La cause en bref
Produits forestiers Résolu c. Ontario (Procureur général)
- La décision
- Date : le 6 décembre 2019
- Référence neutre : 2019 CSC 60
- Décompte de la décision :
- Majorité : les juges Rosalie Silberman Abella, Michael Moldaver, Andromache Karakatsanis et Sheilah Martin ont accueilli l’appel
- Dissidence : les juges Suzanne Côté et Russell Brown ont affirmé que les réclamations de première partie ne sont pas exclues par le libellé du contrat; ils auraient accueilli le pourvoi de Résolu et rejeté ceux de Weyerhaeuseur et de l’Ontario (avec l’accord du juge Rowe)
- En appel de la Cour d’appel de l’Ontario
- Renseignement sur le dossier (37985)
- Diffusion Web de l'audience
- Décisions des tribunaux inférieurs (en anglais seulement) :
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Les entreprises, et non le gouvernement, sont responsables du paiement des frais nécessaires pour respecter les règles environnementales, juge la Cour suprême.
Dans les années 1960, il y avait une entreprise de pâtes et papiers à Dryden, en Ontario. Une usine située sur le site de l’entreprise fabriquait des produits chimiques servant à blanchir le papier. Le procédé de fabrication requérait l’usage de mercure. À la fin du procédé, les déchets étaient jetés dans des rivières avoisinantes. Le mercure s’écoulait en aval, où il empoisonnait des gens. Des membres des Premières Nations de Grassy Narrows et d’Islington ont subi des effets négatifs sérieux et à long terme sur leur santé. En 1977, deux bandes des Premières Nations ont intenté une poursuite en dommages-intérêts en raison de la contamination par le mercure.
Vers la fin des années 1970, l’entreprise et l’usine appartenaient à une compagnie dénommée Reed. Une autre compagnie, Great Lakes Forest Products, était intéressée à acheter ces propriétés, mais hésitait à le faire à cause de la poursuite. Un site avait été aménagé afin d’y enfouir les déchets de façon sécuritaire. Des échantillons d’eau étaient régulièrement prélevés et analysés pour s’assurer qu’il n’y avait pas de fuites. Mais Great Lakes ne voulait pas être tenue responsable de la pollution causée antérieurement.
Craignant que l’économie locale en souffre si l’entreprise de pâtes et papiers venait à fermer ses portes, le gouvernement provincial souhaitait que la vente soit conclue. Il a dit qu’il accorderait une « indemnité » à Great Lakes. Une indemnité est une sorte de protection financière. Dans le présent cas, le gouvernement acceptait de payer les frais de règlement d’actions en justice visant des incidents antérieurs de pollution qui dépasseraient 15 millions de dollars. En échange, Great Lakes acceptait de dépenser environ 200 millions de dollars pour agrandir et moderniser l’entreprise. La vente, ainsi que l’entente d’indemnisation, ont été conclues en 1979.
La poursuite intentée par les Premières Nations a pris fin par un règlement en 1985. Dans le cadre de ce règlement, le gouvernement a accordé à Great Lakes et à Reed une nouvelle indemnité. Cette entente d’indemnisation s’appliquait à toutes les réclamations pour des dommages causés par des incidents antérieurs de pollution, y compris par le mercure. Elle remplaçait celle de 1979 (et une autre de 1982). Elle s’appliquait également à tout futur propriétaire de l’entreprise.
En 2009, Bowater était propriétaire du site d’enfouissement des déchets, lequel ne faisait maintenant plus partie de l’entreprise. Bowater a déclaré faillite. Dans le cadre des procédures de faillite, un tribunal a autorisé Bowater à abandonner le site en 2011. Mais le ministère de l’Environnement de l’Ontario a affirmé que Bowater et Weyerhaeuser (la propriétaire précédente) étaient encore responsables à cet égard. Il leur a ordonné (au moyen d’un « arrêté », une sorte d’ordonnance) de réparer le site d’enfouissement, de continuer à prélever et à analyser des échantillons d’eau, et de prendre des mesures pour empêcher les fuites et remédier à celles qui se produiraient.
Weyerhaeuser prétend que l’indemnité prévue par l’entente de règlement de 1985 s’applique aux mesures imposées par cet arrêté. Elle affirme que le gouvernement provincial doit payer tous les frais nécessaires pour se conformer à celui-ci. Bowater, connue maintenant sous le nom Produits Forestiers Résolu, dit la même chose.
Le juge des motions a conclu que l’indemnité s’applique à l’arrêté et qu’en conséquence le gouvernement doit payer les frais en question. En Cour d’appel, les juges de la majorité ont déclaré que l’indemnité s’applique, mais que Résolu n’y a pas droit. Ils ont jugé que le tribunal inférieur devrait décider si Weyerhaeuser y a droit.
En Cour suprême, les juges majoritaires ont conclu que l’indemnité ne s’applique pas à l’arrêté. Cela signifie que Résolu et Weyerhaeuser doivent payer les frais nécessaires pour se conformer à celui-ci.
Les juges majoritaires ont souligné que l’entente de 1985 ne dit pas que le gouvernement va payer les frais engagés par la compagnie pour respecter les règles environnementales. Cette entente n’est pas non plus censée s’appliquer aux réclamations entre le gouvernement et la compagnie. Elle est uniquement censée s’appliquer aux réclamations présentées par des tiers (c’est-à-dire des personnes qui n’ont pas signé l’entente).
Les juges majoritaires ont également indiqué que l’indemnité parle de « réclamations pour pollution », mais que la présente affaire ne concerne pas une telle réclamation. Il n’y a pas eu de fuites, et donc pas de nouveaux incidents de pollution. L’objectif de l’arrêté est d’imposer des mesures de surveillance et d’analyse pour éviter que surviennent de nouveaux incidents de pollution. Les juges majoritaires ont affirmé que l’indemnité est censée s’appliquer aux réclamations découlant de nouveaux incidents de pollution ou encore du mercure déjà présent dans l’environnement en raison d’incidents antérieurs. L’indemnité ne s’applique pas aux réclamations se rapportant au mercure conservé de façon sécuritaire dans le site d’enfouissement. Le juge des motions a déclaré que du mercure s’échappait de ce site, mais c’était une erreur.
Le juge des motions a en outre conclu que le gouvernement avait consenti à l’indemnité de 1985 dans le cadre d’un échange, et qu’en retour de l’indemnité Great Lakes investirait dans l’usine de Dryden. Mais c’était également une erreur. Great Lakes avait déjà accepté d’effectuer cet investissement en 1979. Elle n’a pas pris de nouveaux engagements en échange de l’indemnité de 1985. Le juge des motions a donc rendu sa décision en se basant sur des faits erronés et, pour cette raison, les juges majoritaires de la Cour suprême étaient autorisés à la modifier.
La présente affaire concernait une compagnie qui était en faillite. Une compagnie peut demeurer responsable de se conformer aux règles environnementales, même lorsqu’elle fait faillite.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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