La cause en bref
Bell Canada c. Canada (Procureur général)
- La décision
- Date : le 19 décembre 2019
- Références neutres : 2019 CSC 66
- Décompte de la décision :
- Majorité : le juge en chef Wagner et les juges Michael Moldaver, Clément Gascon, Suzanne Côté, Russell Brown, Malcolm Rowe, et Sheilah Martin ont accueilli les appels
- Dissidence : les juges Rosalie Silberman Abella et Andromache Karakatsanis ont dit que la décision du CRTC autorisant la présentation des messages publicitaires américains durant le Super Bowl était « raisonnable », et elles auraient rejeté les appels
- En appel de la Cour d’appel fédérale
- Renseignement sur le dossier (37896) (37897)
- Diffusion Web de l'audience
- Décisions des tribunaux inférieurs :
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Le CRTC n’avait pas le pouvoir d’autoriser la présentation au Canada des messages publicitaires américains lors du Super Bowl, juge la Cour suprême.
Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes est un organisme fédéral. Il établit, au nom du gouvernement, des règles régissant la télévision, les services téléphoniques et l’Internet. Certaines de ces règles portent sur la « substitution simultanée » d’émissions de télévision. La « substitution simultanée » consiste à remplacer la programmation diffusée par une station de télévision par celle que diffuse une autre station en même temps. Si une station de télévision canadienne détient le droit exclusif de présenter une émission au Canada, elle peut, en vertu des règles de la « substitution simultanée », obliger d’autres stations à utiliser sa propre version de cette émission, y compris les messages publicitaires. Les entreprises de câble et de satellite doivent utiliser cette version sur toutes leurs chaînes de télévision qui présentent l’émission. Ces règles visent à permettre aux stations de télévision canadiennes d’augmenter la taille de leur auditoire et, ainsi, d’accroître leurs revenus tirés de la vente de temps d’antenne aux annonceurs. La « substitution simultanée » n’est pas permise lorsqu’elle n’est pas dans l’intérêt public.
Le Super Bowl est présenté à la télévision canadienne depuis plus de 40 ans. Les messages publicitaires diffusés pendant cet événement font partie de l’expérience du Super Bowl. Toutefois, en raison de la pratique de la « substitution simultanée », les téléspectateurs au Canada voyaient toujours des messages publicitaires différents de ceux présentés aux téléspectateurs américains.
Le public a indiqué au CRTC qu’il voulait voir les messages publicitaires américains diffusés pendant le Super Bowl. Le CRTC a donc décidé que la « substitution simultanée » ne serait plus autorisée dorénavant lors du Super Bowl. En 2015, il a établi un « énoncé de politique générale » à cet effet. Il a officialisé cette décision dans une « Ordonnance définitive » en 2016. Cette ordonnance précisait que le changement entrerait en vigueur en 2017.
Bell Media a acheté les droits exclusifs de présenter le Super Bowl sur ses stations CTV jusqu’en 2019. Bell et la National Football League (qui est propriétaire des droits d’auteur sur le Super Bowl) ont contesté la décision du CRTC, affirmant que celui-ci n’avait pas le pouvoir de la prendre. La Cour d’appel fédérale a jugé que le CRTC avait le pouvoir de le faire et que sa décision était « raisonnable ».
Toutefois, les juges majoritaires de la Cour suprême ont dit que la Cour d’appel fédérale a appliqué la mauvaise approche. Il existe des mécanismes particuliers au moyen desquels les cours de justice examinent les décisions prises au nom du gouvernement par des organismes comme le CRTC. Dans certains cas, les cours « contrôlent » la décision. Mais en l’espèce, comme la loi précise que les parties ont le droit de « faire appel » de la décision, cela signifie que la cour devait traiter la décision du CRTC de la même manière qu’une décision d’une cour de justice. Elle devait se demander si la décision était « correcte » à la lumière du droit. (Pour bien comprendre ce que signifient ici les termes « raisonnable » et « correcte », consultez le document « Jurisprudence en bref » sur la norme de contrôle.)
Les juges de la majorité ont donné raison à Bell et à la NFL. Ils ont dit que le CRTC n’avait pas le pouvoir de prendre cette décision. Celle-ci a été prise en vertu d’une disposition particulière de la Loi sur la radiodiffusion. Les juges majoritaires ont interprété les mots de cette disposition en considérant tout le contexte. Ils ont examiné la façon dont elle est formulée, la grammaire, ainsi que l’objet de la Loi et l’intention du Parlement lorsqu’il a adopté cette disposition. Les juges majoritaires ont déclaré que la disposition accorde au CRTC uniquement le pouvoir d’ordonner aux entreprises de câble et de satellite de distribuer certaines chaînes. Dans l’exercice de ce pouvoir, le CRTC peut fixer des conditions que ces entreprises ont l’obligation de suivre. Cette disposition existe en partie pour appuyer la distribution de contenu télévisuel canadien que les entreprises de câble et de satellite pourraient ne pas considérer rentables de distribuer.
Dans la présente affaire, le CRTC a dit aux entreprises de câble et de satellite distribuant des stations de télévision américaines qu’elles devaient diffuser la version américaine du Super Bowl, y compris les messages publicitaires. Cette décision excédait les pouvoirs que possède le CRTC en vertu de cette disposition de la Loi. Parce que le CRTC a outrepassé ses pouvoirs, sa décision n’était pas « correcte ». Les juges de la majorité ne se sont toutefois pas prononcés sur la question de savoir si le CRTC peut prendre cette décision suivant une autre disposition de la Loi.
Les arrêts Bell Canada et NFL font partie des trois affaires connues sous le nom de « trilogie de droit administratif ». (Dans l’autre affaire, Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, il s’agissait de décider si la personne concernée était un citoyen canadien.) Les affaires relatives aux messages publicitaires du Super Bowl et l’affaire Vavilov concernaient des questions très différentes, mais elles portaient toutes sur un aspect du droit administratif qu’on appelle la « norme de contrôle ». Pour en apprendre davantage à ce sujet (et pour mieux comprendre les motifs de la Cour dans les présentes affaires), consultez le document « Jurisprudence en bref » sur la norme de contrôle.
La cause en bref est un document rédigé par le personnel des communications de la Cour suprême du Canada afin d’aider le public à mieux comprendre les décisions de la Cour. La cause en bref ne fait pas partie des motifs de jugement de la Cour et ne doit pas être utilisée lors de procédures judiciaires.
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