La cause en bref
R. c. Penunsi
- La décision
- Date : le 5 juillet 2019
- Référence neutre : 2019 CSC 39
- Décompte de la décision :
- En appel de la Cour d’appel de Terre-Neuve et Labrador
- Renseignement sur le dossier (38004)
- Diffusion Web de l'audience
- Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :
- mise en liberté provisoire (Cour provinciale de Terre-Neuve, non disponible en ligne)
- Demande de certiorari (Cour suprême de Terre-Neuve-et-Labrador)
- Appel (Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador)
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Une personne qui n’est pas accusée d’avoir commis un crime peut se voir imposer par un juge des conditions de mise en liberté sous caution en attendant la tenue de son audience relative à un engagement de ne pas troubler l’ordre public, juge à l’unanimité la Cour suprême.
Monsieur Penunsi était en prison. Un policier croyait que ce dernier risquait de blesser quelqu’un à sa sortie de prison et a demandé à un juge d’ordonner un « engagement de ne pas troubler l’ordre public ». Un tel engagement est une promesse faite au tribunal de ne pas troubler l’ordre public, de se comporter convenablement et de respecter certaines conditions. Cet outil vise à prévenir les crimes. Faire l’objet d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public, c’est différent d’être accusé d’un crime, mais c’est un crime de ne pas respecter la promesse faite au tribunal. Le juge a délivré un mandat d’arrestation afin de contraindre M. Penunsi à comparaître devant le tribunal et à répondre à la demande. Toutefois, il était déjà emprisonné et n’a donc pas été arrêté. Une date a été fixée pour l’audience, qui devait avoir lieu après la libération de M. Penunsi. Le ministère public (la poursuite) craignait que ce dernier blesse quelqu’un entre-temps. Selon le ministère public, M. Penunsi devait rester en prison ou être tenu de respecter certaines conditions jusqu’à l’audience. Il a demandé la tenue d’une audience sur la mise en liberté sous caution afin qu’un juge puisse décider de la suite des choses.
Monsieur Penunsi a fait valoir que les règles en matière de mise en liberté sous caution ne s’appliquaient pas aux engagements de ne pas troubler l’ordre public. À son avis, le recours au cautionnement était limité aux personnes accusées d’avoir commis un crime, alors qu’il n’avait pas été accusé de quoi que ce soit. Le juge de la cour provinciale était d’accord pour dire que les règles en matière de mise en liberté sous caution ne s’appliquaient pas aux engagements de ne pas troubler l’ordre public. C’est pour cette raison qu’il a déclaré ne pas pouvoir tenir une audience sur la mise en liberté sous caution.
Le ministère public a demandé à un juge de la cour supérieure de revoir la décision du juge de la cour provinciale. (La cour supérieure chargée des procès à Terre-Neuve-et-Labrador est la « Cour suprême » de la province.) Selon le juge de la cour supérieure, les règles en matière de mise en liberté sous caution étaient applicables aux engagements de ne pas troubler l’ordre public. Cependant, la Cour d’appel était de l’avis contraire, au motif que la personne en attente d’une audience relative à un tel engagement n’est accusée d’aucun crime.
La question était devenue théorique avant que le juge de la cour supérieure n’entende la cause. Une question est « théorique » si la décision du juge n’a pas de conséquence sur le plan pratique parce que le problème est déjà réglé. Monsieur Penunsi avait déjà volontairement accepté de se conformer à certaines conditions à sa sortie de prison. Néanmoins, vu l’importance de la question, le juge a décidé d’entendre la cause. D’autres tribunaux ailleurs au Canada ne s’entendaient pas sur les règles à appliquer dans des situations comme celle de M. Penunsi. Tout dépendait de l’interprétation qu’était donnée à certaines parties du Code criminel. Le droit n’était pas clair.
À l’unanimité, les juges de la Cour suprême du Canada ont statué que les règles relatives à l’arrestation et à la mise en liberté sous caution s’appliquaient aux engagements de ne pas troubler l’ordre public. Ils ont toutefois affirmé que ces règles s’appliquaient d’une façon précise et qu’elles devaient donc être modifiées. Ces modifications étaient nécessaires pour que les règles s’appliquent à la prévention de crimes et non à l’égard de personnes déjà accusées d’en avoir commis. La Cour a examiné le libellé, le contexte et l’objet de parties du Code criminel portant sur les engagements de ne pas troubler l’ordre public, l’arrestation et la mise en liberté sous caution.
Selon la Cour, les juges peuvent contraindre une personne à comparaître pour répondre à une procédure d’engagement de ne pas troubler l’ordre public de deux façons. La façon habituelle prend la forme d’une « sommation », soit un ordre donné à un individu de se présenter au tribunal. Cependant, il peut être approprié de délivrer un mandat d’arrestation. Si la personne est arrêtée, le juge peut ordonner la tenue d’une audience sur la mise en liberté sous caution. Au cours de cette audience, le juge peut imposer à la personne des conditions à respecter jusqu’à son audience relative à un engagement de ne pas troubler l’ordre public. La portée de ces conditions devrait se limiter à assurer la présence de la personne au tribunal et à protéger le public jusqu’à l’audience. Si la personne n’est pas arrêtée (par exemple, si on lui remet une sommation), le juge ne peut lui imposer de conditions avant l’audience relative à un engagement de ne pas troubler l’ordre public.
Monsieur Penunsi n’a pas été légalement arrêté. Lorsqu’une personne est arrêtée, elle doit être informée des motifs de son arrestation et avoir la possibilité d’embaucher un avocat, ce qui n’a pas été le cas pour M. Penunsi. Puisqu’il n’avait pas été arrêté, les règles en matière de mise en liberté sous caution n’étaient pas applicables. Par conséquent, le juge ne pouvait pas lui imposer de conditions en attendant son audience relative à un engagement de ne pas troubler l’ordre public.
Par ailleurs, la Cour a affirmé que les juges devaient se garder de mettre les défendeurs à une procédure d’engagement de ne pas troubler l’ordre public dans une situation qui les voue à l’échec. Les juges ordonnent fréquemment à des individus, à titre de condition à leur mise en liberté sous caution, d’éviter tout contact avec l’alcool et les drogues. Une telle condition peut s’avérer difficile à respecter pour ceux aux prises avec un problème de dépendance. Comme c’est le cas de l’engagement de ne pas troubler l’ordre public, être en mis en liberté sous caution n’est pas un crime. Cependant, c’est un crime de ne pas respecter une condition de mise en liberté sous caution. Les juges devraient s’abstenir de faire de ces individus des criminels en raison d’éléments hors de leur contrôle.
Forcer une personne à demeurer emprisonnée devrait être une mesure de dernier recours. En l’absence d’accusation criminelle, cette mesure ne devrait être utilisée que lorsque la personne refuse de respecter les conditions imposées en attendant son audience relative à un engagement de ne pas troubler l’ordre public. La Cour suprême du Canada s’est récemment penchée sur la question de la mise en liberté sous caution dans l’arrêt R. c. Myers.
Le personnel des communications de la Cour suprême du Canada rédige des causes en bref pour aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour; les causes en bref ne font pas partie des motifs de jugement de la Cour et elles ne doivent pas être utilisées lors d’une procédure judiciaire.
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