumise à la Cour suprême en tant qu’appel « de plein droit ». Cela veut dire qu’il y a un droit d’appel automatique. La personne n’a pas besoin d’obtenir la permission de la Cour. Le droit est automatique dans les affaires criminelles lorsqu’une cour d’appel remplace un verdict de non-culpabilité par un verdict de culpabilité, comme c’était le cas ici.

La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.